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Arts-chipels.fr

Festival de Marseille : une soirée pour deux découvertes au féminin

Extending Further © Grégoire Verbeke

Extending Further © Grégoire Verbeke

Nafaq 4 : Extending Further ou À deux c’est mieux

Venues du Caire, Hanin Tarek et Amina Abouelghar jouent sur la gémellité dans un duo poignant entre hip-hop et danse contemporaine.

Dans un coin du plateau, encerclées par un halo de lumière, elles évoluent prudemment, dans les pas l’une de l’autre, en courbes gracieuses sur des variations sonores lancinantes. La musique part dans les aigus et les voilà, s’aventurant dans le clair obscur qui baigne la scène, toujours ensemble. Elles seront bientôt au sol, reptiliennes et, dans les lumières rasantes, leurs costumes sombres révèlent de discrètes écailles vertes. Puis elles se lancent dans un krump trépidant, en rupture avec tant de douceur... pour finir en arabesques, sur une berceuse libyenne Tob Tob ya bahr de l’envoûtante chanteuse Aïcha Idriss.

Dans cette pièce courte de grande intensité, les interprètes, en fusion ou en miroir, épousent l’espace, s’y confondent, s’enlacent, s’éloignent en une série de mouvements tantôt saccadés, tantôt lascifs. Elles traversent des zones de calme et des turbulences, au gré des éclairages et des sonorités. Baignée d’une obscurité quasi magique, leur danse puissante et veloutée nous capte sans jamais nous lâcher.

Diplômées du MAAT/Cairo Contemporary Dance Center, Hanin Tarek et Amina Abouelghar ont fondé le collectif Nafaq avec l’envie de fusionner une grande variété d’écritures. Elles ont déjà conquis de nombreux festivals: L’Alternativa à Barcelone, FASS Forward au Canada, Go Short aux Pays-Bas. À l’occasion du Festival de Marseille, elles présentent Extending Further en première européenne. 

Extending Further © Ziad Hassan

Extending Further © Ziad Hassan

Martyre ou la mère retrouvée

Malika Djardi danse en dialogue avec l’image de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Vêtue de blanc, la danseuse arpente le tapis de sol immaculé à grands pas martiaux, avec d’étranges petits mouvements des mains. Bientôt apparaît sur l’écran Marie-Bernadette Philippon : elle chante pour sa fille À la claire fontaine. Son élocution est difficile, sa mémoire défaillante : on la croirait partie dans un monde parallèle. Seuls ses gestes semblent vouloir dire quelque chose. Une grammaire corporelle que Malika Djardi va capter et reproduire dans sa danse un peu mécanique...

Nous sommes à Villeurbanne, dans une maison de retraite où la jeune femme rend régulièrement visite à sa mère. Pour la sortir de sa léthargie, elle lui rappelle des tubes de sa jeunesse, sur lesquels elle dansait : Le temps de l’amour, Tous les garçons et les filles, Comment te dire adieu de Françoise Hardy ; C’est magnifique ! de Peggy Lee. Malika a filmé ces précieux moments où Marie-Bernadette s’est mise à esquisser quelques pas avec elle, sur ces airs familiers.

Martyre © Pierre Gondard

Martyre © Pierre Gondard

Entre l’écran et la scène

La fille dialogue avec l’image de sa mère projetée en grand. Émouvantes retrouvailles vécues et racontées en public. À mesure que la maladie s’aggrave, il ne reste plus à sa mère que des mimiques ritualisées qu’elle exécute en rythme. Malika tente de les décrypter et de les partager avec les spectateurs.

Ce duo est la suite de Sa prière, où la jeune chorégraphe interrogeait sa mère sur son rapport à la vie et à la religion. Mariée à un Algérien, elle l’avait suivi dans son pays et s’était convertie à l’islam. De son père, ici, Malika ne dira rien. Juste quelques remarques sur le prénom qu’elle porte.

Dans Martyre, la jeune femme parle beaucoup (un peu trop parfois), pour remonter le temps jusqu’à l’enfance auprès de Marie-Bernadette qui, rentrée en France, éleva seule ses trois filles. Une mère courage, auprès de laquelle il faisait bon vivre. Malika joue et danse des épisodes ludiques de cette période heureuse : des parenthèses qui peuvent paraître un peu dilatoires.

Martyre © Pierre Gondard

Martyre © Pierre Gondard

Les gestes qui sauvent

Le titre de la pièce renvoie, pour la chorégraphe, à la notion de solidarité avec ceux qui souffrent de relégation sociale ou physique,  comme les personnes âgées qu’elle a côtoyées dans l’EHPAD. Entre le plateau et l’écran s’écrit, en mouvements, gestes et paroles, une déclaration d’amour, intime et sensible. Un hommage universel d’une fille à sa mère.

Martyre © Pierre Gondard

Martyre © Pierre Gondard

Festival de Marseille 2024, du 14 juin au 6 juillet www.festivaldemarseille.com

Nafaq 4: Extending Further S Conception: Amina Abouelghar, Hanin Tarek S Conception lumières Saber El Sayed

Martyre S Conception et chorégraphie Malika Djardi S Interprétation Malika Djardi, Marie-Bernadette Philippon S Réalisation filmique et régie vidéo Julien Perrin S Création musicale Joseph Schiano Di Lombo Régie son Guilhem Sarkis Dumas S Création lumière et scénique Malika Djardi S Assistante création lumière Suzanna Bauer S Costumes Elorac S Coproductions et soutiens Charleroi Danse ; Le Dancing – Centre de Développement Chorégraphique National de Dijon S Aide à l’expérimentation RAMDAM Un Centre d’art; Saison Montpellier Danse 2022/2023, dans le cadre de l’accueil en résidence à l’Agora cité internationale de la danse S Le Gymnase – Centre de Développement Chorégraphique National de Roubaix S CCN Ballet National de Marseille dans le cadre de l’Accueil Studio, Centre National de la Danse à Pantin et à Lyon, BIRD Studio Saint-Rémy de Provence

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