14 Juin 2024
Une pincée d’absence. Un bain de recherche aux allures initiatiques. Un monde de signes qui s’ordonnent progressivement. Le récit d’une recherche de soi qui passe par la quête de l’autre.
Anna a le blues. Sans nouvelle de son frère, elle part à sa recherche. Au fil de sa quête se reconstruit, en une série de séquences qui sont autant de tableaux qui remontent le temps, la réalité d’une relation perdue et le poids de l'absence.
Un texte en zigzag comme le cheminement de la pensée
Sur scène une comédienne pour dire ce texte en hachures, en moments posés dans le désordre, en excroissances nées des associations d’idées. Tantôt au micro lorsque sa voix intérieure s’exprime, tantôt en adresse directe au public, elle nous conte une histoire de fratrie, interrompue, brisée peut-être, mais qui subsiste néanmoins à travers les bribes mémorielles qui surgissent au fil du récit et reviennent en force. La pensée s’évade, le discours prend la tangente d’une sonnerie de téléphone pour aller à rebrousse-temps, on chemine entre cette mémoire qui déferle par vagues, les références à la personnalité du personnage qui nous fait face et le caractère incantatoire, presque slamé de ce passé qui remonte à la surface.
Un dialogue entre texte et musique
Ce monologue assumé comme chaotique qui fait surgir des souvenirs enfouis prend bientôt des allures de dialogue avec le musicien présent sur scène avec la comédienne. À la guitare ou au oud, mêlant jazz et blues, il fait émerger à coup de mélodies tantôt douces et tantôt rythmées cette présence absente. Des scansions musicales comme des états d’âme, des notes comme le phrasé d’un langage qui accompagne le rêve obsessionnel qui occupe la narratrice. Ce deuxième discours, porté par le musicien, de musical qu’il était, deviendra aussi textuel à mesure que le passé se rapproche du présent. La comédienne s’adressera à lui et le musicien lui répondra dans un dialogue d’outre-tombe que l’évocation de leur histoire fait surgir.
Une création à trois paires de mains
Le projet naît d’une commande du Théâtre de Villefranche-sur-Saône à Ambre Kahan dans le cadre de son festival Jeunes créatrices. La metteuse en scène rassemble alors pour ce faire une écrivaine, Agathe Charnet, et une comédienne, Noémie Rimbert. De leurs conversations, de leurs confrontations d’expériences de vie, de leurs questionnements sur la foi, sur les vécus ancestraux des corps, sur la famille, la transmission et les violences émerge ce texte qui croise atavismes et liberté, recherche d’un sens dans le chaos de la vie, dans le marasme du monde. Si la langue est forte – et Ambre Kahan affirme une fois de plus son appétence pour des textes puissants –, si la dramatisation qu’en fait la comédienne à partir du seul pouvoir de la voix est intéressante, le propos en revanche garde un arrière-goût d’inachèvement. Conséquence, peut-être, du caractère partiellement collectif de l’œuvre. À trop vouloir enrichir un discours, parfois on le perd. C’est en tout cas le sentiment qu’on peut aussi retirer de ce spectacle dont le caractère composite fait à la fois l’intérêt et la limite.
Le Dieu des causes perdues
S Texte Agathe Charnet S Mise en scène Ambre Kahan S Jeu Noémie Rimbert S Composition et interprétation musicale M’Hamed Menjra S Assistanat Tara Veyrunes S Création lumières Zélie Champeau S Administration de production Nathalie Untersinger S Diffusion Olivier Talpaert – En Votre Compagnie S Ce spectacle s’inscrit dans la saison Jeune Création de la Salle Christian-Bérard, en partenariat avec Prémisses S Production déléguée Compagnie Get Out S Coproduction Théâtre de Villefranche-sur-Saône S Cette pièce a été créée en mars 2023 à partir d'une commande du Théâtre de Villefranche à Ambre Kahan dans le cadre du Festival Jeunes créatrices S Ambre Kahan / Compagnie Get out est artiste associée à la Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche pour la saison 2023/24 et aux Célestins, Théâtre de Lyon depuis 2023 S Le Cercle de l’Athénée et des Bouffes du Nord et sa Fondation soutiennent la saison Jeune Création 23-24 du Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet S Durée 1h
6 > 16 juin 2024. Jeu. 6, ven. 7, sam. 8, mar. 11, mer. 12, jeu. 13, ven. 14, sam. 15 juin à 20h30, dim. 9 & 16 juin à 16h30
Athénée Théâtre Louis-Jouvet - 4, square de l’Opéra Louis-Jouvet, 75009 Paris
Billetterie : 01 53 05 19 19 www.athenee-theatre.com