Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Arts-chipels.fr

The Rise. La poésie s’anime.

Phot. © Hervé Véronèse

Phot. © Hervé Véronèse

Dans cet opéra expérimental imaginé par la compositrice autrichienne Eva Reiter et le chorégraphe belge Michiel Vandevelde, des musiciens et des danseurs accompagnent une performance en langue des signes.

La poésie signée

Le spectacle s’inspire des œuvres de la poétesse américaine Louise Glück. Prix Pulitzer de poésie en 1993 pour son recueil The Wild Iris et Prix Nobel de littérature en 2020, elle pratique une poésie de l’intime, perfectionniste et teintée de lyrisme.

Dans cet opéra, la poésie de Louise Glück (1943-2023), interprétée par l’acteur sourd Ruben Grandits en langue des signes internationale, devient un ballet de gestes et de mimiques. Pour ceux qui ne lisent pas cet alphabet visuel, les vers libres s’inscrivent sur un écran. Averno, son dixième recueil, publié aux États-Unis en 2006, est une méditation devant le petit lac volcanique d’Averne, à l’ouest de Naples. Les Anciens y voyaient un passage vers les Enfers. C’est là que Perséphone fut enlevée à sa mère Déméter par Hadès. Louise Glück reprend la légende, la mêle à celle d’Orphée et Eurydice et explore les liens entre l’univers des vivants et celui des morts. Tissant des fils narratifs où le mythe et l’ordinaire se confrontent et se confondent, elle dit la permanence de la nature à travers les saisons et la fragilité de l’humain, menacé de dépossession...

La pièce se construit en suivant les ambiances du poème. Élégie, plainte, tragédie... ces nuances nous seraient moins sensibles si la musique et la danse ne venaient relayer la performance pourtant expressive du narrateur. L’ensemble Ictus et les danseurs du groupe Disagree vzwf donnent une ampleur sonore et spatiale au texte. Ils apportent aussi une distance humoristique à un pathos un peu daté new age : « Mon âme meurt/ Mon corps s’obstine. » ou « Je veux des ailes/ J’en ai assez d’être humain/ Je veux vivre sur le soleil »...

Phot. © Violetta Wakolbinger

Phot. © Violetta Wakolbinger

Des instruments spectaculaires

L’ensemble contemporain bruxellois Ictus compte une vingtaine de musiciens. Il cohabite depuis 1994 avec l’école de danse P.A.R.T.S et la compagnie Rosas (dirigée par Anne-Teresa De Keersmaeker), avec laquelle il a déjà monté quatorze productions, de Amor Constante à Vortex Temporum. Son répertoire s’étend de Georges Aperghis à Steve Reich ou Luciano Berio, de Fausto Romitelli à Tom Waits, de François Sarhan à Riccardo Nova... L’ensemble a parié dès ses débuts sur la mutation vers le statut mixte d’orchestre électrique et, pour les besoins de certaines compositions, conçoit ses propres instruments.

Pour The Rise, l’inventivité est à l’œuvre, avec des objets insolites qui, d’un tableau à l’autre, participent au décor autant qu’à la musique. Au sol, des brosses à dents ou à reluire sont frottées sur une planche sonorisée, concrétisant le « monde en flux illisible » de la poétesse, tandis que les quatre danseurs reprennent la gestuelle du narrateur. Plus tard, musiciens et danseurs soufflent en chœur dans d’étranges tubulures, flûtes géantes, traduisant les bruissements de la nature...

Plus spectaculaire encore, l’enfer d’Hadès nous apparaît : l’abîme s’ouvre derrière le rideau de fond de scène, où la troupe suit la chanteuse soprano Lore Binon, trônant sur un chariot mobile. Un immense tuyau, terminé par un pavillon sera, pour les musiciens, une corne de brume et le support d’un fil tendu sur lequel ils activent leurs archets. D’autres instruments à vent bricolés se mêlent à d’improbables percussions. Chant solo et chœurs les rejoignent.

Phot. © Hervé Véronèse

Phot. © Hervé Véronèse

Un mariage réussi

Cette descente aux Enfers constitue le point d’orgue du spectacle qui marie narration signée, musique et danse. La chorégraphie s’appuie sur la langue des signes, en décomposant et recomposant un vocabulaire gestuel expressif. Au joyeux tintamarre final succède le silence, après ces derniers vers : « Les chants ont changé ; mais vraiment, ils sont encore très beaux. / [...] Ils sont sombres à présent, sombres de désolation et d’angoisse. / Et pourtant les notes reviennent. / Elles planent curieusement. / Dans l’anticipation du silence. / L’oreille s’y habitue. / L’œil s’habitue aux disparitions. » 

The Rise Création 2024, d’après Averno de Louise Glück (éd. bilingue, Gallimard 2022). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie Olivier.
S Conception et scénographie Eva Reiter, Michiel Vandevelde S Musique et conception des instruments Eva Reiter S Costumes Tutia Schaad S Électronique Ircam Augustin Muller S Soprano Lore Binon S Performance Ruben Grandits S Traducteur en langue des signes internationale et poésie de signe originale Günter Roiss S Ensemble Ictus : Dirk Descheemaeker, Hanna Kölbel, Eva Reiter, Michael Schmid S Disagree vzw : Amanda Barrio Charmelo, Nathan Felix-Rivot, Antoine Roux-Briffaud, Aure Wachter S Commande Ensemble Ictus S Avec le soutien de Ernst von Siemens Musikstiftung (Eva Reiter, The Rise) S Production Ensemble Ictus et Disagree vzw S Coproduction Musica, Elbphilharmonie Hamburg, Concertgebouw Brugge, Ircam-Centre Pompidou, Perpodium S Avec le soutien de la Flemish Community et du Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge S Durée 1h30 S En langue des signes internationale, surtitres en français et anglais

TOURNÉE

1-2 octobre Festival Musica, Salle Grüber, Strasbourg

26 mars 2025 Concertgebouw - Brugge - Belgique

29-30 mars Kaaitheater & Klarafestival - Brussels – Belgique

21-22 mai Elbphilharmonie - Hambourg – Allemagne

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article