Didon et Énée – une version ballet d’une fascinante beauté !

Le plateau est plongé dans la pénombre. Les premières notes retentissent et les 10 danseurs et danseuses commencent à danser. Cette première partie propose des enchaînements en ligne avec toujours une soliste en pleine lumière. Des décalages et des variations subtils jouent avec des parties plus éclairées et plus sombres. Puis le fond du décor s’ouvre et la scène apparait dans son entièreté. Un fond de scène éclairé en couleur et un sol noir. Vite on est attiré par des effets étranges aux pieds des interprètes et on comprend qu’un mince filet d’eau recouvre toute la scène. Quand on sait que la hantise des danseurs est la glissade cette configuration les transcende, ils et elles en font un atout indéniable qui donne au spectacle une dimension poétique irréelle.

Tout le talent de Blanca Li est de jouer avec les glissades et la fluidité que cet élément apporte et d’explorer les possibilités chorégraphiques offertes par cet aspect dynamique nouveau, en créant une dramaturgie fascinante. Et les danseurs et danseuses s’en donnent à cœur joie avec des diagonales à plat ventre, sur le dos ou légèrement fléchi. Cela donne des mouvements inhabituels et un rythme parfois incongru et décalé. Cela ajoute également une sorte de fragilité et de préciosité aux mouvements des danseurs dans les portés notamment et les scènes de groupes magnifiques avec des entassements de corps les uns sur les autres dans des tableaux dignes des représentations des bacchanales. Et cette instabilité amplifie le côté lyrique et poétique du spectacle.

Blanca Li raconte et décrit la conception du spectacle en évoquant les mouvements du diaphragme. Toute la chorégraphie est basée sur les mouvements du diaphragme qui alliés avec cette gestuelle glissante et paradoxalement pondérée donne une singularité étonnante au ballet.

Une scénographie magnifiquement sobre tournée vers les émotions.

Toute la scénographie et la mise en scène sont basés sur deux éléments, l’eau et la lumière dans un espace scénique complètement épuré. Il y a le fond de scène en couleurs et le sol noir. L’eau permet de jouer avec les reflets et donne une brillance irréelle à l’ensemble.  Les danseurs et danseuses apparaissent parfois en contre-jour sur un fond lumineux ou inversement sont éclairés en contraste de couleurs avec le fond. Il n’y a que l’essentiel nécessaire à la narration. Cette simplicité de moyens laisse toute la place à la danse et à la musique. C’est graphiquement beau et chorégraphiquement brillant et inventif. On est happé par les émotions du récit tout en appréciant la beauté des scènes et la performance des interprètes.

Blanca Li, nouvellement nommée Présidente de La Villette raconte que c’est un projet qu’elle porte depuis longtemps. Un travail qu’elle a commencé quand, en 2023, William Christie et les arts florissants lui ont demandé de faire la mise en scène de Didon et Enée… A l’époque, elle avait insisté pour qu’il y ait des danseurs mais la danse n’était qu’au deuxième plan. Blanca Li est reparti de cette mise en scène pour en faire un ballet. Elle s’est attachée particulièrement aux émotions des personnages et a choisi de les exprimer avec le corps. Ainsi elle raconte ce drame avec les émotions des personnages plus que la narration linéaire et factuelle. C’est en cela que cette version est particulièrement touchante et passionnante. Elle nous partage un autre niveau du récit. Elle a choisi la version enregistrée pendant une représentation pour la partie musicale.

Cette version ballet de Didon & Enée, basée sur une dramaturgique exacerbée est d’une fascinante beauté et tout le talent de Blanca Li est bien d’avoir utilisé un artifice scénographique pour un faire un support dramatique et poétique exceptionnel. Magistral !  
 

Blanca Li, une exploration de tous les genres chorégraphiques et une longue connivence avec l’ Opéra.

Blanca Li, née en 1964 à Grenade, est une danseuse et chorégraphe espagnole dont l'activité est principalement basée en France. Elle est aussi metteuse en scène, réalisatrice, et actrice.

Elle part à New York à dix-sept ans, pour étudier pendant cinq ans à l'école de Martha Graham, tout en fréquentant les écoles d'Alvin Ailey, Paul Sanasardo et le Clark Center. Elle est au début de la naissance du hip-hop, et crée un groupe de Flamenco-Rap. De retour en Espagne, elle crée à Madrid sa première compagnie, laquelle est sélectionnée pour le programme de l'Exposition universelle de Séville en 1992. Elle s’installe en France et enchaîne les créations mêlant toujours ses différents styles de prédilection. Elle met en scène également plusieurs Opéra pour L’Opéra de Nancy et l’opéra de Paris entre autres et la création d’un ballet pour le Ballet de l'Opéra de Paris, Shéhérazade, dans des costumes de Christian Lacroix en 2001. En février 2004, Blanca Li signe la chorégraphie de Don Giovanni au Métropolitain Opera de New York. Elle est nommée en France la même année chevalier de l'ordre national du Mérite et reçoit en Espagne le prix Manuel de Falla. Blanca Li est promue officier de l'ordre des Arts et des Lettres par le ministre de la Culture en mars 2007.

Elle enchaine les créations pour diverses structures et centre chorégraphiques. La Fondation Fiminco installe les nouveaux studios de Blanca Li à partir de 2022 à Romainville dans le centre d'art contemporain implanté sur le site des anciennes usines Roussel. Le Bal de Paris de Blanca Li est un spectacle immersif en réalité virtuelle qui reçoit le Lion de la meilleure expérience VR au Festival International de Venise en septembre 2021 et se joue à guichets fermés au Théâtre national de Chaillot et au Palace pendant plusieurs mois puis à l'Opéra de Rennes en 2021 et 2022. En avril 2024, elle est choisie pour devenir présidente de l'établissement public du parc et de la Grande halle de la Villette.

Elle est réputée pour son éventail d'expression chorégraphique, allant du flamenco au hip-hop en passant par le ballet ou la danse baroque.

Distribution :

Mise en scène et chorégraphie Blanca Li assistée de Déborah Torres Garguilo et Glyslein Lefeve
Scénographie Blanca Li avec la participation de Pierre Attrait assistés de Nina Coulais

Avec Alizée Duvernois, Victor Virnot, Julien Marie-Anne, Meggie Isabet, Maeva Lassere, Coline Fayolle, Gaël Rougegrez, Martina Consoli, Gaetan Vermeulen, Quentin Picot

Musique enregistrée Les Arts Florissants – William Christie
Enregistrement de la musique au Gran Teatre del Liceu de Barcelona
Compositeur Henry Purcell Oeuvres Didon et Enée et Celestial Music Did The Gods Inspire, Z322
Lumières Pascal Laajili assisté de Jean-Luc Passarelli et Boris Pijetlovic
Costumes Laurent Mercier assisté de Ghjulia Giusti Muselli
Direction technique Jérémie Oler
Administration de production et de tournée Camille Denisty
Direction de production Etienne Li
Production Calentito – Compagnie Blanca Li
Coproduction La Villette – Paris, Chaillot – Théâtre national de la Danse, Théâtre de Liège
Création chorégraphique aux Studios de la Compagnie, Fondation Fiminco de Romainville
Accueil résidence de création Le Cube Garges
Avec le soutien du ministère de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France

Chaillot hors les murs- Théâtre national de la Danse programmé à la Villette …
du 17 au 31 octobre 24