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Arts-chipels.fr

24 heures à New York. Difficultés et bonheurs d’un accomplissement trans.

© Dulac Distribution

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Ce film d’une grande délicatesse nous fait pénétrer dans le quotidien d’une ex jeune fille qui suit le chemin semé d’embûches de sa transformation sexuelle. Être soi-même n’a rien d’une évidence…

Dans l’atmosphère surchauffée de la nuit new-yorkaise, des jeunes gens évoquent autour d’un verre les micro-galères qui pavent leur quotidien. Parmi eux, Feña, au prénom chilien ambisexe, cheveux courts, voix déjà descendue dans les graves et poitrine plate. Iel doit trouver une voiture pour accueillir son père à l’aéroport et on devine qu’iel ne souhaite pas lui montrer les difficultés qu’iel traverse. On découvrira progressivement que Feña fut autrefois Fernanda, qu’iel a rompu avec sa famille et que sa vie ressemble davantage à un parcours d’obstacles qu’à une évolution sans heurt dans la chaleur d’un cocon familial. Ses parents sont séparés, sa mère, shootée en permanence, exerce une traque de tous les instants. Mais voici qu’en l’espace de vingt-quatre heures, son passé lui saute à la figure. Son ex-petit ami refait surface, sa petite sœur de quatorze ans débarque et son père doit arriver.

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L’aventure d’un changement de sexe

Nul n’ignore que son changement de sexe est en cours mais Feña se heurte à l’incompréhension de ses proches, même si celle-ci est bienveillante et ne se teinte pas de rejet. On comprend, aux réactions épidermiques de Feña, que la féminité, liée sans doute pour elle à l’image d’une mère honnie, lui répugne. Cela ne l’empêche pas d’avoir pour sa jeune sœur, elle aussi un peu à la dérive, les tendresses et les attentions d’une mère de remplacement. Pour son père, qui voit encore l’enfant derrière sa mutation en jeune homme, il y a la même difficulté à imaginer que celle qu’on a connue est devenue quelqu’un d’autre. Quant à son ex-petit ami – ils demeurent, en dépit de leur rupture, attachés l’un à l’autre par des liens amoureux – il ne comprend pas davantage cette attitude qu’il perçoit comme un renversement des rôles entre eux.

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Une mutation complexe

La force de ce film vient du mode très intime de l’approche et de cette vision par le menu, vécue de l’intérieur. Point ici de déclarations à l’emporte-pièces, tonitruantes ou revendicatrices, mais un parcours du ressenti et une plongée au cœur de ce qui définit l’individu, saisi dans une mutation en train de se faire, à une étape où se mêlent encore celui qu’on connaissait et qui n’est plus et celui qui n'est pas encore devenu tout à fait un autre – et qui revendique, de surcroît, n'appartenir à aucun côté sinon celui qu'il choisit. L’une des séquences, filmée avec infiniment de pudeur et de douceur, révèle l’exploration par son petit ami du nouveau corps de Feña, qui a fait procéder à l’ablation de sa poitrine, mais qui va de pair pour iel avec son refus d’être catégorisée « homme » par l’existence d’un pénis.

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Un réalisateur à la croisée des chemins

Vuk Lungulov-Klotz est un réalisateur serbo-chilien qui vit entre le Chili et les États-Unis. Pris entre des mondes et des cultures, il l’est aussi du côté du genre et de l’orientation sexuelle. Il se vit comme capable de comprendre les deux genres et de connaître intimement l’entre-deux. À travers le personnage de Feña, il exprime toute la complexité de cet état, au-delà des clichés et d’une perception souvent factice parce que réduite aux poncifs. Cette identité nouvelle, Feña la conquiert à coups de mal-être successifs, pour iel même autant que pour les autres. Plaidoyer pour une reconnaissance de la différence et pour le droit de choisir sa propre vie, 24 heures à New York mêle difficultés d’être et libertés conquises de haute lutte. Sans doute est-ce aussi là que réside le message. Être soi-même, contre tous les attendus sociaux, en défrichant un terrain vierge, est l’affaire de longs combats en même temps que de compréhension mutuelle. Et se faire reconnaître et accepter pour ce que l’on est, non comme une exception mais comme l’un des nombreux visages de l’humanité, l’est tout autant. L’enjeu, en tout cas, en vaut la chandelle.

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24 heures à New York. 2023, États-Unis. Anglais, espagnol, 1h27. En salle le 9 août 2023

S Réalisation & scénario Vuk Lungulov-Klotz S Avec Lío Mehiel (Feña), Cole Doman (John), Mimi Ryder (Zoe), Alejandro Goic (Pablo), Jasai Chase Owens (Aidan), Jari Jones (Fiona) S Image Matthew Pothier S Son Ash Knowlton S Décors Alanna Murray S Costumes Elena Lark S Montage Adam Dicterow S Musique originale James William Blades & Taul Katz S Production Alexander Stegmaier, Stephen Scott Scarpulla, Vuk Lungulov-Klotz, Jennifer Kuczaj, Joel Michaely, Silas Howard, Sarah Herrman, Hannah D. Kettering, Susie Hile, Andrew Carlberg, Lucky 13 Productions, Spark Features S Ventes internationales Best Friend Forever

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