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Arts-chipels.fr

Farces et nouvelles de Tchekhov. L’homme à la plume acérée.

Farces et nouvelles de Tchekhov. L’homme à la plume acérée.

Ces courtes pièces et nouvelles de Tchekhov adaptées pour le théâtre forment comme une somme de croquis pris sur le vif où l’on retrouve, en raccourci, la patte de l’auteur.

Quand un gagne-pain destiné à combler des besoins alimentaires fait naître de petits bijoux, on ne peut que se réjouir de les voir occuper le devant de la scène. C’est le cas pour la sélection que fait Pierre Pradinas parmi les centaines de petits écrits produits par Tchekhov au cours d’une carrière littéraire de pas tout à fait un quart de siècle. C’est par ces formes courtes que commence le jeune littérateur – il a alors vingt ans – possédé du double désir de faire vivre sa famille en même temps que de se faire reconnaître. Pierre Pradinas pioche cinq œuvres dans la multitude existante, appartenant à différents genres – la nouvelle d’un côté, le théâtre de l’autre, à un ou à plusieurs personnages – et prises à différents moments de l’œuvre, dans les premières années de l’auteur, en 1883, au moment où il use encore d’un pseudonyme, Antocha Tchékhonté, et jusqu’à la presque fin, en 1902 – il cessera d’écrire l’année suivante, terrassé par la tuberculose.

Cinq courts récits comme un portrait en raccourci de la société

Les fables, associées pour chaque représentation vont par trois (voir le programme en bas de l’article). Elles mettent en scène un peuple provincial d’employés et de petits propriétaires terriens.

Publiée en 1883 dans la revue les Éclats sous le pseudonyme de Tchékhonté, la Mort d’un fonctionnaire met en scène un fonctionnaire heureux qui, lors d’une représentation à l’opéra, pris d’un éternuement intempestif, éclabousse la tête chauve d’un général. Conscient de sa médiocre position sociale, il pousse le désir de s’excuser si loin qu’il y revient à cinq reprises, provoquant, finalement, la colère de celui qui n’avait cure de l’incident. Les conséquences en seront tragiques.

Autre nouvelle, Un drame est publié en 1887 sous le même pseudonyme et dans la même revue. Elle narre les mésaventures d’un auteur reconnu confronté à une écrivaine en herbe qui veut à toute force lui lire l’interminable drame roboratif qu’elle a commis. Épuisé et en proie au délire, il la tue, et Tchekhov pose avec humour la question de sa culpabilité.

L’Ours, farce en un acte parue en 1888, plonge, de son côté, ses racines dans le monde des petits propriétaires terriens. Une femme fraîchement veuve refuse de recevoir un créancier de feu son mari. Celui-ci fait le siège de la dame, un sit-in dont l’issue pourrait être un duel par un mariage.

C’est sur le même terreau que s’établit une Demande en mariage. Publiée en 1888, jouée en 1889, la pièce met en scène un petit propriétaire qui envisage de se marier. Le faire avec sa voisine serait un bon moyen, à terme, d’étendre sa propriété. Mais voilà que survient un débat à propos d’un pré à vaches que se disputent les deux familles. Le ton monte. La jeune fille désirant se marier, on se rabiboche. Le ton monte à nouveau, puis se calme et on entre dans une histoire sans fin…

Avec les Méfaits du tabac, scène monologue en un acte parue en 1902, un petit bourgeois dans la cinquantaine est sommé par sa femme qui le martyrise depuis plus de trente ans de se transformer, à son corps défendant, en conférencier pour dénoncer les effets néfastes du tabac. Mais son épouse n’est pas dans les parages et notre homme se laisse aller à des confidences cocasses face au public de la conférence, dont nous endossons le rôle.

Un ton à la fois ironique et tendre

Pour mettre en scène ces courtes farces aux traits acérés, quelques chaises qui changent de place, manipulées par des techniciens un peu loufoques entre les différentes pièces, suffisent à composer le décor. Un théâtre réduit à l’essentiel où tout repose sur les comédiens et sur le texte, d’une drôlerie cruelle. Si sa truculence est évidente, si quiproquos et apartés le pimentent, les doubles sens qu’on saisit au passage ajoutent au comique avec lequel Tchekhov croque ses personnages, à la fois attendrissants et dérisoires. Auteurs excédés, maris écrasés, grands timides, petits roués, ingénues devenant mégères, pères désireux de se débarrasser de leurs filles forment la galaxie de ce petit monde gouverné par l’ambition, l’intérêt et l’esprit de lucre. Onn s’amuse beaucoup de leurs travers et, dans le champ du comique, Pierre Pradinas est à son affaire pour rendre la gestuelle éloquente et faire prendre aux corps de ses acteurs le contrepied de ce qu’énonce le texte.

