18 Mars 2024
Cela commence dans un noir absolu et puis un immense rectangle blanc s’éclaire en fond de scène. On est dans une lumière étrange ni tout à fait la nuit ni tout à fait le jour. Des bruits d’insectes et de bestioles que l’on imagine, resonnent et nous emmènent dans un monde inconnu. Les interprètes s’animent moitié humains, moitié « bestioles ». On est dans la forêt tropicale, la nuit ou peut être le lever du jour, une pénombre chaude pleine de bruits nous entourent. En créole, Gounouj signifie grenouille et les danseuses et danseurs évoluent avec une animalité gestuelle et organique évidente. Leurs gestes, attitudes et interactions mêlent une mimétique animale tout en se revendiquant des danses contemporaines urbaines. On retrouve ainsi un savant mélange de hip-hop mais aussi de Krump mais aussi de danses caribéenne et plus particulièrement du Gwoka et des partitions beaucoup plus « classiques contemporaines », issues de sa formation avec les plus grands chorégraphes contemporains. C’est fluide, sensuel, animal et virtuose. Cette prise directe avec nos animalités est saisissante, fascinante. On est happé par les mouvements des interprètes, hypnotisés par cette gestuelle, un peu comme dans une chorégraphie de Sharon Eyal. C’est précis, explicite et rigoureux mais la différence est bien ce lien direct avec notre sensitif, cette générosité, cette sensibilité que chaque mouvement met en œuvre. Léo Lérus nous entraîne dans les marais et les forêts de son enfance. Le spectacle Gounouj, puise son inspiration dans le site de Gros Morne à Grande Anse, un espace naturel préservé qui résonne au crépuscule de la « symphonie » des gounoujs. Là-même où une première version, “Gounouj in situ”, a été créée.
Léo Lérus avec ce spectacle nous parle d’écosystèmes qui disparaissent en nous présentant la beauté et la diversité du monde. C’est un cri de colère. La danse pour crier, la danse pour revendiquer.
L’environnement sonore et musical du spectacle est très présent et très prégnant. L’univers sonore à base de percussions nous imbibe de cette ambiance tropicale. Il est composé par Denis Guivarc'h, Gilbert Nouno et Arnaud Bacharach avec les percussions de Arnaud Dolmen.
A noter, la performance magistrale des quatre danseuses et danseurs qui excellent dans cet exercice d’équilibriste entre animalité et urbanité.
Léo Lérus intègre à 14 ans le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP) afin d’y poursuivre sa formation de danseur contemporain. A la sortie du conservatoire en 1999, il danse au sein de différentes compagnies en Angleterre, Norvège, Suède, Danemark et Israël, avec de grands chorégraphes tel que Wayne McGregor, Ohad Naharin et Sharon Eyal. Il fonde la compagnie Zimarèl en 2011 à Sainte-Anne, en Guadeloupe dont il est originaire et créé en 2019 sa chorégraphie Entropie dans laquelle déjà il s’inspirait des traditions de sa terre natale.
Ce spectacle est un cri, un appel à la préservation des écosystèmes partout en danger sur la planète. C’est une ode à la nature et à notre animalité. C’est une injonction un peu désespéré qu’il nous envoie, un message au monde de respect et prise en compte des autres. Et un magnifique moment de danse.
Distribution & crédits
Chorégraphie : Léo Lérus en collaboration avec les danseurs
Avec : Robert Cornejo, Arnaud Bacharach, Andréa Moufounda, Johana Maledon
Assistanat à la chorégraphie : Asha Thomas
Concept musical : Léo Lérus
Composition musicale et création dispositif interactif sonore : Denis Guivarc'h, Gilbert Nouno, Arnaud Bacharach
Percussions enregistrées : Arnaud Dolmen
Samples voix : Napoléon Magloire
Création lumière, direction technique : Chloé Bouju
Costumes : Bénédicte Blaison