12 Février 2024
La scène complétement vide, le noir se fait et Boris Charmatz entre les bras levés, torse nu, portant un kilt chamarré. C’est plus une expérience qu’une chorégraphie. C’est un moment intense et plein d’émotions, c’est comme une histoire très personnelle que l’on nous raconterait dans un moment d’abandon, une prestation étrange comme un monologue désenchanté et authentique. Le mot qui me vient à l’esprit immédiatement c’est « sincérité ». Oui on est face à un homme qui se dévoile, se met à nu, se raconte sans fausse pudeur. Et c’est cela qui créé ce lien, cette interaction directe avec l’auditoire qui reste sous le charme tout le spectacle.
Boris Charmatz s’accompagne en sifflant des airs plus ou moins célèbres que, je dois avouer, j’ai eu du mal à reconnaitre mais le sujet n’est pas là. Lorsque l’on siffle, on souffle bien évidement et le souffle est en lien étroit, en lien direct avec la vie, avec l’âme. C’est le souffle qui donne la vie, c’est le souffle qui donne cette authenticité à ce spectacle, proche de la performance comme un moment intime, très intime avec une sensibilité à fleur de peau que l’on partage toutes et tous ensemble dans une sorte de communion hétéroclite. On rit aussi.
Ce spectacle a été joué plusieurs fois déjà. Il a été créé en 2021 et ensuite joué à Paris pour le Festival d’automne en 2022. Ainsi, Boris Charmatz le maitrise parfaitement dans son lâcher prise et dans son approche d’ « équilibriste » car c’est une mise en danger intense et totale de se mettre en scène seul, dans une nudité symbolique. Il nous invite à partager un rêve éveillé, où ce qui compte au final c’est d’être là, présent, vibrant, vivant. Boris Charmatz explique sa démarche ainsi : « le spectacle ne tient que parce que c’est une rêverie … la technicité n’a aucune importance, la technique sert au propos mais on doit l’oublier pour danser. L’art et la recherche sont plus importants que la technique. On se promène dans un paysage mental … et on maintient le spectacle sur les lèvres … » Cette belle image de porter le spectacle sur les lèvres nous ramène au souffle et à l’art et la passion du mouvement.
Boris Charmatz est reconnu pour ses expérimentations multiples et son approche radicale de la danse, ses pièces s'axent en général sur des interrogations de la place du danseur, son engagement et sur une recherche scénographique en prise directe avec le corps. Il fut l'un des chefs de file du courant de la non-danse. La plupart de ses pièces bousculent le genre de la danse contemporaine et le renouvèle. Il propose des points de rencontre atypiques avec le public en créant des dispositifs particuliers et originaux en mêlant les danseurs et danseuses professionnelles au public et notamment dans l’espace public avec les passants ou avec tout le monde chacun à sa manière. Il a également une volonté de diffusion et il invente des formes nouvelles d’apprentissage en créant des écoles éphémères sans mur.
Boris Charmatz est né en 1973 à Chambéry. Il est considéré comme l'un des éléments majeurs de la nouvelle vague française de danse contemporaine et du mouvement de la non-danse né au milieu des années 1991. il a été directeur du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne de 2009 à 2018. En 2022, il devient le directeur du Tanztheater de Wuppertal de Pina Bausch pour y faire vivre la compagnie et l’héritage de Pina Bausch pendant huit ans.
Comme toujours avec Boris Charmatz on est interpellé par le dispositif et la sincérité du propos et on adhère ou pas. C’est immanquablement une expérience enrichissante.
Distribution
chorégraphie et interprétation : Boris Charmatz
assistante chorégraphique : Magali Caillet Gajan
lumières : Yves Godin
collaboration costume : Marion Regnier
travail vocal : Dalila Khatir
avec les conseils de Bertrand Causse et Médéric Collignon
inspirations musicales : J.S. Bach, A. Vivaldi, B. Eilish, La Panthère Rose, J. Kosma, E. Morricone, chants d’oiseaux, G.F. Haendel, Stormy Weather…
régie générale : Fabrice Le Fur
directrice déléguée [terrain] : Hélène Joly
direction des productions : Lucas Chardon, Martina Hochmuth
administrateur de production : Briac Geffrault
chargée de production : Carla Philippe
Au CENTQUATRE-PARIS du 8 au 10 février 2024 dans le cadre du Festival Les Singulier·es
Pendant un mois, le festival Les Singulier·es présente 17 propositions de personnalités artistiques associées au CENTQUATRE-PARIS. Pensé comme un concentré de projets aux identités multiples et créatives que le lieu accompagne, ce rendez-vous annuel est l’occasion de découvrir des créations à la frontière de plusieurs disciplines, croisant théâtre, danse, cirque, musique, vidéo ou documentaire. Un festival qui dévoile toute la singularité de la programmation du CENTQUATRE-PARIS.