16 Novembre 2023
Lorsque les collections de costumes de scène d’un médecin et critique dramatique, Jean Couturier, résonnent avec un travail de fond sur l’art à l’hôpital entamé depuis des décennies.
À l’occasion d’une exposition de costumes organisée dans la Chapelle de l’hôpital Charles Foix d’Ivry sur Seine, nous avons pu découvrir la place faite aux artistes dans cet établissement labellisé « Culture et santé » par l’agence régionale de santé de l’île de France dans la période 2014-2016.
Historique : des enfants incurables à la gériatrie
Edifié au XlXe siècle, sur le site d’un hôtel seigneurial du XVle siècle, avant d’être l’unité gériatrique de La Pitié-Salpêtrière, l’Hospice d’Ivry recevait des enfants incurables et handicapés, sous l’égide de l’Assistance publique – un organisme laïc créé en 1849. Dans la sévère architecture typique des bâtiments publics de l’époque, trois grands jardins soigneusement entretenus apportent un peu de gaieté et de nature aux patients et à leurs soignants. On peut y voir un arbre séculaire planté par l’impératrice Eugénie lors de l’inauguration en 1873 par le Maréchal de Mac Mahon. On y trouve aussi une belle chapelle, la plus grande du Val-de-Marne, dédiée à Notre-Dame de l’Annonciation. Dans le transept droit, le cénotaphe en marbre du cardinal de La Rochefoucauld en prière s’inscrit dans cette architecture sobre. L’orgue construit par la Manufacture Merklin & Schutze est toujours en service et doit la qualité musicale de ses timbres à la présence, très rare, d’un jeu à anches libres.
La Chapelle s'habille
Sur les murs dépouillés de la modeste église, la présence insolite de costumes de scène rompt avec l'austérité des lieux. Ils proviennent de la collection personnelle de Jean Couturier, médecin et critique dramatique qui en a organisé l'accrochage. Ici pas d'ordre chronologique mais un parcours coloré. On y retrouve aussi bien un costume du Moïse de Rossini mis en scène par Luca Ronconi à l'Opéra Garnier (1983) que du Don Quichotte de Massenet mis en scène à l'Opéra Bastille par Gilbert Deflo (2000). On se rappelle ainsi qu'Olivier Py a réalisé une Carmen à l'Opéra de Lyon en 2012 et qu'on a pu voir un Parsifal à l'Opéra Bastille, mis en scène par Graham Vick en 1999...
Deux tutus de l'Opéra de Paris, un bustier de la Comédie-Française donnent un air coquin à cette exposition et, dans des vitrines, des chapeaux et des chaussures accompagnant les habits suspendus le long de ce chemin de croix ludique.
Cette vingtaine de pièces de styles contrastés, comme autant d'éclats de mémoire, soulignent l'importance des costumes de scène qui sont souvent les seules traces matérielles qui nous restent de l'art vivant, par nature éphémère.
L’art à l’hôpital
Charles Foix n’en est pas à sa première manifestation culturelle. Depuis les années 1990, l’hôpital reçoit en résidence des compagnies de théâtre, des plasticiens, des musiciens qui y viennent répéter... en échange d’un stage de sculpture, d’une représentation théâtrale ou d’un concert. Une grande salle, dotée d’une petite scène, permet à Christelle Citerne, responsable de l’animation, de faire une programmation. Elle fait face à de nombreuses demandes d’artistes. Elle a aussi initié des visites guidées dans les musées pour les patients (500 résidents en moyenne) et bénéficie d’œuvres originales prêtées par Paris-Musées. Au temps de l’épidémie de Covid, le Théâtre de la Ville a organisé avec elle des consultations poétiques pour les résidents et continue depuis... « L’art apporte la vie à l’hôpital. Un souffle d’air pour les patients et les soignants », dit-elle.
Valse avec Mathilde
« Fabriquée à Séville en 1982, cette marionnette est similaire à celles du Japon », explique Eric de Sarra, en manipulant une petite poupée devant un auditoire attentif de résidents de l’EPHAD et de membres du service de neurologie. Issu de la compagnie du grand maître ès images et manipulation, Philippe Genty, il explique : « Moi, manipulateur, je suis au service de cette petite dame. [...] Le comédien se retire pour faire parler sa marionnette. Il devient son accessoire. Elle a son propre langage, fait d’impulsions et de regards. » Il fait danser Mathilde, puis avec la même dextérité, une chaise... Une simple tête qu’il porte au bout de sa main donne vie à une créature fantastique : vêtue d’une étoffe flottante, elle devient ange ou démon virevoltant dans la maison de Dieu.
Après cette mise en appétit, le marionnettiste, avec sa compagnie Mots de Tête, animera prochainement un stage aux patients de Charles Foix
L’exposition se tient tous les jours ouvrables jusque début janvier 2024 dans la chapelle de l’Hôpital Charles Foix - 7 avenue de la République, 94200 Ivry sur Seine