17 Janvier 2024
Cinq danseuses, debout, alignées, vêtues de robes à fleurs, de robes « banales », de robes de tous les jours, commencent à bouger au rythme de leur souffle. Cette première partie est saisissante, bluffante et particulièrement émouvante. Tout le long du spectacle, les danseuses vont « se dessaper » et se rhabiller un certain nombre de fois, avec à chaque fois des robes que la chorégraphe à elle -même choisie dans des friperies ou chez Emmaüs. Ces robes sont un élément important du spectacle, elles en sont un élément narratif, le décor et les accessoires, elles sont le « 6éme élément » de la chorégraphie. Ces robes portent l’histoire, les histoires des femmes qui les ont portées. Elles sont comme une mémoire vivante de ces femmes et Leila KA nous les fait revivre.
Un immense hommage à la femme
Elle nous raconte les histoires de toutes ces femmes, humbles , malmenées, fracassées mais aussi fières et pleines de vie. Nos voisines, nos mères ou nos grand mères avec toutes leurs humiliations et leurs forces. Ce sont des petites histoires de tous les jours, des souffrances et des peines mais aussi des joies et des victoires. Leila Ka nous parle intensément, profondément de cette condition féminine. De petits riens, d’histoires banales elle nous raconte en fait l’universalité féminine dans ce monde sexiste et patriarcal où parfois la femme doit se rendre invisible pour subsister, disparaître pour survivre et souffrir en silence. Mais elle nous dit aussi la force et l’énergie vitale qui les anime, cet incroyable élan libérateur du collectif.
Ce sont au final des femmes fortes, incroyablement résistantes. Il y a de la colère, de la révolte, il y a de la souffrance aussi mais à la fin c’est le courage et la vie qui l’emporte.
Une chorégraphie innovante et clairvoyante
Leïla Ka, après avoir été interprète pour Maguy Marin dans la célèbre pièce May B, elle créée son premier solo en 2018 Pode Ser primé six fois à l’international et joué plus de 200 fois depuis sa création. En 2020, elle crée une seconde pièce, le duo C’est toi qu’on adore ; puis en 2022, le solo Se faire la belle récompensé par le prix « Révélation chorégraphique » du Syndicat de la critique. Cette même année, elle remporte le premier prix du Concours Danse Elargie du Théâtre de la Ville de Paris avec Bouffées, courte pièce pour cinq interprètes.
En parallèle de tourner avec ses quatre premières pièces, Leïla Ka crée Maldonne en novembre 2023, sa première pièce de groupe pour cinq interprètes femmes.
Elle est aujourd’hui artiste associée au CENTQUATRE-PARIS, à POLE-SUD, centre de développement chorégraphique national de Strasbourg, à la Garance, scène nationale de Cavaillon, en résidence longue à l’Espace 1789, scène conventionnée d’intérêt national Art et création danse de Saint-Ouen et est accompagnée par Tremplin, réseau interrégional Grand Ouest + Paris pour le soutien aux chorégraphes émergents, jusqu’en 2024.
Leila Ka est une chorégraphe qui compte déjà et qui sera incontournable dans les prochaines années car elle épure et décortique le geste jusqu’à n’en garder que le fil qui le rattache à l’émotion. Elle allie le minimum, l’essentiel du geste jusqu’à l’abstraction pour en dégager l’émotion et ainsi elle rejoint l’universel et parle à toute l’humanité dans un langage au-delà des mots et des maux. Elle nous renvoie à nos histoires et à nos mémoires individuelles et collectives. En nous parlant d’elles, elles nous parlent de nous et plus intimement de chacune et chacun d’entre nous.
Leila Ka ne s’embarrasse pas des conventions et c’est ce qui fait sa force et son originalité. Elle passe aisément d’un playback de Lara Fabian « je suis malade » particulièrement émouvant, à du Vivaldi qui soutient une véritable farce sur des rapports à la limite de la caricature en passant par du Léonard Cohen et du techno. Et c’est toujours juste parce qu’elle n’est pas dans la posture, elle recherche une vérité dans le geste. Elle va chercher l’essentiel dans le détail et la souffrance derrière l’apparence.
Maldonne désigne une erreur dans la distribution des cartes à jouer, c’est une fausse donne. Et pour la chorégraphe c’est assez symbolique de la mauvaise distribution des cartes pour les femmes dans le monde. Mais c’est aussi un message d’espoir basé sur la force du Collectif. Magistral et incontournable !
Distribution
Chorégraphie Leïla Ka
Avec : Jennifer Dubreuil Houthemann, Jane Fournier Dumet, Leïla Ka, Zoé Lakhnati, Jade Logmo.
Assistante chorégraphique : Jane Fournier Dumet,
Création lumière : Laurent Fallot
Spectacle faisant partie du
Festival Suresnes Cités Danse 2024
du samedi 16 décembre 2023 au samedi 20 janvier 2024
Théâtre de Suresnes Jean Vilar
16, place Stalingrad, 92150 Suresnes.
Dates à venir :