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Arts-chipels.fr

Paléolithique Story. Un petit goût d’aléatoire dans notre évolution.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Parler des origines de l’homme et en mettre à plat les fausses vérités et les erreurs volontaires, voilà du grain à moudre lorsqu’on parle des chasseurs-cueilleurs et de la naissance de l’agriculture. Une réjouissante remontée du temps, en musique s’il vous plaît, qui nous raconte bien des choses sur notre époque.

Un décor de grotte fait de concrétions accumulées goutte après goutte par l’écoulement du temps trône sur la scène avec, côté cour, un échafaudage mobile. C’est le branle-bas de combat. Bientôt le musée consacré au temps préhistoriques va ouvrir et répondre à des questions fondamentales touchant à nos origines : d’où venons-nous ? comment avons-nous évolué ? comment en sommes-nous arrivés là où nous sommes ? Après les ères qui jalonnent l’histoire terrestre et l’apparition de la vie – les hommes n’y sont pas encore – qui défilent sur le rideau tiré sur l’exposition à venir, on passe à cette entité complexe qui porte le nom d’« homme ». Australopithecus afarensis, anamensis, Homme de Toumaï, homo habilis, ergaster, erectus, néandertalien, sapiens et tous les autres, ils sont venus, ils sont tous là, pour dire « Comment a-t-on pu en arriver là ? » C’est que là, rien ne va plus. Le professeur, responsable scientifique de la conception du musée a mis le holà. On n’ouvrira pas le musée parce que nous sommes « coincés », esclaves de notre condition et qu’il faut comprendre. Déconstruire sera le propos qui, questionnant nos origines, interroge notre à-venir.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Dépoussiérer la muséologie

Une guide documentaliste férue d’art lyrique et un assistant branché à la gestuelle dansée vont assister le professeur pour plonger dans les sources de ce questionnement qui passe d’abord par le chaos, par la mise en désordre, par l’errance sans a priori dans les témoignages que nous livre l’archéologie préhistorique et les hypothèses anthropologiques qui l’utilisent. On descend dans une caverne très sonore, au rythme d’une musique qui déménage sans complexe dans les rythmes et les sons d’aujourd’hui, interprétée par des musiciens survoltés qui, pour l’occasion, ont revêtu leurs peaux de bêtes tout comme les protagonistes de l'histoire pour appuyer leur démonstration. Parce qu’il va être question de regarder ces bouts d’os qu’on dégage au pinceau, pas seulement pour eux-mêmes et que la « reconstitution » laisse des blancs, des silences, des incertitudes que les hypothèses de tous et de chacun viennent remplir.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Revenir au point de départ

C’est que le propos n’est pas si anodin que la légèreté déjantée et pleine de vie du spectacle le laisse entendre. Le point de départ, c’est celui du passage d’une société de chasseurs-cueilleurs à l’agriculture et à ce qui deviendra, au néolithique, une société sédentarisée, et surtout progressivement hiérarchisée. L'interprétation faite de cette transformation sert, nous dit le cueilleur de champignons, de fruits et de légumes sauvages et pêcheur impénitent Mathieu Bauer, de point d’appui et de justification masquée aux inégalités d’aujourd’hui. Relire l’histoire de l’homme revient à réinterroger ce qu’on considérait comme acquis, à envisager les multiples interprétations possibles tirées des traces que nous livre l’archéologie, à reconsidérer les bases en les regardant autrement. C’est ce que le texte creuse dans l’obscurité lumineuse de la grotte, interrogeant les écrits des anthropologues Pierre Clastres ou de l’anarchiste new-yorkais David Graeber.

© Christophe Raynaud de Lage

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Questionner le système social et la recherche

Effectuant des recherches en Amérique du Sud sur les sociétés autochtones de la forêt tropicale avant de se pencher sur la société occidentale, Pierre Clastres dégage l’idée de sociétés « primitives » qui seraient des sociétés d’abondance et de loisir, parce que l’activité y serait limitée aux besoins du moment. Leur fonctionnement excluant l’économie, leur modèle échappe à l’économie de marché. Critiquant les présupposés et les impensés de l’ethnologie et de l’anthropologie politique, il interroge les notions de pouvoir et de domination, mettant en avant le pouvoir non coercitif des sociétés indivisées et posant la question de l’origine de la domination et de sa nécessaire abolition. Dans son sillon, David Graeber avance que ces sociétés premières auraient délibérément écarté la domination de quelques-uns au profit de l’auto-organisation, attribuant à l’anarchisme le rôle intellectuel précédemment dévolu au marxisme.

© Christophe Raynaud de Lage

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À notions complexes, pendant festif

Ce contenu qui pourrait apparaître comme aride et peu théâtral, passé au filtre de l’art qui convoque aussi bien les décorations peintes des grottes que la forme musicale, chantée et dansée du spectacle, transforme l’exposition de ces thèses en un ludique jeu de piste, parfois désordonné, plein d’incises, d’avancées vers l’avant et de références à la réalité d’aujourd’hui en même temps que de retours en arrière. On y retrouve ce qui fait aussi le sel de la vie, un certain désordre né de rencontres fortuites, d’éphémères moments saisis au vol que le spectacle, avec sa vitalité et sa qualité de réalisation, rend tangibles et savoureux.

© Christophe Raynaud de Lage

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Paléolithique Story. Texte Lazare Boghossian, Marion Stenton

S Conception et mise en scène Mathieu Bauer S Composition musicale Sylvain Cartigny et Lawrence Williams S Avec Emma Liégeois, Romain Pageard, Gianfranco Poddighe et les musiciens Mathieu Bauer, Sylvain Cartigny, Lawrence Williams S Collaboration artistique Sylvain Cartigny S Assistanat à la mise en scène Anne Soisson S Scénographie et costumes Chantal de La Coste S Collaboration en dramaturgie Thomas Pondevie S Création son Arthur Legouhy S Création lumière William Lambert S Régie lumière Thomas Cany S Régie générale et vidéo Florent Fouquet S Développement, administration, production et action territoriale Bureau Retors particulier (dir. Margot Quénéhervé) S Diffusion Florence Bourgeon S Spectacle créé le 13 octobre 2022 au Manège à Maubeuge S Production Cie Tendres Bourreaux S Coproduction Théâtre Public de Montreuil – CDN ;L’Empreinte - Scène Nationale Brive-Tulle ;Le Manège Maubeuge - Scène Nationale transfrontalière ; Les Théâtres - Marseille ;Malakoff Scène Nationale - Théâtre 71 S Avec le soutien de la Région Île-de-France et la SPEDIDAM S Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National S La Compagnie est subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Île-de France S Durée 1h30 S À partir de 13 ans

Du 22 mars au 1er avril 2023.Du lun au ven à 20h (sf jeu. 30 à 19h), sam. à 18h. Relâche le dim.

Théâtre Public Montreuil - Salle Maria Casarès, 63 rue Victor Hugo, Montreuil

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