Une mise en scène pour tous les lieux

Le décor minimaliste, transportable partout, et le petit nombre de personnages fait de cette proposition à tiroirs un spectacle léger, aisément transportable. Sa structure en petits objets indépendants combinables selon la durée qu’on souhaite pour le spectacle rend la proposition adaptable à l’usage qu’on voudrait en faire. Pierre Pradinas a d’ailleurs consciemment imaginé ces pièces comme des objets transportables et jouables partout, y compris dans des endroits qui n’ont pas forcément vocation au théâtre : places publiques, châteaux, jardins, parvis, salles des fêtes. Quant à la distribution, qui mêle acteurs en herbe et comédiens confirmés, elle offre pour lui l’occasion d’un dialogue, d’un échange et d’une transmission entre générations. Une proposition maligne et sympathique qui ne dépare pas avec l’esprit des personnages.

Farces et nouvelles de Tchekhov. Traductions de Une demande en mariage, L’Ours, Les Méfaits du tabac par André Markowicz et Françoise Morvan, de Un drame, La Mort d’un fonctionnaire par Elsa Triolet

S Mise en scène Pierre Pradinas S Avec Quentin Baillot, Louis Benmokhtar, Romain Bertrand, Aurélien Chaussade, Laure Descamps, Maloue Fourdrinier, Maud Gentien, Philippe Rebbot, Prune Ventura S Collaborateur artistique Simon Pradinas S Assistant Simon Courtois S Création musicale Christophe « Disco » Minck S Lumières Orazio Trotta S Costumes Céline Guignard S Production Le Chapeau rouge S Coréalisation Théâtre Lucernaire S Partenaires Bonlieu-Scène nationale d’Annecy, Scène Nationale d’Alès, Le Cratère, Théâtre de l’Union CDN de Limoges, Le Molière, Théâtre de Gascogne, Le Théâtre Ducourneau d’Agen, Aide à la diffusion OARA, La Terrasse S Soutiens l’Académie de l’Union et l’ESTBA, CDN de Bordeaux-Nouvelle Aquitaine S Le Chapeau rouge est une compagnie conventionnée par la DRAC et la région Nouvelle-Aquitaine S Durée 1h15

Au Lucernaire – 53, rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris www.lucernaire.fr

Du 8 novembre 2023 au 7 janvier 2024 à 19h du mardi au samedi, à 16h le dimanche

S Du mercredi 8 novembre au dimanche 12 novembre 2023, Les Méfaits du tabac, l’Ours, la Mort d’un fonctionnaire. Avec Philippe Rebbot, Quentin Baillot, Maloue Fourdrinier et Aurélien Chaussade

S Du mardi 14 novembre au dimanche 26 novembre 2023, Les Méfaits du tabac, Une demande en mariage, un Drame. Avec Philippe Rebbot, Quentin Baillot, Laure Descamps et Romain Bertrand

S Du mardi 28 novembre au dimanche 3 décembre 2023, Les Méfaits du tabac, Une demande en mariage, la Mort d’un fonctionnaire. Philippe Rebbot, Quentin Baillot, Prune Ventura ou Laure Descamps et Romain Bertrand

S Du mardi 5 décembre au dimanche 17 décembre 2023, Les Méfaits du tabac, l’Ours, la Mort d’un fonctionnaire. Avec Philippe Rebbot, Quentin Baillot, Maud Gentien, Aurélien Chaussade Et Maloue Fourdrinier (du 5 au 7 décembre) ou Maud Gentien (du 8 au 17 décembre)

S Du mardi 19 décembre 2023 au dimanche 7 janvier 2024, Les Méfaits du tabac, Une demande en mariage, la Mort d’un fonctionnaire. Avec Philippe Rebbot, Louis Benmokhtar, Aurélien Chaussade et Laure Descamps (du 19 au 24 décembre) ou Prune Ventura (Du 26 décembre au 7 janvier)

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