3 Avril 2023
C’est un voyage initiatique, un étrange rituel, une mystérieuse épopée auxquels nous convie Nach.
Incroyable performance que cette première pièce « de groupe » de la performeuse issue du Krump. Elles sont quatre interprètes, quatre artistes venues d’horizons différents, classique, hip hop, flamenco et krump qui nous racontent, qui nous disent leurs histoires, leurs révoltes mais aussi leurs extases et leurs espoirs. Quatre récits qui passent par le corps et aussi par la voix. Quatre récits qui nous emportent, nous happent dans un entre-deux en suspension.
Ce spectacle est un mix d’improvisation et de préparation avec une approche venant du Krump et qui m’a fait penser également au Free jazz. C’est-à-dire utiliser cette émergence de la vibration corporelle, ce ressenti intérieur de l’instant pour en faire une modulation, une envolée plus ou moins lyrique.
Elles disent des histoires de femmes prônant l’égalité, revendiquant leur érotisme et leur liberté sexuelle jusqu’à la transsexualité. Ce sont des récits de corps entrelacés qui se cherchent, se soutiennent, se réinventent. Elles disent en dansant, elles disent en chantant, elles disent en jouant avec les sons, avec les mots. Elles disent avec leurs corps ce que l’on ne veut ou peut pas dire avec les mots. Elles articulent, elles énumèrent, elles jouent avec les syllabes comme elles jouent avec leur corps. Elles dévoilent peu à peu leurs intimités, leurs désirs, leurs peurs, on devine des secrets, des non-dits. C’est intense, brut, primal et libérateur.
On retrouve le vocabulaire du Krump et surtout la philosophie de cette danse.
Le Krump est une danse née dans les années 2000 au cœur des quartiers pauvres de Los Angeles. Ce sont les jeunes de ces ghettos qui ont redécouvert ce mouvement universel des danses ancestrales et l’ont réintégré dans la danse moderne des ghettos. Le flamenco, le buto , la danse ancestrale africaine, le Kathakali ont des point communs comme le rapport à la terre, l’énergie que l’on trouve au sol, un rapport à la douleur d’être, à la douleur de l’être. Car le Krump n’est pas qu’une danse c’est une philosophie, un mode de vie, un mode d’interaction aux autres et au monde. C’est un écosystème à part, avec ses codes, sa hiérarchie et ses figures.
Il faut saluer la performance de ces quatre artistes, Nach bien évidement, Sophie Palmer, Adélaïde Desseauve et Manon Falgoux qui sont chacune dans un registre différent, complétement bouleversantes.
Nach a rencontré le Krump à 22 ans. Ensuite elle a exploré cette danse urbaine puis bien d’autres danses tel le flamenco, en décelant les liens et les similitudes de ses deux approches du mouvement. Puis elle va trois ans au Sénégal puis au Japon et découvre la danse Buto et la culture japonaise.
Je l’ai vu l’an dernier, dans son solo Nulle part est un endroit où elle racontait sa démarche et ce que le Krump lui avait apporté. Désormais, elle aborde la chorégraphie avec toute la richesse et la diversité que ses années d’exploration lui ont apportée et elle nous offre un spectacle très sensible et profond qui résonne en chacun de nous.
Distribution
Conception Nach
Interprétation et textes Adelaïde Desseauve, Manon Falgoux (en alternance avec Sati Veyrunes), Nach, Sophie Palmer
Régie générale et création sonore Vincent Hoppe
Création lumière et scénographie Cyril Mulon
Collaboration artistique Flora Detraz
Préparation vocale Dalila Khatir
Stylisme Flech Kann
Collaboration musicale Radikal Satan, L’Ocelle Mare
Administration de production et diffusion Mission culture et Alice Fabbri