18 Octobre 2024
Un élève qui décide de s’affranchir de la scolarisation est toujours un échec. Kelly Rivière explore les points de vue d’un de ses professeurs en même temps que celui de l’élève.
Un écran en fond de scène sur lequel défilent des témoignages d’élèves et de leurs professeurs. On y retrouve un échantillonnage éclairant de cas de figures : la jeune mignonne plutôt flemmarde qui traîne en classe un ennui abyssal et pour qui la suite de sa carrière pourrait aussi bien être psychologue que gendarme, pourvu qu’elle en fasse le moins possible ; les « bons élèves » angoissés par la peur de l’échec ou le regard des profs qui se mettent la pression pour bien faire ; ceux qui aiment ça, apprendre et découvrir, et ceux qui considèrent l’école comme hors de la vraie vie. C’est à cette catégorie qu’appartient Nathan, le jeune homme qui va rejoindre sur scène la femme armée de son tas de copie : la « prof ». dans cette salle des profs vide – c’est la fin de la journée – il est venu lui annoncer qu’il quitte l’école pour voler de ses propres ailes.
Le questionnement d’un système
La pièce place face à face ces deux personnages qui incarnent, chacun à sa manière, les enjeux de l’éducation. L’inutilité de l’enseignement dispensé est au cœur du débat. Nathan, le jeune homme, spécule sur des reventes de baskets de collection sur iinternet – on dit « sneakers », sinon ça fait ringard. Biberonné aux réseaux sociaux, il met en avant la faillite des « idéaux » qu’on fait miroiter aux jeunes générations et qui ne conduisent à rien. L’écologie et la préservation de l’avenir de la planète ? Il en pointe toutes les contradictions. L’éducation ? À quoi ça sert quand il gagne plus d’argent avec ses sneakers que son père, agriculteur qui trime du matin au soir, ou le prof qu’il a devant lui ? Face à Nathan, l’enseignante cherche à le faire revenir sur sa décision de quitter l’école. Convaincue du rôle de passeur de valeurs qu’occupe l’enseignement, elle cherche à convaincre l’élève du bien-fondé de cette démarche, l’incite à ne pas baisser les bras. Passionnée, agressive parfois, voire ironique, leur joute raconte, d’une certaine manière, une double faillite : celle du système éducatif et, au-delà, celle de la société.
La question du questionnement
Peu à peu, leurs dialogue glisse du général à l’intime. L’histoire de chacun ressurgit, plaçant face à face les expériences individuelles qui les ont amenées là où ils sont. Les fêlures familiales, personnelles, surgissent dans la discussion-affrontement. On remonte à la source de la chaîne d’échecs qui a formé ce qu’ils sont. D’où venait-elle, cette enseignante qui s’est rabattue, pour faire carrière, sur l’Éducation nationale ? Qui rêvait-elle d’être ? Qu’a-t-elle fait de ses rêves ? Et, du côté du jeune homme, quelle aventure familiale l’a conduit à mépriser son père et à montrer cette aversion pour l’école ? Dans leur mise à nu respective, les rapports de force s’établissent dans un équilibre instable, les fragilités se dévoilent. La fin de l’histoire les mènera peut-être où on ne les attend pas…
Un double positionnement du spectacle
C’est en travaillant avec Kelly Rivière sur la Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller, qui met en scène des situations d’échec, familial et scolaire, aux conséquences tragiques au sein d’une famille américaine que Philippe Baronnet, le metteur en scène, propose à l’autrice d’écrire un texte qui puisse se jouer dans le cadre d’établissements scolaires comme au théâtre. Kelly Rivière s’inspire alors de situations piochées dans son entourage immédiat, qu’elle présente, au cours de résidences, en milieu scolaire pour en vérifier la validité. Les deux versions, pour la scène et l’école, existent aujourd’hui. Si tu t’en vas, même si l’on peut trouver le texte un peu « appliqué », met en jeu, au-delà de la double faillite éducationnelle et sociale, une autre facette de cet échec : le désespoir d’enseignants, impuissants à résoudre individuellement une crise qui leur échappe…
Si tu t'en vas
S Texte Kelly Rivière commande de la compagnie Les échappés vifs S Mise en scène Philippe Baronnet S Lumière Eliah Elhadad Ramon S Son Julien Lafosse S Vidéo Pauline Gallinari S Collaboration artistique Marie-Cécile Ouakil S Production Jérôme Broggini S Diffusion Katia Dalloul S Avec Pierre Bidard et en alternance Kelly Rivière ou Clémentine Allain S Mise en place du compagnonnage proposée à l'auteure, automne/hiver 2022 S Résidences artistiques au lycée Lebrun de Coutances, janvier 2023, aux Fours à Chaux de Regnéville-sur-Mer, avril 2023 S Répétitions à La Reine Blanche Paris + La Halle de Vire septembre + octobre 2023 Avant-premières scolaires au lycée de Mortain, en novembre 2023 S Création au Théâtre Cinéma Le Rex Sourdeval le 7 novembre 2023 S Production déléguée Les Échappés vifs S Coproduction CA Mont-Saint-Michel Normandie, Ville de Marchésieux S Soutien Ville de Paris, Grandir dans le bocage – Vire, Les Fours à Chaux Centre de création en résidence – Regnéville-sur-Mer, DRAC Normandie – dispositif jumelage, lycée Lebrun à Coutances, Campus HEP, La Reine Blanche – Paris, SACD Pôle auteurs S La compagnie Les Échappés vifs, basée à Sourdeval, est une idée par le Ministère de la culture DRAC Normandie et le Conseil départemental de La Manche au titre du conventionnement S Durée 1h10
Lundis 4, 11, 18 novembre 2024 à 19h15, vendredi 15 et mardi 19 novembre à 21h15
La Scala – 10, boulevard de Strasbourg, 75010 Paris https://lascala-paris.fr