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Arts-chipels.fr

L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt. Fantaisie musicale pour une femme libre.

L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt. Fantaisie musicale pour une femme libre.

Le spectacle de Géraldine Martineau fait, plus qu’à l’actrice qui fut considérée comme la plus grande tragédienne de tous les temps, la part belle au personnage légendaire de Sarah Bernhardt. Une femme qui impose, en son temps, son statut de femme libre.

C’est dans l’univers de la débrouille que grandit la petite Sarah. Sa mère, d’origine juive hollandaise, élève seule ses filles dans le Paris mondain du milieu du XIXe siècle. Modiste sans le sou devenue courtisane, elle évolue dans un monde de « protecteurs » auxquelles les jeunes filles se frotteront, un milieu qui apportera à Sarah le soutien, au début de sa carrière, du duc de Morny pour la faire engager à la Comédie-Française. Lorsque le rideau se lève, c’est dans l’appartement familial que nous nous trouvons projetés.

Phot. © Fanchon Bilbille

Phot. © Fanchon Bilbille

Une évocation biographique qui suit la chronologie

On y découvrira les relations très « boulevardières » de la famille en même temps que les rivalités doublées de solidarité et d’affection de Sarah et de ses sœurs, marquées entre autres par la préférence de « Youle », la mère, pour Jeanne, une de ses filles également comédienne, que Sarah protégera, une fois devenue célèbre. On suit ses démêlés à répétition avec la Comédie-Française, qu’elle intègre, quitte et rejoint à nouveau avant de mener une carrière totalement indépendante qui la conduit en tournée dans le monde entier, de Londres à Saint-Pétersbourg, des États-Unis au Pérou et au Chili, et même jusqu’à Melbourne et la pousse à fonder son propre théâtre. Une trajectoire professionnelle hors du commun au tournant du XXe siècle. On la suit soignant les blessés durant la guerre franco-prussienne de 1870, visitant les soldats sur le front durant la Première Guerre mondiale où une amputation d’une jambe, qui la fait jouer assise, lui vaut le surnom de « Mère La Chaise ». On découvre le caractère assez désastreux de sa vie sentimentale : un enfant naturel du prince belge Henri de Ligne, qu’elle assume seule, un mari accro à la morphine qu’elle assumera jusqu’au bout et qui mourra à trente-quatre ans. Si l’on ajoute les amants qui jalonnent son parcours, on trouve de quoi alimenter la chronique mondaine et fournir la matière d’un roman de gare plein de péripéties.

Phot. © Fanchon Bilbille

Phot. © Fanchon Bilbille

Une indépendance révolutionnaire

Mais dans un monde où tous les pouvoirs appartiennent aux hommes et où les femmes n’ont pour fonction que de plaire et d’obéir, Sarah Bernhardt fait figure de rebelle. Non seulement elle refuse de se plier aux sollicitations des hommes qui l’entourent, fussent-ils Victor Hugo, mais elle dirige sa carrière, n’hésitant pas à rompre ses engagements lorsqu’on lui impose ce dont elle ne veut pas, prenant des risques en partant à l’étranger, construisant autour d’elle les éléments de sa propre mythologie. Bonne fille, bonne sœur, bonne mère, elle joue des rôles d’homme, porte pantalon, dort dans un cercueil capitonné. Elle n'hésite cependant pas à mettre en jeu sa carrière, en s’engageant publiquement pour Zola dans l’affaire Dreyfus ou soutenant Louise Michel, condamnée après la Commune à la déportation. Elle est, avec toute les errances du personnage, un symbole haut porté de la cause des femmes, un modèle de femme libre avant que la révolution des mœurs ne soit passée par là. 

Phot. © Fanchon Bilbille

Phot. © Fanchon Bilbille

Une fantaisie musicale

Si le spectacle fait la part belle au personnage de Sarah Bernhardt, il choisit de le faire sur le mode du divertissement musical. Il s’émaille, tout au long du parcours, de chansons interprétées par Estelle Meyer dont la forte personnalité et la voix capable de passer du grave à l’aigu font merveille. Actrice et chanteuse – elle est passée d’Andando, ode à Lorca mise en scène par Daniel San Pedro, à Dracula dont elle a écrit le livret pour l’Orchestre National de Jazz, et a prêté sa voix à Amy Winehouse pour Benjamin Abitan sur France Culture – elle a le caractère ardent et trempé de l’héroïne qu’elle incarne. Mais elle n’est ici pas seule : ses partenaires poussent aussi la chanson. Légères ou dramatiques, tantôt proche de la comédie musicale, tantôt goualantes, les chansons sont accompagnées en live – au piano et au violoncelle – tout au long du spectacle.

La mise en scène fait le choix de ne pas nous faire entendre le phrasé si particulier de Sarah Bernhardt au théâtre, dont des enregistrements, très déformés par les techniques d’enregistrement de l’époque, subsistent encore. Manière, sans doute, de « moderniser » le personnage pour en gommer un jeu qui ne passerait pas aujourd’hui et lui donner l’actualité qu’il mérite. Si les amateurs de théâtre peuvent regretter qu’une part plus grande ne soit pas consacrée au jeu théâtral proprement dit et que la spectacle accorde une place prépondérante à la seule évocation biographique, le public ne boude pas son plaisir en lui faisant une véritable ovation.

Phot. © Fanchon Bilbille

Phot. © Fanchon Bilbille

L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt
S Une création de Géraldine Martineau S Avec Estelle Meyer, Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Blanche Leleu, Priscilla Bescond, Adrien Melin, Sylvain Dieuade, Antoine Cholet, Florence Hennequin, Bastien Dollinger S Scénographie Salma Bordes S Lumière et vidéo Bertrand Couderc S Costumes Cindy Lombardi S Composition musicale Simon Dalmais S Chant Estelle Meyer S Chorégraphie Caroline Marcadé S Perruques et maquillages Judith Scotto S Collaboration artistique Sylvain Dieuaide S Assistante Elisabeth Calleo S Son Antoine Reibre
À partir du 27 août 2024
Théâtre du Palais Royal – 38, rue de Montpensier, 75001 Paris
https://www.theatrepalaisroyal.com/

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