21 Juin 2024
Un écrivain en panne d’inspiration, une mystérieuse jeune fille qu’il trouve sans cesse sur son chemin sans l’avoir cherchée constituent les ingrédients de ce thriller sans l’être où l’onirisme s’impose.
Une jeune femme est installée devant une machine à écrire. À son côté, un autoportrait de Van Gogh. Nous sommes dans un musée et l’homme qui se présente devant elle – curieusement, il a des charentaises aux pieds – veut à toute force voir le conservateur pour lui dire tout le mal qu’il pense de l’exposition en cours. Il est écrivain, il sait ce qu’est l’art véritable, mais cette exposition, pour lui, « c’est une imposture ». Mais elle lui oppose un refus catégorique. Il doit suivre la procédure administrative, lui écrire pour demander un rendez-vous. De fil en aiguille, leur dialogue quitte le terrain administratif pour devenir plus personnel. Chacun commence à confier des détails de sa vie, insolites, parfois drôles, mais aussi curieux. Il est question de canaux à Londres où se trouve le musée Van Gogh, de petit ami mort dans des conditions étranges pour elle, d’épouse décédée dans des conditions non moins surprenantes pour lui.
D’un temps à l’autre et d’un échange à l’autre
Leur échange est cocasse, les prénoms des personnages dont ils parlent résonnent de l’un chez l’autre comme si les deux histoires pouvaient avoir un lien. Un peu plus tard, changement de lieu par un simple tour de passe-passe qui transforme le bureau de l’assistante en table de travail de l’écrivain et la banquette du musée en canapé du salon de l’auteur. Il est chez lui et boit verre sur verre lorsque quelqu’un sonne à sa porte. C’est la même jeune femme mais elle a troqué la sage petite robe à volants des années 50-60 pour un short en jeans troué et un T-shirt très moderne. Cette fois-ci, elle est une jeune étudiante qui a choisi comme sujet de master une de ses œuvres, qui n’a jamais été montée. De fil en aiguille, des rapports s’établissent entre les personnages qu’ils ont côtoyés et on découvre peu à peu que leur relation est plus étroite qu’il n’y paraissait au premier abord. Elle n’est pas là par hasard. Mais quel rapport entretient-elle avec la jeune assistante du musée ? Et y avait-il un musée ou n’était-ce qu’un rêve de l’écrivain ? La jeune femme est-elle réelle ou la projection d’un désir inconscient chez lui ? Que représente-t-elle pour cet écrivain qui n’arrive plus à écrire et se débat devant son impuissance ? Tourne la roue des faux-semblants et des certitudes avérées et valsent les hésitations sur ce qui appartient au fantasme et ce qui tient de la réalité. La conclusion ne sera pas nécessairement celle que l’on attendait…
Un spectacle de facture classique
Il y a dans le spectacle quelque chose du « bien dire », dans une langue classique, dans la manière dont les personnages s’expriment. Leur timbre est haut et clair, les phrases sont limpides, les syllabes se détachent. Et même si la jeune femme – Chloé Renaud – endosse tour à tour deux personnalités différentes et peut-être un peu plus, on reste dans un registre du « beau » théâtre, infiniment agréable à écouter, sans fausse note, mais qui manque un peu de lâcher prise. Gageons cependant que l’enchaînement des représentations – c’était une avant-première – les fera se départir de ce classicisme que les temps d’aujourd’hui rendent un peu emprunté pour acquérir une liberté plus grande et, partant, une vérité plus authentique. Cela n’empêche pas la joute verbale, à fleurets doucement mouchetés, de conserver saveur, humour et malice…
Un songe d’Ernesto Cucchero. Un thriller onirique
S Texte Mathieu Buscatto S Mise en scène Carine Montag S Avec Chloé Renaud et Mathieu Buscatto S Décor Jean-Michel Adam S Lumière Christian Pinaud S Musique Éric Page S Production Compagnie Le Jour de la Lune S Diffusion La Strada & Cies
Du 2 au 21 juillet à 13h20
Au Théâtre des Corps Saints, Avignon (Festival Off)