23 (36) fragments de ces derniers jours. Parcours en zigzag dans les racines politiques du cirque et le pouvoir libérateur de la danse.

Équilibres périlleux, contorsion et fête sont au menu de ce spectacle entre danse et cirque qui s’avance sur une piste brésilienne encore pavée d’embûches mais enfin libérée de Bolsonaro.

Ils sont six artistes, rassemblés sur le pourtour de la piste circulaire autour de laquelle les spectateurs ont pris place. Danseurs et acrobates, gymnastes et contorsionnistes. Mais point ici de sable ou de sciure, plutôt un espace circulaire laissé libre pour raconter une histoire, ou plutôt des fragments d’histoires, comme un journal de bord dont on aurait mélangé les pages où se mêlent, dans le désordre, les étapes du processus créatif du spectacle et l’évolution de l’Histoire qui secoue le Brésil à partir de l’élection de Jair Bolsonaro en 2019. 23 fragments devenus 36 dans la version actuelle et dont on gage qu’ils ne cesseront d’évoluer au fil du temps, qui portent un numéro et une date dans un parcours en zigzag.

Un spectacle profondément ancré dans la réalité brésilienne

À l’origine du spectacle on trouve la résidence de Maroussia Diaz Verbèke au Brésil à l’invitation du collectif Instrumento de Ver en 2018. Son prolongement est interrompu par l’élection de Bolsonaro, qui sonne le glas, entre autres, du travail des institutions culturelles et marque la régression générale du pays. La situation politique se trouve au cœur des discussions et la création devient acte de résistance. Le matériau engrangé porte la marque de cet engagement qui mêle pratique artistique et réflexion politique et le spectacle fera une large place aux éléments constitutifs de l’histoire du Brésil telle la Constitution de 1988, « citoyenne », élaborée dans un esprit de démocratie, de liberté et de garantie des droits fondamentaux à l’issue de vingt et un ans de dictature militaire. Elle apparaît dans le spectacle, exhibée puis foulée aux pieds dans l’évocation de la récente période noire du Brésil, avant d’être à nouveau fièrement brandie par les acrobates-danseurs.

Danser sur la catastrophe

Dans leurs habits de lumière aux couleurs de ciel et d’eau, les six artistes présents sur scène nous parlent de la fête nécessaire et du carnaval qui annihile la distance entre les individus. Ils abordent, dans les ondulations de leur corps, le pouvoir libérateur de la danse, rappelant les liens entre les danses populaires du Nordeste, le passinho carioca (entendez « de Rio »), les danses afro-brésilienne, afro-house, vogue ou break, qu’ils conjuguent avec des déplacements circassiens très maîtrisés entre des objets installés sur la piste, une énergie régénérante et un plaisir qui gagne le public. Du côté de l’acrobatie, au sol ou dans les airs, c’est essentiellement autour du verre que se construisent les numéros : verre brisé sur lequel se déplace l’artiste comme pour dominer la catastrophe, équilibres périlleux sur des bouteilles sur lesquels les acrobates grimpent ou sur lesquels ils roulent comme pour conjurer de possibles nuits de cristal. Et si cafards il y a, on les écrase au sens propre comme au figuré.

L’amour et la liberté pour leitmotivs

Musique, magie et folie viennent contrebalancer un commentaire ironique sur la devise du Brésil affichée sur le drapeau, « Ordre et progrès », et empruntée à Auguste Comte. Les appels à la liberté, à la paix mondiale voisinent avec la lutte pour la préservation de la forêt amazonienne tandis que s’inscrit le mot « amour » et que le spectacle déroule de cocasses versions circassiennes du baiser – dument numérotées et datées comme autant de variations – où ballons couinants ou claquants, ou autres objets insolites accompagnent les rapprochements. À la fois journal de création, catalogue de ratages, d’éléments en gestation, vivants dans leur inaboutissement assumé ou dans leurs multiples formes, porteur d’exaltations qui subliment la victoire remportée sur la difficulté, le spectacle, dans son désordre revendiqué, son chaos organisé, dégage une joie de vivre et un optimisme résolu en dépit des catastrophes qu’il énonce. Une manière éminemment sympathique et communicative de conjurer le mal et d’installer une atmosphère de partage et d’amitié.

23 36 fragments de ces derniers jours

S Circographie (néologisme de Maroussia Diaz Verbèke, datant de 2015, en open source. N.f. désignant l’écriture spécifique / la mise en scène d’un spectacle de cirque, qui veut aussi dire « soyons fous » en lituanien, mais c’est un hasard) Maroussia Diaz Verbèke S Assistante à la circographie Élodie Royer S Interprètes créateurs Lucas Cabral Maciel, Julia Henning, Beatrice Martins, Maíra Moraes, Marco Motta et André Oliveira Db S Régie générale Thomas Roussel S Conception technologique Bruno Trachsler S Création lumière Diego Bresani et Bruno Trachsler S Recherche musicale Loic Diaz Ronda et Cícero Fraga S Recherche scénographie Charlotte Masami Lavault S Technique costumes Emma Assaud Chargé de production Marc Délhiat Chargé de production et de diffusion Otto Production S Production & conception LE TROISIÈME CIRQUE (France) avec INSTRUMENTO DE VER (Brésil) S Coproductions & partenaires en résidence Plateforme 2 pôles cirque en Normandie / La Brèche à Cherbourg et le Cirque-Théâtre d’Elbeuf ; Théâtre des deux rives / CDN de Normandie – Rouen ; Le Tandem – Scène nationale Arras I Douai ; L’Agora – Pôle national cirque Boulazac Aquitaine ; CIRCa – Pôle national Cirque, Auch, Nouvelle Occitanie ; Le Monfort Théâtre – Paris ; Théâtre Cinéma de Choisy-le-Roi – Scène conventionnée d’intérêt national Art et création pour la diversité linguistique ; Théâtre + Cinéma – Scène nationale Grand Narbonne ; Archaos – Pôle national Cirque Méditerranée ; Le Sirque - Pôle national Cirque de Nexon Nouvelle Aquitaine ; Points communs – Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise / Val d’Oise ; Théâtre des Quatre Saisons – Scène conventionnée d’intérêt national Art et création – Gradigan ; Le Prato – Pôle national Cirque de Lille ; Espaces Pluriels – Scène conventionnée Danse Pau S Soutiens Ministère de la Culture et de la Communication (France) / DGCA aide à la création nationale cirque ; SPEDIDAM ; Institut Français à Paris ; Ambassade de France au Brésil ; Cirque Joie Audace Aventure S La Cie Le Troisième Cirque est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication / Drac Ile-de-France S À partir de 8 ans S Durée 1h35

CALENDRIER

08.02 – 18.02.2023 Le Monfort Théâtre, 106, rue Brancion, 75015 Paris www.lemonfort.fr
02.03.2023 Cirque Jules Verne, Amiens
03.06 – 21.06.2023 CoOP, Maison des Métallos, Paris 
13 au 17.12.2023 Le Monfort Théâtre