16 Mai 2024
Mickaël Délis poursuit son exploration des turpitudes de la « masculinité » avec le même bonheur que dans son spectacle précédent. Questions d’en avoir ou pas et de longueur dont la cocasserie le dispute à la dénonciation de la bêtise.
Le comédien-auteur se présente d'emblée sur scène en pantalon de jogging un peu beauf’, mais pas trop, avec le discours qui accompagne le costume. Il affirme tout de go qu’enfin, il a fait la paix avec son genre et qu’il est enfin copain avec son pénis. Foin de ça, répond l’omniprésente et très permissive maman en taillant ses rosiers à grands coups de ciseaux lumineux, « ta libido, ta nouille et toi, c’est toujours ton idée fixe. » Voici le fiston reparti sur l’autoroute du sexe, à nous raconter que son obsession – névrotique, il faut le dire – remonte à sa naissance, déjà à sa sortie du ventre de sa mère.
Un passage en revue du pénis sous toutes ses formes et ses tailles
C’est en utilisateur triomphant, baisage H24 et presque sept jours sur sept, que se pose le quarantenaire qui nous fait face. Un candidat pour baisodromes – homo, cela va sans dire – qui fait feu de tout bâton en analysant par le menu le sceptre de maréchal qu’il porte entre les pattes. Tout y passe : longueur, mollesse et érection, conséquences du confinement sur sa libido, frénésie galopante, sans oublier les problèmes de prostate et d’andropause qui le guettent, exemple de papa à l’appui. S’il appelle un chat un chat, en l’occurrence une bite une bite, on ne trouve rien de graveleux dans ce passage en revue toujours décalé et plein d’humour que Mickaël Délis nous invite à suivre, statistiques et crobards à l’appui. Et ça ne loupe pas : on débouche sur les maladies sexuellement transmissibles, gonorrhée, chlamydiose et autres, et bien sûr le VIH…
Des bâtons de néons multiusages
Dans ce récit mené à bite rabattue, notre conteur n’a pour accessoires que des bâtons de néons lumineux, passant du bleu ou de l’arc-en-ciel de la fête au rouge du « attention, danger ». Baguette de docte démonstration, sexe dressé, épée de jedi mais aussi ciseaux, fourches caudines entre lesquelles se glisse le comédien, cadre dans lequel il s’inscrit, ils n’ont pour partenaire que le ruban-tuyau d’arrosage lumineux qui se métamorphose, lui aussi, au gré de l’évolution du récit. Avec un art consommé, Mickaël Délis joue de cette économie volontaire de moyens qui raconte notre société moderne rythmée par le bling bling des enseignes lumineuses et évoque aussi le monde de la nuit tout en en détournant les moyens et le sens.
Une galerie de personnages hauts en couleur
Le comédien fait le reste, toujours en mouvement, virevoltant et plein d’humour, passant d’un personnage à l’autre avec une aisance maligne et goguenarde. Médecin, psy, membres du groupe de parole que fréquente le personnage après avoir contracté et transmis nombre de maladies sexuelles, père, mère et frère sont de la partie dans la grande famille que convie Mickaël Délis. On reconnaîtra au passage certain chuintement d’un agent artistique, on appréciera l’accent méridional de l’animateur du groupe de parole, le caractère doux et pensif du parler de certain metteur en scène, la préciosité intello de la maman. À chacun son accent mais aussi son langage et on se régale de cette galerie de portraits aussi cocasse que pleine de vie, saupoudrée d’une pincée de narcissisme aussi raillée que le reste.
Et la tendresse, bordel !
La morale de cette histoire en forme de parcours initiatique qui ne dit pas son nom et le masque derrière l’humour et la dérision, c’est le combat à mener contre l’omnipotence de la « fête du slip », de la performance obligatoire et de la logique guerrière et conquérante de la « défonce » qui leur est associée. Freud et le pénis manquant qu’il prête à la femme en prennent pour leur grade, Éros et Priape sont les convives d’une liquidation en règle de la prouesse sans cesse renouvelée et de la « maîtrise » que présuppose dans notre culture le statut d’« homme ». Sur l’autoroute du sexe, ce sont les échappées belles qui importent, l’accident providentiel, le droit au repos d'un guerrier devenu pacifique et la vulnérabilité. Bref, le sexe pour le sexe, ce n'est finalement que du pipo !
La Fête du slip ou le pipo de la puissance
S Écrit, interprété et co-mis en scène par Mickaël Délis S Co-metteurs en scène Papy de Trappes, Vladimir Perrin, David Délis S Consultant chorégraphique Clément Le Disquay S Collaboration à l’écriture Romain Compingt S Création lumière Jago Axworthy S Production Reine Blanche S Coproduction Compagnie Passages S Avec le soutien de La MAC de Créteil, L’Espace Sorano de Vincennes, Le Cresco de St Mandé, l’ECAM du Kremin Bicêtre, Le Carreau du Temple, Les Récollets, La Grande Histoire, Les Avant-Postes à Bordeaux et le 5bis à la Réole S Durée 1h15
Du 8 mai au 14 juin 2024
Théâtre de La Reine Blanche - 2bis passage Ruelle, 75018 Paris
TOURNEE
Du 3 au 21 juillet à Avignon Reine Blanche à 21h45 dans le cadre d’un diptyque avec Le Premier Sexe, premier volet de la trilogie qui se jouera aux mêmes dates à 20h15
Sur le Premier sexe, voir notre article : http://www.arts-chipels.fr/2022/05/le-premier-sexe-ou-la-grosse-arnaque-de-la-virilite.a-feminin-denature-masculin-perverti-et-fausse.html