19 Juin 2024
Danse et corps en mouvement sont l'ADN de ce festival créé en 1996. Marie Didier en a pris les rênes depuis trois ans, à la suite de Jan Goossens, avec des projets ouverts sur la Méditerranée et des aventures liées à ce territoire phocéen pluriculturel , terre d'exil et d'asile.
Le festival 2024 tient cette ligne cosmopolite, invitant trente et un artistes, venus de quinze pays : Afrique du Sud, Allemagne, Angleterre, Belgique, Écosse, Égypte, France, Inde, Irlande du Nord, Liban, Portugal, République du Congo, Rwanda , Suisse, Tunisie . Cette année, de nombreuses œuvres s'intéressent à l'expression de la violence, à l'hybridation entre luttes émancipatrices et langages artistiques. En trois semaines et quatre week-ends, et dans dix-huit lieux de la ville, jusqu'à l'île du Frioul, on y voit de la danse, du théâtre, des concerts, des films... Et des propositions hors-norme comme des ateliers de danse gratuite. Le prix modique des entrées (10 euros) invite chaque année un public fidèle à revenir.
...How in salts desert is it possible to blossom... (...Comment peut-on fleurir dans un désert de sel...). Un feu d’artifices
En ouverture du festival, la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin offre une parade arc-en-ciel, couleurs de son pays, avec le Garage Dance Ensemble d’Okiep et les musiciens d’uKhoiKhoi
O’Kiep : au-delà des blessures de la mine
Il était une fois un village du Namaqualand dans la province du Cap-Nord, en Afrique du Sud... Dès l’entrée du public, sur l’écran en fond de scène, s’affiche l’histoire d’O’Kiep. Cet endroit existait avant les mines de cuivre, c’est le pays des « Coloured people », comme les ont appelés les Anglais pour qualifier, en Afrique du Sud, les populations d’ethnies mélangées, descendantes des cultures nama et indienne. Pas assez blancs à l'époque de l'apartheid et pas assez noirs aujourd’hui, ces gens sont victimes de discriminations. Les mines, exploitées des années 1870 aux années 1980, ont laissé derrière elles désert et pauvreté. Mais, après les pluies de l'hiver, la terre se recouvre d’un tapis de plus de 3 500 espèces de marguerites sauvages, une fleur symbole de paix et de prospérité́.
Cette floraison magnifique qui prend le pas sur le désert a inspiré Robin Orlyn quand les danseurs du Garage Dance Ensemble lui ont demandé : « Nous souhaitons simplement dire qui nous sommes et comment nous célébrons la vie ». Cette troupe, dirigée par Alfred Hinkl et Jon Linden, tous deux originaires d’O’Kiep, a investi un ancien garage reconverti en lieu de répétition.
Polyphonies et Polychromies
De sa voix puissante, Anelisa Stuurman entonne des mélopées envoûtantes, sur les accords de guitare de Yogin Sullaphen. Basés à Johannesburg, ils forment le duo uKhoiKhoi, nommé d’après la tribu autochtone KhoiSan dont ils descendent. La troupe, joyeuse, corps enveloppés dans des costumes volumineux, se déploie autour du petit l’orchestre. Les rires des cinq danseurs se mêlent à la musique, tandis qu’ils déroulent de longs filins : cordons ombilicaux ou lignes d’erre, ils deviennent, sculptés au sol par les artistes, vagues, méandres, circonvolutions, sous l’œil d’une caméra fixée au plafond. Omniprésent, l’objectif relaie sur l’écran du fond les corolles que forment, vus d’en haut, leurs amples habits tourbillonnant dans des danses giratoires.
Petit à petit les interprètes se débarrassent de leur enveloppe de tissus, révélant des tenues colorées sur des corps puissants ou longilignes. Un homme danse avec son ombre, tel un chien enragé sous les aboiements des musiciens, une violente scène de rapt sème le trouble, le groupe se filme avec un téléphone mobile : l’image apparait sur l’écran.
Au final, le groupe se stabilise autour de l’aînée de la tribu, la dépouillant lentement des oripeaux qui la ralentissaient, la rendant statique.
