Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Arts-chipels.fr

Le Iench. Au-delà du verlan, le retournement du point de vue.

© Arnaud Bertereau

© Arnaud Bertereau

Cesser de regarder une histoire d’un point de vue blanc.

En matière de racisme et d’ostracisme, le répertoire du théâtre contient un nombre conséquent de pièces dénonçant le refus de l’étranger et sa mise à l’index. Plus rares sont celles où, au lieu de regarder la trame d’un point de vue d’Européen blanc et propre sur lui, même s’il ne se pose pas nécessairement en colonisateur, on pénètre à l’intérieur du ressenti de ces populations ostracisées. C’est la grande force de ce spectacle, qui mériterait néanmoins d’être resserré, que de nous faire voir la situation du point de vue de l’Autre, celui que sa couleur de peau, son attitude ou son parler rendent différent.

Une famille – presque – sans histoire ?

L’aventure de Drissa et de sa famille est de celles-là. Ce jeune garçon né en France coche toutes les cases de la perfection ou presque : il ne boit pas, ne fume pas, ne se drogue pas, travaille bien à l’école. Pour compléter son « bonheur », il ne lui manque qu’un chien (un « iench ») que le pater familias refuse obstinément d’accepter. Pourtant, dans cette vie apparemment sans histoire dans un pavillon de banlieue acquis au prix de sacrifices, les problèmes sont là. Sa sœur jumelle, s’est rasé la tête pour ne plus avoir à subir de réflexion sur ses cheveux crêpus et regrette de ne pas être notée par ses camarades de classe, question beauté, comme les autres filles. Quant à Drissa, il refuse qu’on lui interdise l’accès aux boîtes de nuit et repart à l’assaut sans se lasser pour y pénétrer.

© Arnaud Bertereau

© Arnaud Bertereau

Une vie au rythme des victimes du racisme

Cette vie, composée d’amitiés avec des « semblables », un jeune haïtien et un maghrébin, dans cette famille qu’on n’en finit pas de détester en même temps qu’on l’aime, se déroule au rythme de la longue litanie des exactions commises sur les « étrangers » par la police. Créant un contrepoint à l’humour et à la cocasserie de certaines situations, la liste des morts recensés s’égrène au fil de la pièce comme un arrière-plan obsédant. Mais au-delà même du propos, ce qui touche vient de l’intérieur. D’une douleur vécue qu'on comprend bien souvent intellectuellement, sans en percevoir réellement la profondeur et l’intensité.

Il n’est pas indifférent qu’un peu partout les barrières sautent sur le plan esthétique comme sur le plan social. Pour qu’on accepte enfin que l’hybridation est source de vie, si chacun veut bien se pencher sur l’autre pour dialoguer au lieu d’exclure.

© Arnaud Bertereau

© Arnaud Bertereau

Le Iench

S Texte et mise en scène Éva Doumbia S Avec Émil Abossolo-Mbo, Chakib Boudiab, Fabien Aissa Busetta, Catherine Dewitt, Sundjata Grelat et Akram Manry (en alternance), Salimata Kamaté, Olga Mouak, Binda N’gazolo, Frederico Semedo, Souleymane Sylla S Scénographie Aurélie Lemaignen S Chorégraphie Kettly Noël S Musique Lionel Elian S Son Cédric Moglia S Lumière Stéphane Babi Aubert S Assistanat à la lumière Fabien Aissa Busetta, Clémence Pichon S Le texte est publié aux éditions Actes Sud-Papiers.

Du 22 au 28 mars 2024, au TPM de Montreuil, salle Jean-Pierre Vernant 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article