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Arts-chipels.fr

Le Spleen de l’Ange. Aimer à loisir. Aimer et mourir. Au pays qui te ressemble…

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Après avoir parcouru les chemins de la liberté dans un cabaret dégenré et exploré les voies aventureuses de la séduction et du désir, c'est une ode, délicate et poétique, à la fragilité humaine et à son imperfection que célèbrent les marionnettes de Johanny Bert.

Des silhouettes de passants traversent la scène de part en part, formes lumineuses en à plat, monochromes, qui mêlent invalides, jeunes et vieux, mères et enfants, promeneurs nonchalants ou coureurs après le temps. C'est tout un petit peuple qui contemple d'en haut la silhouette en suspension, nimbée de lumière, qui regarde ce petit monde s'agiter. Lui, il a la robe moirée des figurines qu'on accroche au sapin de Noël, ce cône au bout duquel émerge sur nos arbres une petite tête ronde, et auquel sont accrochées deux ailes. C'est l'Ange. Pas celui des putti, le petit coquin des amours ailés qui escorte les représentations un peu lestes du XVIII e  siècle, non. Celui qui fait escorte aux figurations religieuses, l'Ange avec un grand « A », pas le déchu, l'autre, qui veille sur nous et nous protège de son ombre tutélaire. Du haut de son perchoir étoilé, il surveille ce qui se passe en bas, mais reste invisible aux humains.

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

L’ennui naquit un jour de l’immortalité

Mais pour lui qui regarde et se morfond de ne rien faire, c’est pas une vie, l’éternité ! Tout y est prévisible, rien ne se passe d’inattendu et puis c’est long, ce temps pour durer toujours, où rien ne peut se passer parce que le temps ne passe pas ! C’est ainsi qu’à force de traîner son spleen, l’Ange décide de renoncer à la divinité. Il deviendra humain, pour que chaque jour ne ressemble pas au précédent mais surtout pour expérimenter ce que signifie le mot « ressentir ». Apprendre que la douleur et la joie sont les deux faces d’une même médaille et qu’il faut de la souffrance pour apprécier le bonheur. Humer comme un émerveillement toujours recommencé le parfum rare des plaisirs minuscules. Éprouver ce que signifie avoir un corps, aimer et être aimé. Autant de questionnements générateurs de sens dans une vie qu’on considère souvent comme vide et banale. L’ombre bouleversante de l’ange Bruno Ganz dont le monde se colore à partir du moment où surgit son amour pour une humaine dans les Ailes du désir de Wim Wenders flotte dans l’air.

Phot. © Simon Gosselin

Phot. © Simon Gosselin

Un jeu d’emboîtements dans l’univers de la marionnette

La longue marche vers l’humanité de la marionnette-Ange passera par une expérimentation progressive des attributs humains et Johanny Bert n’oubliera pas au passage les clins d’œil à ses spectacles précédents lorsqu’il sera, par exemple, pour la marionnette, question de se chercher une peau – masculine ? féminine, peut-être ? Mains et pieds, bras et jambes humains s’inviteront au festin de la métamorphose de la marionnette dans un dialogue savoureux entre l’homme et sa créature, introduisant un jeu permanent entre réalité et fiction créative. Car notre ange qui voudrait devenir homme n’est en fait qu’une créature créée par l’homme qui voudrait s’abstraire de sa condition de créature et prendre son envol comme la création, peut-être s’individualise de son créateur pour acquérir une vie propre. Une circularité parfaite qui part de l’humain pour y revenir tout en abordant, justement, ce qui échappe à l’humain…

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

En musique et chanson

Il fallait à ce cycle aux allures prométhéennes détournées l’association, comme dans les précédents spectacles de Johanny Bert, d’une musique spécifique, inclassable. Elle convoque ici violon, violoncelle, vibraphone et claviers en même temps que la musique électronique, leur associe l’abstraction musicale née de l’usage du thérémine, ce boîtier électronique équipé de deux antennes dont le mouvement des mains, entre les deux, commande la hauteur et le volume du son produits. Métissage de mondes musicaux qui vont du classique au contemporain pour une hybridation entre le céleste et le terrestre, que viennent ponctuer des chansons-monologues intérieurs commandées à Brigitte Fontaine, Laurent Madiot, Alexis Morel, Yumma Ornelle et Prunella Rivière.

Dans une osmose qui alterne et fait dialoguer les éléments textuels et visuels constitutifs du spectacle, on retrouve la poésie intense du rêve d’enfance, ponctué par l’émerveillement des tours de nouvelle magie et l’atmosphère pailletée, sous la voûte du ciel, d’un monde où le signe est roi. C’est enfin le lyrisme et la profonde émotion qui transpirent dans cette ode à une humanité souffrante, mais qui conserve encore la faculté d’être vivante. Une leçon de vie et d’espoir dans le monde défiguré, fracassé, fracturé qui est le nôtre. Et si les anges nous montraient le chemin ?

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Phot. © Christophe Raynaud de Lage

Le Spleen de l’ange  - Création pour anges, humains et marionnettes
S Mise en scène, scénographie, lumières et comédien-chanteur Johanny Bert S Musiciens en scène, compositions et arrangements Marion Lhoutellier (violon et électronique), Guillaume Bongiraud (violoncelle et électronique), Cyrille Froger (percussions et claviers) S Régie plateau et manipulations Klore Desbenoît S Dramaturgie Olivia Burton S Commande d’écriture des chansons (Auteurs.trices / compositeurs.trices) Brigitte Fontaine, Laurent Madiot, Alexis Morel, Yumma Ornelle, Prunella Rivière S Création costumes Pétronille Salomé, Irène Jolivard S Création masques Alexandra Leseur-Lecoq, Loic Nebreda, Pétronille Salomé S Construction marionnettes Amélie Madeline S Création lumières et régie générale Gautier Le Goff S Régie son Simon Muller S Construction accessoires Luc Imberdis, Klore Desbenoît, Magali Rousseau, Maxence Moulin, Jonas Coutancier, Johanny Bert S Conseils magie Thierry Collet, Yann Frish S Production Théâtre de Romette S Coproduction Le Théâtre de la Croix Rousse – Lyon, Théâtre de la Ville - Paris, Théâtre 71 Malakoff, scène nationale, Le Sémaphore à Cébazat, Théâtre de Gascogne S Avec le soutien précieux du Carreau – Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan, La Cour des Trois Coquins, scène vivante à Clermont-Ferrand, le METT – Le Teil et le Groupe des 20 Auvergne-Rhône-Alpes, La Pop, dans le cadre de la JRA 2023 S Le Théâtre de Romette est implanté à Clermont-Ferrand, à La Cour des Trois Coquins - scène vivante S La compagnie est conventionnée par la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Ville de Clermont-Ferrand. Merci pour leur accompagnement et leur soutien S Johanny Bert est artiste complice du Théâtre de la Croix- Rousse – Lyon S Le Théâtre de Romette est compagnie en résidence à Malakoff scène nationale et au Sémaphore à Cébazat S Création au Théâtre de la Ville - Paris (Théâtre des Abbesses) du 15 au 26 octobre 2024 S Dès 12 ans S Durée 1h10

Création 5 octobre 2024 – La Cour scène vivante, Clermont- Ferrand (63)
Du 15 au 26 octobre 2024 à 20h – Théâtre de la Ville - Paris / Les Abbesses (75)
7 novembre 2024 – Théâtre du Pays de Morlaix (29)
3 au 15 novembre 2024 – Festival Ovni - Théâtre 71, Malakoff scène nationale (92)

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