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Arts-chipels.fr

Nos Jardins - Histoire(s) de France #2. Les quatre saisons de la résistance

© Géraldine Aresteanu

© Géraldine Aresteanu

Amine Adjina poursuit sa relecture version ado de l’histoire de France en l’infléchissant, au travers des menaces qui pèsent sur un jardin ouvrier, vers un thème aujourd’hui majeur : l’écologie.

Ils sont trois « ados » à occuper l’espace bi-frontal situé entre les quelques rangs de spectateurs disposés de part et d’autre, au même niveau que la scène. Deux filles et un garçon. Une formule plus « intimiste » que pour le précédent spectacle, qui revendique la proximité avec le public dans un dispositif léger permettant de jouer dans de nombreux endroits, notamment dans des lycées. Un rapprochement qui fonctionne comme un effet de miroir entre les spectateurs et les actrices et acteur tout juste sortis de leur école de théâtre et dont ce sont les premiers pas professionnels.

De double en double

Comme dans le précédent spectacle, la pièce croise une situation d’aujourd’hui avec des références à l’histoire de France. Mais au lieu de rechercher comment évoquer, en classe, l’histoire de France, c’est du thème des jardins partagés, de ces terrains communaux mis à disposition de particuliers et de familles qui les cultivent, que part l’intrigue, qui convoque au fil de son développement quelques références à l’histoire de France. Ces jardins « ouvriers », comme on les nomme communément offrent, à leur tour, une double opportunité : une première, écologique, liée à l’importance du rapport à la nature, à la terre ; la seconde, sociale, qui met en jeu le partage, l’entraide, l’échange auxquels donne lieu le simple fait de cultiver, entre voisins.

© Géraldine Aresteanu

© Géraldine Aresteanu

Trois personnages emblématiques

Mélisande, survêt’, baskets et mains dans les poches, n’a pas l’allure tendre. Raide, un brin agressive, elle n’a pas sa langue dans sa poche. Elle parle de son père, séché comme un vieux champignon, qui ne sort plus de chez lui depuis qu’on lui a récupéré le lopin de terre où il passait ses journées et que les pelleteuses ont rasé sa cabane de jardin pour laisser la place au « progrès » : un centre commercial qui doit venir occuper l’espace de ces jardins ouvriers. Avec l’aide de Manon, dont la mère, méthode Femen, s’est plantée seins nus devant la mairie pour protester contre le projet, elles organisent la lutte. Elles auront à convaincre Gauthier, un peu fashion victime, qui trouve plutôt cool, « moderne » d’avoir ce fleuron étincelant de la société de consommation à portée de main, de pouvoir lécher les vitrines jusqu’à ne plus avoir de salive.

Convoquer l’histoire de France

En suivant le cours d’une année scolaire, où les saisons rythment les découvertes mutuelles et l’organisation du combat à mener, ils explorent le thème du jardin dans l’histoire et sa référence immédiate, celle du Roi Soleil et des jardins à la française. Des allées tirées au cordeau, des plantes alignées sans un brin d’herbe qui dépasse, des bosquets rigoureusement organisés, l’ordre sans anicroche comme le symbole d’un pouvoir qui ne tolère aucun débordement, aucun écart de pensée. Face aux paysans écrasés d’impôts et aux Camisards dont on piétine les croyances, le jardin ouvrier est un espace de liberté. Il est l’horizontalité opposée à la verticalité du pouvoir, et un espace de partage. La Commune des fauchés, des déclassés, et l’appel à la résistance, la Sociale, avec une union des femmes contre l’exploitation de leur travail, avec l’école laïque, gratuite et obligatoire, l’art et la culture pour tous, l’égalité salariale et tous leurs prolongements et les répressions sanglantes qui traversent l’Histoire

© Géraldine Aresteanu

© Géraldine Aresteanu

La réalité du combat

Leur combat, ils le mènent pour conserver le peu qu’ils ont et qu’on voudrait leur ôter, mais aussi pour garder leur identité, le souvenir, pour leurs parents, de la terre qu’ils ont quittée, et pour eux, la cabane de jardin où on se cache et les courses à travers les allées. Leur « guerre », ils vont la mener en cherchant à se faire entendre. Travestissements – quand on se bat pour conserver la Terre, qu’est-ce qui est le plus adapté ? –, manifestations et slogans chocs – « On veut des seins et des aubergines, pas lécher les vitrines » ou « Des potirons, pas du béton » –, rameutages de l’opinion, passage par le rap pour exprimer le mépris des technocrates et la violence qui leur est faite, la mise à mort de leurs aspirations. On ajoute une pincée de revendication féminine à l’ensemble et on mélange le tout dans un pot-pourri éminemment sympathique et auquel on ne peut que souscrire. Cependant, à trop vouloir en dire, ne risque-t-on pas de créer un labyrinthe alors qu’Ariane n’a pas encore déroulé son fil ? Le contenu aurait sans doute mérité un petit recentrage… Mais sa touffeur, sa richesse, sa générosité et son enthousiasme, servis par une belle écriture, sont communicatifs dans leur affirmation que nous avons encore pouvoir sur notre propre vie et qu’il est possible de la changer.

© Géraldine Aresteanu

© Géraldine Aresteanu

Nos Jardins - Histoire(s) de France #2

S Texte Amine Adjina S Mise en scène Amine Adjina & Émilie Prévosteau S Avec Mélisande Dorvault, Manon Hugny et Gauthier Wahl S Création sonore Fabien Aléa Nicol S Régie générale et Azéline Cornut S Scénographie Cécile Trémolières S Costumes Majan Pochard S Production Compagnie du Double S Coproductions Scène nationale de l'Essonne, Agora-Desnos / Le Théâtre d'Angoulême, scène nationale / La Halle aux Grains, scène nationale de Blois / Malakoff scène nationale, Le Théâtre 71 / FACM – PIVO - Scène conventionnée art en territoire / Le Grand R, scène nationale de La Roche-sur-Yon / Le Trident, scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin / La Passerelle, scène nationale de Gap et des Alpes du Sud / Le Gallia Théâtre, scène conventionnée d'intérêt national - art et création de Saintes / L'Atelier à Spectacle, scène conventionnée d'intérêt national art et création de l'Agglo du Pays de Dreux

Avec le soutien de la Scène nationale d'Aubusson (23), du Théâtre au Fil de l'Eau, Pantin (93) et du Fonds d'insertion pour Jeunes comédiens de l'ESAD-PSPBB S Depuis janvier 2018, Amine Adjina et Émilie Prévosteau sont artistes associés au projet de la Scène nationale de l'Essonne, Agora-Desnos et depuis 2020, artistes associés de la Halle aux Grains, scène nationale de Blois et artistes complices de la scène nationale d'Angoulême S La Compagnie du Double fait partie de la fabrique pluridisciplinaire CAP Étoile financée par la Région Île-de-France, le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, et la ville de Montreuil. Elle est membre du 108, lieu collectif d'expérimentation artistique et culturel financé par la Ville d'Orléans, la Région Centre-Val de Loire, le Ministère de la Culture et la préfecture du Loiret S Depuis 2019, la Compagnie du Double est conventionnée avec la Région Centre-Val de Loire et avec la DRAC Centre-Val de Loire depuis 2021 S Création décembre 2022 au Grand R, La Roche-sur-Yon S Durée prévisionnelle 1h S À partir de 15 ans

TOURNÉE

Du 9 au 21 juillet 2024 à 11h45 Au 11·Avignon (Espace Mistral)

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