4 Novembre 2024
Une scène avec un fond en demi-cercle et un dispositif très ingénieux de portes et de caches que les actrices ouvrent et ferment tout le long du récit. Une série de projections animent cet agencement. Léna Paugam nous offre un magnifique duo avec Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette. Ce biopic à deux voix pour incarner une des plus célèbres voix féministes du 20éme siècle est une vraie réussite. Ce binôme incarne toutes les étapes de la vie de cette avocate d’origine tunisienne. En se repassant la parole au fil du récit, en se coupant presque la parole pour reprendre l’histoire, les deux actrices enchaînent les répliques et incarnent Gisèle Halimi à toutes les étapes de sa vie. On ne présente pas bien sûr Gisèle Halimi. Chacun et chacune connait ses combats et son engagement indéfectible pour la cause des femmes. C’était une femme libre qui a consacré sa vie à la défense des autres mais surtout des femmes malmenées et piétinées par la société patriarcale.
Ainsi, on découvre son enfance et ses premières révoltes et on la suit pas à pas dans ces combats au service des injustices mais surtout pour la défense des droits des femmes.
Une vie de combat pour la cause des femmes :
le premier pour l’autorisation de l’avortement
Gisèle Halimi né en Tunisie, fait des études en France et défend à partir des années 1950 des militants de l'indépendance de l'Algérie (FLN), alors française. Puis elle assure la défense de l'activiste et militante Djamila Boupacha, accusée de tentative d'assassinat, torturée et violée en détention par des soldats français. Ainsi, elle a dénoncé pour la première fois la torture et les pratiques de l’armée française d’occupation en Algérie, aux côtés de Simone de Beauvoir. Toutes les deux médiatisent au maximum pour l’époque, ce procès afin de mettre en lumière les méthodes de l'armée française ce que personne ne voulait voir à l’époque. Et ce sont ces deux femmes, exemplaires et militantes qui ont porté ce combat au vu et au su de tous. Elles ont porté ensemble plusieurs combats pour la cause des femmes. Par exemple Gisèle Halimi est la seule avocate signataire du « manifeste des 343 de 1971 » réunissant des femmes qui déclarent avoir déjà avorté et réclament le libre accès à l'avortement, alors interdit et réprimé en France. Toutes les deux, elles fondent le mouvement Choisir la cause des femmes. Et puis en 1972, lors du fameux procès de Bobigny, l’action de Gisèle Halimi en tant qu'avocate de femmes accusées d'avortement illégal permet l'acquittement de trois des accusées ainsi qu'un sursis pour la quatrième, et contribue à la création de la loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse, en 1975.
Un autre de ces combats est la reconnaissance du viol comme un crime
C’est au cours du procès très médiatisé de deux jeunes femmes LGBT+ comme on dirait maintenant, victimes en 1974 d'un viol collectif jugé en 1978, qui contribue à l'adoption d'une nouvelle loi en 1980, définissant clairement le viol comme un crime, alors qu'il était traité jusque-là le plus souvent comme un délit ou un attentat à la pudeur en droit français.
Depuis, les choses ont avancé très doucement. IL a fallu le #meetoo et les suivants pour réellement faire avancer les choses en matière de violences sexistes et sexuelles. Car on touche profondément aux fondement même de nos sociétés patriarcales en dénonçant ces comportements comme des crimes. Et c’est cette femme qui avec son verbe, ses plaidoiries magnifiques et son engagement, a fait bouger le droit et la législation française.
D’ailleurs j’ai un petit regret de ne pas avoir eu assez d’extraits de plaidoiries. J’aurais aimé me plonger beaucoup plus dans ses mots et ses phrases. Car son arme essentiel était bien le verbe, le second l’intelligence et le troisième la ténacité. Et les quelques extraits de plaidoiries que nous avons écoutés m’ont vraiment donné envie d’en entendre plus. Avec Simone de Beauvoir elle formait un duo incroyable. L’intellectuelle et la militante, deux expertes du verbe, chacune avec sa spécificité et ses engagements mais toutes les deux réunies dans ce combat pour les droits des femmes.
Une pièce qui nous rappelle que toutes les avancées pour les droits et les libertés sont arrachées lors de luttes acharnées et le combat des femmes se distinguent particulièrement par son côté juridique et législatif. Plus que jamais le combat pour les droits des femmes est d’actualité et nécessaire car attaqués de toutes parts et ce sont ces femmes libres et généreuses qui nous ont montré la voie.
La Scala Paris a présenté ce spectacle bouleversant toute la saison dernière. Il revient en mai 2025 … A ne pas manquer.
Distribution
Texte Gisèle Halimi et Annick Cojean
ADAPTATION DU LIVRE D’ANNICK COJEAN ET GISÈLE HALIMI – © ÉDITIONS GRASSET
Mise en scène Léna Paugam
Adaptation de Agnès Harel, Philippine Pierre Brossolette et Léna Paugam
Interprétation
Du 17 septembre au 2 novembre : Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette
Du 2 mai au 31 mai : Marie-Christine Barrault et Hinda Abdelaoui
Assistanat à la mise en scène Mégane Arnaud
Scénographie Clara Georges Sartorio
Création Sonore Félix Mirabel
Création Vidéo Katell Paugam
Création lumière Alexis Beyer
Crédit photos : Thomas O Brien
Théâtre La Scala
Du 2 au 31 mai 2025