Kaléidoscope arc en ciel
Dans un déploiement d’étoffes, le corps de la doyenne poursuit sa mue. Les costumes de Birgit Neppl sont des cocons qu’on dépèce, couche après couche, révélant des formes et des couleurs inouïes, symboles de la nature qui refleurit, de la vie qui triomphe sur une terre désertifiée par le passage du colon.
Le vidéaste joue avec les corps et les étoffes en mouvement, les démultiplie, crée des rosaces, des flous chromatiques, par de savants effets d’optique. Toujours au rythme de la danse et de la musique. Parfois le sol devient terre rouge sillonnée de crevasses. Le spectateur ne sait plus où donner du regard, happé par les couleurs, les sons et la danse. Sous ses yeux éblouis, ces métamorphoses permanentes, révélées par des interprètes d’un immense talent, racontent un peuple qui renoue avec son passé, retrouve ses racines. Un chant d’espoir à la fois grave et réjouissant. Partagé par le public qui se lève danse et applaudit en chœur.
Une chorégraphe remuante
En Afrique du Sud, Robyn Orlin est surnommée « l’irritation permanente », car la joyeuse confusion de ses créations reflète la réalité complexe de son pays. Des danses zouloues à Merce Cunningham, du hip-hop au ballet classique, ses spectacles mêlent danse, musique, arts plastiques et visuels. Formée à la London School of Contemporary Dance (1975-1980), puis à l’école de l’Art Institute of Chicago (1990-1995), elle regagne son pays. Au tournant des années 2000, sa pièce (multiprimée), Daddy, I Have Seen this Piece Six Times Before and I Still Don’t Know Why They’re Hurting Each Other, lui ouvre une carrière internationale. En France elle réalise son premier film, Beautés cachées, sales histoires (Ina/Arte, 2004), son premier opéra, L’Allegro, il penseroso ed il moderato de Haendel (Opéra Garnier, Paris, 2007), de nombreux solos pour des performeurs d’horizons divers. Et dernièrement, We Wear Our Wheels with Pride... (2021) avec la compagnie Moving into Dance. En 2022, elle recrée son solo In a Corner... avec Nadia Beugré. Établie en Allemagne, elle continue à travailler en Afrique du Sud, notamment pour les compagnies ViaKatlehong et Moving into Dance.
...Comment peut-on fleurir dans le désert de sel...
S Un projet de Robyn Orlin avec Garage Dance Ensemble et uKhoiKhoi S Avec 5 danseurs de la compagnie Garage Dance Ensemble Byron Klassen, Faroll Coetzee, Crystal Finck, Esmé Marthinus et Georgia Julies S Musique originale et interprétée par uKhoiKhoi avec Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman S Costumes Birgit Neppl S Directeur technique Thabo Walter S Vidéos Éric Perroys S Conception Lumière Vito Walter S Production City Theatre & Dance Group et Damien Valette Prod S Garage Dance Ensemble S Fondateur Alfred Hinkel S Directeur des créations John Linden S Chorégraphe résident Byron Klassen S Production Nicolette Moses S Coproduction City Theatre & Dance Group, Festival Montpellier Danse 2024, Festival de Marseille, Chaillot, Théâtre national de la danse, Paris, Théâtre Garonne, Scène européenne Toulouse S Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d'Ile de France et de Dance Reflections par Van Cleef & Arpels S Diffusion DamienValette
Festival de Marseille 18 lieux dans la ville , du Nord au Sud : Théâtre La Sucrière, Le ZEF, KLAP Maison pour la danse, Friche la Belle de Mai, Scene44, studio Dans les parages La Zouze, Parc Longchamp, Théâtre Joliette, Centre de la Vieille Charité, Parvis de la Major, Alcazar-BMVR, Artplexe Canebière, Mucem, Place Bargemon, Théâtre La Criée, Calanque de Morgiret (Archipel du Frioul), Ballet national de Marseille, La Cité Radieuse www.festivaldemarseille.com
22 et 23 juin 2024 au Théâtre des 13 vents dans le cadre de Montpellier Danse
27 et 28 juin 2024 au Théâtre Garonne , Toulouse
16 et 17 novembre 2024 au festival Romaeuropa 2024, Rome
28 et 30 novembre 2024 à Chaillot , Théâtre national de la Danse dans le cadre du Festival d'Automne -Paris
4 et 5 décembre 2024 au Manège, Reims