10 Janvier 2023
Cinq soldats se trouvaient un jour abandonnés sur une plage en bordure de la jungle. L’un d’entre eux disparut. Il n’en resta que quatre… Et le jeu continua…
La mer bat le lieu indistinct où se tiennent ces cinq soldats aux visages sales et fatigués. L’un joue négligemment avec un couteau, les autres se cherchent une contenance. Ils attendent on ne sait quoi. D’ailleurs, ils ne sont pas sûrs que quelque chose arrive, que quelqu’un vienne. Il y a ceux qui y croient, ceux qui feignent d’y croire et ceux qui savent que non mais qui font comme si. Ils sont échoués sur ce bord de mer, à la limite d’une jungle hostile où se cachent des ennemis. Est-ce au Vietnam ou ailleurs ? Ou ce lieu ne représente-t-il simplement que l’espace mental de leurs névroses individuelles ? En tout cas, dans ce no man’s land, ils sont face à eux-mêmes, sans filtre et sans nécessité de paraître.
Une galerie de portraits comme un raccourci de société
Ils forment un assemblage hétéroclite de personnages. Il y a le jeune bleu, le petit qui porte le statut de victime désignée. Il y a l’homosexuel, plongé dans un monde d’hommes et de virilité triomphante et son pendant machiste qui se voit en gardien de la société et de ses valeurs. Il y a aussi le déprimé et l’intellectuel qui supporte mal la situation contre nature qui leur est faite. Bref une collection d’individus que l’isolement et la solitude contrainte vont pousser dans leurs retranchements, au-delà du vernis social de la « normalité ».
Un coup de dés abolit-il le hasard ?
On comprend par la suite que le choix de ce groupe de soldats résulte d’un coup de dés. Mais à quoi ressemble le hasard mis en branle par le dé ? Entre Mallarmé – « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard » et Einstein – « Dieu ne joue pas aux dés » – la dialectique entre hasard et nécessité joue à plein. Car s’il reste sur scène un objet, c’est bien le dé, qui va décider du sort de chacun. Dieu fait-il mentir Einstein ? Ce qui arrive n’est-il que la part du hasard ? Et le rassemblement de ces cinq hommes qui forment une microscopique mais représentative portion d’humanité n’est-il que fortuit ? Si la pièce n’apporte pas de réponse, elle pose la question de la survivance. Dans le jeu de massacre qui voit les soldats disparaître l’un après l’autre, qui sera le dernier ? Nul doute que la part du doute dans la détermination de celui qui reste y occupera la plus large part…
Les Oubliés
S Texte et mise en scène Jean-Céline Borel S Avec Nicolas Nasciet (N), Romain Pichon (L), Thomas Perriau-Bébon (M), Clémence Barbey (W), Clément Durécu (R) S Production Compagnie La Cavalcade Durée 1h20
Du 8 au 31 janvier 2023, du dimanche au mardi à 21h
Théâtre Les Déchargeurs – 3, rue des Déchargeurs, 75001 Paris – www.lesdechargeurs.fr