11 Septembre 2023
WeToo, festival féministe et familial, qui a fait de l’ouverture et du dialogue sa doctrine, a soufflé les 8-10 septembre 2023, sa quatrième bougie. Et si nous apprenions à nous comprendre et à tenir compte les uns des autres sans rapport inégalitaire ?
Dans une ancienne gare de marchandises SNCF désaffectée, vestige d’une société industrielle dont le modèle s’est profondément modifié, se tient, pour la quatrième année consécutive, un festival féministe au style particulier. Les anciens hangars, transformés, ont laissé place à des salles de spectacle, à une buvette, à une « garderie » d’enfants. Des stands de livres, de tee-shirts, de jeux inclusifs, d’objets décoratifs occupent l’espace en plein air où des tables de bois permettent aux visiteurs de se poser, de pique-niquer ou de boire un verre. Sur une estrade, des instruments de musique attendent leurs propriétaire. Ailleurs, un rideau est tendu, indiquant l’existence d’un spectacle. De-ci, de-là, quelques chaises longues permettent de se livrer à l’oisiveté, de discuter, d’échanger. C’est de guingois, un peu sommaire, bricolo, volontairement non apprêté. On est dans un monde d’après la rutilance de la consommation triomphante et les panneaux qui ponctuent l’espace le confirment. Ici on recycle, on réutilise, les petites comme les grandes choses : des bouchons de plastique aux vieux pulls qui seront détricotés pour faire des caleçon chauds pour les plus démunis, en passant par les tampons, serviettes hygiéniques et autres protections intimes – thème de la féminité oblige. Des placards annoncent qu’ici les toilettes sont sèches. On économise l’eau qui est un bien précieux.
Un lieu de convivialité et d’échanges
La fréquentation ? Elle ne manque pas d’être mélangée. Aux groupes de jeunes filles qui sont venues ensemble, aux bandes mixtes de copains attablés devant une bière viennent s’adjoindre des couples entre deux âges qui parcourent d’un stand à l’autre ce no man’s land reconverti, feuilletant les livres qui ont été disposés, posant des questions, profitant des conseils dispensés. Une cabane-tipi invite à la méditation. Mais ce qui frappe le plus c’est l’aspect familial de l’événement. Les poussettes sont de sortie, les enfants courent dans tous les coins. L’aire de jeux pour les enfants rappelle qu’il n’est pas besoin de jeux électroniques sophistiqués pour qu’ils s’amusent, et qu’un morceau de bois ou un vieux bidon suffit à leur bonheur. Une atmosphère conviviale pour accueillir petits et grands.
Féministe dans toutes les directions et pour tous les âges
Animations et concerts de plein air ouverts à tous, spectacles de clown telle cette performance de deux jeunes femmes qui dénoncent sur le mode burlesque les impératifs de la beauté, s’enveloppant de film plastique pour transpirer et mincir ou se recouvrant de maquillage pour ressembler au portrait « idéal » de la femme, on dénonce sur le mode de la bonne humeur ou de la revendication. Côté spectacles, il y en a pour petits et grands. Les plus jeunes sont invités à découvrir que la langue française fait une différence entre le masculin et le féminin et que, si le cuisinier est un homme, la cuisinière est un objet. Parce que la prise de conscience est au cœur de la démarche. Elle prend les voies les plus diverses. Avec les Petites épouses des blancs / Histoire de mariages noirs, elle aborde ainsi les faits et méfaits du colonialisme en évoquant, à travers une enquête croisée sur le passé colonial de deux familles, l’une française, l’autre d’origine africaine, les « petites femmes » des colons dont l’existence, admise par un usage inique, n’a pas pour corollaire le droit. Avec Pour un temps sois peu, elle livre le témoignage bouleversant et intime d’une vie de trans, au-delà des idées toutes faites. Laurène Marx offre une approche sensible, loin des clichés sur le thème, qui évoque la marche longue et complexe de la conquête de la féminité et en souligne au passage toutes les ambiguïtés. Car qui plus qu’une personne trans peut poser de manière aussi aiguë la question de savoir ce que c’est qu’être femme ?
Dans WeToo, ce qui frappe c’est l’absence de slogan réducteur, de prise de position qui s’apparente à une guerre des sexes ou des genres, mais la mise en évidence de ce qui, au quotidien, révèle des rapports de force qui ne disent pas leur nom et qu’on intègre comme une évidence. La manifestation d’une éducation à refaire, sans marche militaire ni tambour ni trompette, et qui commence avec l’enfance. Une reconquête de soi qui va au-delà des clichés et des catégorisations. Une reconnaissance et une acceptation des différences, sans qu’elles paraissent l’exception mais soient la règle.
Des principes qui trouvent leur concrétisation dans le Festival
Le Festival WeToo est porté par la compagnie Mi-Fugue Mi-Raison, qui réalise, produit et diffuse des projets culturels participant à la création d'une société plus juste et plus équitable. Il s’est créé et se développe sous l’impulsion de femmes artistes ou gravitant autour du spectacle vivant. Les codirectices actuelles du Festival, Sephora Haymann, Cécile Martin et Caroline Sahuquet, revendiquent la coexistence de leurs différences de points de vue sur le féminisme et les conjuguent pour créer une dialectique enrichissante et non réductrice dans une organisation horizontale pour tous les aspects du travail, allant de la conception à la réalisation concrète du festival. Parce que démanteler le patriarcat, c’est aussi en finir avec le management pyramidal et hiérarchisé. Une vraie leçon de vie…
www.wetoofestival.fr 06 75 94 75 96
Mi-fugue mi-raison www.mfmr.fr 06 14 32 54 96