27 Mai 2024
Le chorégraphe mozambicain Idio Chichava, de retour à Maputo après des années en France, a rassemblé treize danseuses et danseurs de son pays à la recherche d’une énergie collective communicative qui puise dans les ressources du nomadisme et de l’exil un aliment de sa dynamique.
Un corps global
Femmes et hommes, disséminés sur le plateau et dans la salle, accueillent le public en chantant. Chacun porte un accessoire : cabas, pneu, ballot, bâton, caddy de supermarché... – « L’objet qu’il choisirait d’emporter dans son exil », précise le chorégraphe. Laissant leur attirail de côté, ces nomades vont se rassembler pour ne faire plus qu’un seul corps, le groupe démultipliant la puissance de chaque danseur. Le titre de la pièce désigne l’errance, la migration, mais, en portugais du Mozambique, il sous-entend, ironiquement, la notion d’oisif voire de brigand. Ces gens de la marge vont ici faire cause commune.
« Avec Vagabundus apparaît un nouveau langage que je nomme ‘corps global’ », dit le chorégraphe. La danse et le chant traversent le groupe et, comme par contagion, l’énergie circule entre les individus, jusque dans le public, littéralement aspiré par les voix et les mouvements incantatoires.
Transcender la tradition
Au Mozambique, on ne dissocie pas chant et danse, et certains interprètes ont été initiés à cet art traditionnel dans leurs villages. Parmi les artistes, on compte des chorégraphes, des danseurs confirmés et des plus jeunes. Réunis depuis trois ans sous la houlette d’Idio Chichava, ils ont mis en commun leur technique pour composer une fresque bigarrée.
Vagabundus s'inspire surtout du Mapito, danse rituelle du peuple Makondé, qui vit au nord du pays et delà. Dépouillée des masques et costumes tribaux, la danse conserve sa force tellurique, avec les pieds qui martèlent le sol comme pour appeler les esprits des ancêtres. À partir des improvisations, Idio Chichava a conçu une architecture précise, propre à l’écriture contemporaine, où alternent scènes collectives et échappées solitaires. Une rigueur qui met en valeur le style de chacun, séparément et au sein de la troupe.
Incantations, lamentations et joie mêlées
Des airs mozambicains anciens rythment ce grand chœur vagabond, en tension permanente. Mais le chant emprunte aussi au gospel américain. Parfois retentit une fervente prière venue du corpus baroque portugais, tandis que la troupe agenouillée avance en procession. Plus tard, la mélopée plaintive d’une femme s’élève, reprise par ses partenaires... Toutes ces musiques mêlées tissent un substrat sonore infini et mélancolique, avant que le festif ne reprenne le dessus dans un feu d’artifice final où chacun développe sa propre gestuelle, distillant une énergie volcanique. Un acte de résistance face au contexte particulièrement tendu du Mozambique, frappé par des actes terroristes. Un chant d’espoir, un rituel de survie.
Une aventure collective
En dépit d’une situation géopolitique instable qui conduit nombre de Mozambicains à migrer tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, Idio Chichava, rentré à Maputo au moment du covid, a décidé d’y rester pour mettre en place un enseignement gratuit de la danse et des créations à présenter en public. Il ne dispose pas encore d’un lieu de travail permanent mais Vagabundus constitue une première étape de son projet. Il entend par la tournée qui s’amorce créer des liens entre l’Europe et le Mozambique et faire bénéficier sa troupe du fruit de son parcours éclectique qui conjugue tradition et danse contemporaine. Formé au Mozambique puis en Belgique (école P.A.R.T.S. de Bruxelles), il a collaboré notamment avec Panaibra Gabriel, Horacio Macuacua, Cristina Moura, Thomas Hauert, David Zambrano, Frank Micheletti, Boyzie Cekwana, Qudus Onikeku, Marcel Gbefa, Djodjo Kasadi, Faustin Lienkula...
Il a ainsi engrangé une mixité d’influences et de formes qu’on retrouve dans cette performance explosive, nourrie d’histoires individuelles et d’héritages collectifs. Un voyage qui rassemble danseurs et spectateurs dans un élan vital.
Vagabundus
S Concept et chorégraphie Idio Chichava S Assistant chorégraphe et directeur de répétitions Osvaldo Passirivo S Interprètes Açucena Chemane, Arminda Zunguza, Calton Muholove, Cristina Matola, Fernando Machaieie, Judite Novela, Mauro Sigauque, Martins Tuvanji, Nilégio Cossa, Osvaldo Passirivo, Patrick Manuel Sitoe, Stela Matsombe, Vasco Sitoe S Lumière Phayra Baloi S Responsable de tournée Silvana Pombal S Captation https://vimeo.com/715705133 mdp : ONEDANCEWEEK S Durée 1h10
Vu le 22 juin 2024 au Théâtre de l’Aquarium, dans le cadre du festival June Events organisé par l’Atelier de Paris CDNC.
June Events. Du 22 mai au 8 juin - Cartoucherie de Vincennes, 2 route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris · 01 417 417 07 · atelierdeparis.org
TOURNÉE
5 juin 2024 : Théâtres de la Ville de Luxembourg, Luxembourg
7 et 8 juin 2024 : Paris Dance Project, Paris
10 juin 2024 : Théâtre Paris-Villette, dans le cadre du festival Générations
14 juin 2024 : Théâtre Joliette, Marseille, dans le cadre des Rencontres à l’Échelle