11 Avril 2023
Magnifique concert de Nina Simone au Philharmonic Hall, Lincoln Center Plaza de New-York en 1969 qui sert de bande son à la chorégraphie. On EST dans la salle du concert, on entend les toussements, les commentaires, il ne manque que l’image. Et le visuel ce sont les danseurs et danseuses de la troupe de Emmanuel Gat, Inbal Dance Theater qui nous l’offre. Ainsi le chorégraphe met en scène les jeunes danseurs et danseuses de sa compagnie. C’est propre, bien léché incroyablement précis et technique. Il nous offre un moment de danse épurée et experte que l’on doit saluer. Les interprètes sont parfaits, irréprochables et magnifiques. Les mouvements s’enchainent bien réglés, remarquablement dansés. On retrouve ses diagonales, ses mouvements de groupes et ses solos. Cependant, il m’a semblé qu’il manquait une émotion, une petite flamme, le petit quelque chose qui fait la différence.
Suzanne est le nom du centre de Danse et de Théâtre à Tel Aviv où Emmanuel Gat a fait ses début et donc effectivement le clin d’œil avec le titre de la chanson peut s’entendre mais la question est pourquoi avoir choisi Nina Simone et non Leonard Cohen comme interprète ?
Emmanuel Gat cherche la perfection du mouvement dans une esthétique assez abstraite. Il instaure souvent un paradoxe dans ces créations. Il joue avec, il ancre sa mécanique créative sur un paradoxe entre la musique, le propos de la musique ou de l’auteur ou de l’interprète et la chorégraphie. Par exemple, comme dans son spectacle “Act II&III or The Unexpected Return Of Heaven And Earth” chanté magistralement par Maria Callas, et interprétée par ses danseurs et danseuses nu.e.s une bonne partie du spectacle.
Donc je m’interroge, lorsque l’on connait les combats de Nina Simone contre la discrimination raciale aux USA, on peut se demander pourquoi avoir choisi cette bande son pour accompagner une troupe de danseurs et de danseuses exclusivement blancs. Emmanuel Gat est suffisamment attentif aux moindres détails pour ne pas avoir eu une intention. Provocation ? Peut-être. Discours subliminal sur la nécessaire obligation de l’inclusion ? Bref je reste avec mes interrogations ce qui n’enlève rien à la qualité de ces jeunes interprètes et de sa chorégraphie.
Emmanuel Gat est né en Israël en 1969, il devient chorégraphe en 1994 et fonde sa propre compagnie à Tel Aviv en 2004, année où il crée Winter Voyage et son interprétation originale du Sacre du Printemps de Stravinski, récompensée à New York. Ensuite le chorégraphe s’installe en France en 2007. Il est artiste associé au festival Montpellier Danse en 2013, où il crée notamment The Goldlandbergs, L’année suivante, il propose Story Water dans la Cour d’honneur du Palais des papes lors du Festival d’Avignon. En 2020, en pleine pandémie, il crée LOVETRAIN2020, une œuvre pour quatorze danseurs sur la musique de Tears For Fears.
Emmanuel Gat nous enchante avec ce spectacle au premier abord bien sage mais qui nous interroge sur notre société et ses dérives. A méditer !
Distribution :
chorégraphie et lumière : Emanuel Gat
interprètes : Noam Deutsch, Eshed Weissman, Yehonatan Sa'al, Itai Meir, Roni Faigler, Romi Cohen, Celia Mari', Yaniv Oirech
musique : extraits du concert de Nina Simone au Philharmonic Hall de New York en 1969
répétitions : Tamar Barlev
costumes : Omri Albo
régie technique : Ilan Shalom
technicien lumière : Rotem Elroy
directeur général et artistique : Eldad Grupy