Neandertal. Quand la quête des origines de l’homme rencontre la question raciale et les différenciations entre les peuples.

David Geselson se lance sur les traces de Néandertal et de Sapiens pour tenter de comprendre d’où vient l’Homme et où il pourrait aller. Une manière d’interroger l’ici et maintenant à partir du passé.

Une équipe de scientifiques se rend à un colloque où l’un d’entre eux doit faire une communication révolutionnaire. On vient de découvrir, après que la non-filiation singe-homme a été établie, que Néandertal et Sapiens appartiennent à deux espèces différentes mais que, nonobstant cette différence, ils se sont croisés pour donner naissance à l’homme moderne. À partir de cette découverte, basée sur des recherches sur le génome humain, David Geselson remonte la filière.

Histoires croisées

Cette aventure et ses péripéties, vécues par un groupe de scientifiques dont l’auteur-metteur en scène nous fait partager les expérimentations, les incertitudes, les intuitions, les fausses pistes et les débats, David Geselson les croise avec des événements historiques contemporains et en particulier à travers l’opposition actuelle entre juifs et Palestiniens, qui trouve des origines lointaines dans l’idée d’un peuple juif « élu de Dieu » qui retournerait sur ses terres « promises » par les textes religieux. Nous suivons le cheminement traversé de doutes de ce groupe de scientifiques qui se plongent dans le passé pour tenter de comprendre comment nous en sommes arrivés là où nous sommes, qui reviennent sur la prétendue inégalité de « races » qui a servi de base au colonialisme et dont l’idée reste encore persistante aujourd’hui. Le spectacle leur donne une dimension incarnée en introduisant des éléments de leurs vies personnelles, de leurs amours, de leurs ruptures qui viennent interférer avec une recherche qui, faisant fi des mythes, des traditions et des religions qui forment le substrat de notre pensée, contribuent à une réécriture de l’Histoire.

Un embrassement fleuve

Le spectacle fait se correspondre et se répondre deux espaces : celui, hermétiquement clos, du laboratoire où, éliminant avec application toute pollution possible du monde extérieur, se construit la recherche génétique, et celui du monde extérieur, multiple puisqu’il concerne aussi bien les échanges entre scientifiques, colloques, débats ou histoires personnelles que les références à l’actualité. Les comédiens barbotent à leur aise dans les arcanes de l’ADN et posent avec clarté le rôle de cette macromolécule biologique qui contient toute l’information génétique des êtres vivants et permet leur développement, leur fonctionnement et leur reproduction. Ils explorent son rôle dans la détermination de l’identité humaine tout en passant avec brio au registre des personnages. Les briques s’accumulent sans que le débat sur l’inné et l’acquis soit complètement actualisé. Car certaines recherches portent aujourd’hui sur la transmission intergénérationnelle de caractères acquis qui pourraient venir se greffer, comme un chancre, sur la double hélice de l’ADN.

Un trop-plein qui hésite

À trop vouloir en dire, cependant, le propos se perd dans une surcharge de thèmes. S’agit-il de présenter ici la manière dont, à travers incertitudes et querelles, la science avance ? S’agit-il d’incarner des personnages, de leur donner une identité autre que celle de leur fonction ? S’agit-il d’amorcer une réflexion qui croise l’historique, le politique et le religieux en démont(r)ant le caractère fallacieux des différenciations faites entre les humains aujourd’hui ? Mi-chèvre, mi-chou, le spectacle est en difficile équilibre sur une sphère instable qui se révèle parcellaire et, du coup, insatisfaisante, de quelque côté qu’on se tourne. Sur le plan scientifique pur, il ne va pas assez loin. En donnant aux personnages une histoire propre, il emberlificote la démonstration scientifique et perturbe la réflexion sur la relation entre l’actualité de la recherche et l’ici et maintenant. Reste cependant qu’à travers son foisonnement, il ouvre la voie à des débats complètement en prise sur l’actualité et à une invitation à repenser le monde autrement. Ce qui n’est pas rien, loin de là…

Néandertal de David Geselson (éd. Lieux-Dits)

S Texte et mise en scène David Geselson S Avec David Geselson, Adeline Guillot, Marina Keltchewsky, Laure Mathis, Elios Noël, Jan Hammenecker en alternance avec Peter De Graef et Marine Dillard S Dessin au plateau Jérémie Arcache en alternance avec Valentin Mussou (violoncelle) S Scénographie Lisa Navarro avec la collaboration de Margaux Nessi S Lumière Jérémie Papin avec la collaboration de Rosemonde Arrambourg S Vidéo Jérémie Scheidler S Interaction et conception régie Jérémie Gaston-Raoul S Son Loïc Le Roux avec la collaboration de Orane Duclos S Musique originale Jérémie Arcache S Costumes Benjamin Moreau avec la collaboration de Florence Demingeon S Regard extérieur Juliette Navis S Assistanat à la mise en scène Aurélien Hamard-Padis, Jade Maignan S Assistanat à la mise en scène de tournée Céline Gaudier S Collaboration dramaturgique Quentin Rioual S Régie générale Sylvain Tardy S Régie plateau Nicolas Hénault S Régie lumière Rosemonde Arrambourg S Régie son Loïc Le Roux S Régie vidéo Julien Reis S Régie costumes Arlette Ricard S Construction du décor MC93 – Maison de la culture de la Seine-Saint-Denis S Création juillet 2023 au Festival d' Avignon S Production Compagnie Lieux-Dits S CoproductionThéâtre Dijon Bourgogne – CDN ; Théâtre de Lorient – ​​​​CDN ; Comédie – CDN de Reims ; Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis ; Théâtre-Sénart – scène nationale ; ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; Comédie de Genève ; Club Social MAIF ; Festival d'Avignon ; Le Canal – Théâtre du Pays de Redon – scène conventionnée d'intérêt national art et création pour le théâtre ; Théâtre d'Arles ; Malakoff – scène nationale ; MC93 – maison de la culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny ; Le Gallia Théâtre – scène conventionnée d'intérêt national art et création, Saintes ; Théâtre de Choisy-le-Roi – scène conventionnée d'intérêt national art et création pour la diversité linguistique S Avec le soutien du ministère de la Culture – Direction générale des affaires culturelles ; de la vie brève – Théâtre de l'Aquarium, Paris ; du CNDC – Théâtre Ouvert, Paris S Action financée par la Région Île-de-France ; le département du Val-de-Marne S La compagnie Lieux-Dits est conventionnée par le ministère de la Culture (DRAC Île-de-France) S Durée 2h20

Du 28 février au 11 mars 2024 , lun.-ven. 19h30, Sam. 17h, faible. 15h (sf 5 & 9/03)

Théâtre Gérard Philipe , CDN de Saint-Denis 59, boulevard Jules Guesde 93200 Saint-Denis

Rés. 01 48 13 70 00 / www.theatregerardphilipe.com / réservation@theatregerardphilipe.com

TOURNÉE
Jeudi 12 et vendredi 13 décembre 2024 à 20h
Théâtre 71 - Malakoff Scène Nationale - 3 place du 11 novembre, 92240 Malakoff
Du 19 au 21 décembre 2024 – MC2: Grenoble, dans le cadre d’Experimenta, la Biennale 2025 de l’Hexagone, scène nationale de Meylan