18 Décembre 2022
Les premières notes du ballet de Tchaïkovski retentissent et le rideau s’ouvre… ON peut donc s’imaginer que la trame du ballet aura à voir avec ce monument de la danse classique… Pas vraiment longtemps …
Un très beau tableau apparaît. Des crinolines blanches, danseuses et danseurs, tous à la même enseigne, commencent à bouger. Décor rouge. On est bien dans le conte de fée... Il était une fois. On y croit, on y est … Les costumes sont magnifiques. Ces crinolines blanches qui froufroutent sont l’image même du romantisme. Et puis un geste, un mouvement et lentement le propos se décale. Lentement, on s’interroge sur le sens de cette histoire, sur la narration elle- même. Comment raconter une telle histoire aujourd’hui même ancrée sur le monument qu’est la partition musicale de Tchaïkovski ? C’est un pari incroyable que Marcos Morau a relevé magnifiquement.
Ainsi, on assiste à une lente montée paroxystique, une incroyable cavalcade dramatique. On est dans un monde onirique, où rien n’a vraiment de sens sauf cette irrémédiable course folle. Et cette course folle, est-ce le cauchemar d’Aurore ? Ou celui du Prince ? ou le nôtre ? Au final c’est peut-être tout simplement le cauchemar de notre génération. C’est la fin du romantisme qui annonce des temps plus difficiles. C’est la fin du conte de fée pour un principe de réalité. La modernité contemporaine déconstruit les apparences pour mettre à nu les réalités quelles qu’elles soient. C’est un peu le résumé de l’image qui me reste une fois le rideau tombé. Et tout le talent de Marcos Morau est de nous faire vibrer intensément tout le long de cette incroyable déconstruction avec un sens aigu de la dramaturgie et du suspens.
Ce ballet, avec l’écriture très particulière du Chorégraphe Marcos Moreau nous interroge profondément sur notre temps et sur la représentation du monde que nous en avons. Marcos Morau, revendique dans son œuvre une « torsion » de la réalité à la mesure de l’hypnotique. Et on expérimente complètement dans cette œuvre sa vision de la chorégraphie moderne. Il travaille avec une minutie « d’horloger » le geste et le mouvement du corps et des corps. Sa gestuelle, très particulière cambrée, crochue dans les mains et des mouvements entiers du corps, avec des renversements sont caractéristiques et sa marque. Cette originalité dans son approche chorégraphique participe aussi à cette singularité qui le caractérise.
Marcos Morau, le chorégraphe espagnol qui a fondé en 2005 la compagnie La Veronal est né à Valence en 1982. IL a étudié la chorégraphie mais il est également photographe et détient également un diplôme de maitrise en Théâtre. Avec sa compagnie Veronal, qui regroupe des artistes interdisciplinaires très divers, il explore la représentation et les structures narratives. Marcos Morau a travaillé en parallèle également, en tant qu'artiste invité pour diverses compagnies dans les théâtres du monde entier où il a développé de nouvelles créations, toujours à mi-chemin entre le théâtre et la danse : Göteborgs Operans Danskompani, Ballet du Rhin, Royal Danish Ballet, Scapino Ballet Rotterdam, Carte Blanche, Ballet de Lorraine, Compañía Nacional de Danza et le Tanz Luzerner Theater, entre autres .
Marcos Morau est également enseignant. Il donne des cours et anime des ateliers sur les processus de création et les nouvelles dramaturgies dans les conservatoires et les universités : Institut del Teatre, l'Université des Arts de Strasbourg et la Sorbonne Nouvelle à Paris.
Avec cette nouvelle création, magnifique, hypnotique, envoutante et même dérangeante Marcos Morau nous entraine dans un univers onirique et dramatique où la magie des apparences cachent bien des désillusions. Avec un sens du suspens incroyable il nous garde en haleine tout le long de cette course folle. Un très beau moment chorégraphique.
Distribution
Chorégraphie et lumières : Marcos Morau
Assistants chorégraphiques : Ariadna Montfort, Shay Partush, Marina Rodriguez
Collaborateur lumières : Mathieu Cabanes
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski, Juan Cristobal Saavedra
Scénographie : Max Glaenzel
Costumes : Silvia Delagneau
Dramaturgie : Roberto Fratini
Conception sonore : Juan Cristóbal Saavedra
Interprètes : Ballet de l’Opéra de Lyon