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Arts-chipels.fr

Pater. Sur un air d’obéissance ou pas.

© Dylan Piase

© Dylan Piase

Peut-on projeter l’histoire biblique au XXIe siècle pour éclairer la difficulté des modèles familiaux aujourd’hui ? C’est le pari que prend Guillaume Buffard à partir du sacrifice d’Abraham et du contexte familial dans lequel il se situe.

L’histoire biblique mérite d’être rappelée. Abraham était marié à Sarah dont il ne parvenait pas à avoir de descendance. Elle lui propose d’engrosser sa servante égyptienne Agar avant de s’en prendre à la servante qui s’enfuit. Entretemps, Agar a donné naissance à Ismaël. Rejeté par son père, l’enfant est abandonné dans le désert. C’est à pas moins de 75 ans qu’Abraham (ou Abram), descendant de Sem, fils de Noé, trouve la vocation. Dieu lui annonce que sa descendance peuplera le pays de Canaan. Et, effectivement, Sarah donne naissance à Isaac. Abraham, qui a désormais cent ans, doit être un bon disciple et faire ce qu’on lui dit. Aussi, quand Dieu lui demande de sacrifier Isaac, il s’exécute, ou plutôt décide d’exécuter son fils. Un ange suspend le geste du père et substitue un bélier à la victime.

© Dylan Piase

© Dylan Piase

Une situation moderne

C’est à un jeu de transpositions que se livre Guillaume Buffard. Ismaël, qui a survécu dans le désert, revient pour régler ses comptes. Une histoire souvent racontée lorsque le fils naturel fait irruption dans une famille pour connaître sa demi-parentèle et se faire connaître d’elle. Abraham, protégé par Isaac, est mourant. Dans les positions respectives des deux demi-frères par rapport à leur père, on retrouve une question posée par la Bible – texte fondateur des trois religions du Livre – dès l’origine : obéissance et soumission aux ordres donnés par Dieu ou révolte contre l’interdit ? Adam et Ève, Caïn et Abel passent par là et les deux frères n’échappent pas à la problématique de la transgression de l’autorité. Isaac, porteur de l’héritage d’Abraham, a repris les valeurs de son père. Ismaël, face à lui, est le rebelle, le révolté, le guerrier qui fonce dans le tas. Et la pièce, entre les deux frères, entre les deux attitudes, réinvente une autre fin.

© Dylan Piase

© Dylan Piase

Dans le croisement passé-présent

Cette mise en question de l’obéissance à la tradition et de l'affirmation nécessaire d'un libre-arbitre passe par la mise en place d'un espace multiple. Si l’avant-plan met en lumière la relation des deux frères au moment présent et la volonté d’Ismaël de trouver sa place dans une histoire dont on l’avait exclu, si les comédiens mènent leur dialogue en s’adressant directement au public, un autre niveau fait apparaître l’histoire ancienne. Manipulés à vue, en transparence, des figurines de playmobil occupent alors l’écran qui forme le fond de scène. Devenus personnages du passé, ils racontent l’histoire ancienne qui fonde l’arrière-plan de la situation contemporaine présentée, introduisant un intéressant parallèle entre hier et aujourd’hui.

Menée sur le ton de la légèreté et de l’humour, cette mise en perspective de notre rapport à l’héritage que nous lèguent nos parents, à notre éducation, à notre passé, et de la relation d’obéissance et de soumission ou de révolte que nous entretenons avec elle, pour autant qu’elle n’est ni nouvelle ni révolutionnaire, trouve ici, dans cette évocation « biblique » traitée sur le mode burlesque, un écho très actuel dans les dérives fanatiques, mais pas seulement, que nous rencontrons aujourd’hui.

(détail) © Dylan Piase

(détail) © Dylan Piase

6, 7, 11, 12, 13, 14 janvier 2023 Le Monfort Théâtre, 106 rue Brancion Paris (75015) www.lemonfort.fr

17 janvier 2023 Transversales, scène conventionnée Cirque, Verdun (55)

14 avril 2023 Théâtre dans les Vignes, Couffoulens (11)

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