24 Décembre 2022
Ce cocktail chorégraphique traverse plus d'un demi-siècle de danse populaire dans un paysage de poncifs inspirés du film noir américain, empreint de rythme et de chorégraphies acrobatiques et déjantées.
Au plus noir de la nuit, l’alcool est roi. Des bouteilles qui pendent des cintres, chichement éclairées dans ce monde où la pénombre est la règle, forment le seul décor d’un no man’s land où errent, désœuvrés et avinés quelques personnages interlopes. Fausse moumoute, imper et chapeaux mous habillent ces hommes à la démarche chaloupée qui cherchent la bagarre, la battle toute en coups de poings et en bouteilles cassées. On s’observe, on se tourne autour avant l’affrontement, aussi soudain que violent.
Une traversée dansée de la musique afro-américaine
Betty Boop, Miles Davis et James Brown sont de la partie dans un mix qui part des années 1920 et de la prohibition. Le lindy hop, né à New York en plein Harlem Renaissance, un moment d’effervescence politique et culturelle pour la communauté noire, emprunte les voies d’un swing arrondi, proche du boogie-woogie, qu’on considère comme l’ancêtre du rock. L’agitation corporelle du swing lui fait aussi attribuer le nom imagé de jitterbug, une expression populaire américaine qui décrit les alcooliques souffrant de delirium tremens. Musique et danse se radicalisent et dans les années 1970 et 1980, la house dance promène son underground dans les discothèques et les boîtes de nuit, tandis que la breakdance accentue la saccade des mouvements du corps, développe un aspect acrobatique et des figures au sol. La musique freestyle, qui se développe dans la communauté latino new-yorkaise, fait fusionner les percussions syncopées et l’instrumentation synthétique dans lesquelles puisera le hip-hop et, derrière lui, le gangsta rap, surgi à la fin des années 1980 en Californie, sur la côte Ouest des États-Unis. Rap hardcore, le gangsta (de « gangster ») a pour thèmes fondateurs l’argent et la réussite, les femmes, la drogue et de manière générale, toutes les activités illicites.
Betty Boop chez les gros durs
C'est à cette traversée que le spectacle nous convie. Mais le paysage musical de ces années ne serait pas complet si n’y apparaissait, point de passage obligé, la femme fatale. Robe pailletée et fendue, cette Betty Boop chez les loulous chante et danse. Elle attire tous ces hommes qui tournent autour d’elle comme de la ferraille captée par un aimant, et qui font la roue pour se faire remarquer. Pour la séduire, ils étalent tous leurs atouts, se lancent dans une danse acrobatique, les jambes en l’air en équilibre sur une main ou jouent de leur virilité ou de la souplesse de leurs mouvements. Les parties du corps se dissocient, les motifs serpentins alternent avec les ruptures de la break dance. À la fois proie convoitée et maîtresse du jeu, provocante et objet de désir, la femme les laisse venir avant de les repousser et de passer à un autre. La mise en scène, quant à elle, joue le poncif.
Des danseurs entre équilibre et déséquilibre
Les danseurs flirtent avec les limites de la stabilité et des possibilités du corps, repoussant le plus loin qu’ils peuvent leur aventure corporelle. Chacun dans son registre développe son parcours chorégraphique et l’enrichit. Les corps se jettent, le groupe les manipule. Les numéros se succèdent. Si le spectacle démarre un peu lentement, le rythme s’accélère au fil du temps et le niveau de difficulté augmente. Dans ce speakeasy où se déroule, dans une atmosphère électrique, un demi-siècle d’histoire musicale, où l’on passe d’un charleston endiablé à un hip-hop déjanté, la mise en scène mélange les registres. Lorsque les personnages apparaissent en ombres chinoises, on se remémore les génériques de James Bond. Les références cinématographiques abondent et on revit, dans une forme stylisée, les querelles au couteau du Bronx. La chorégraphie se complexifie à mesure que le temps avance et le public se laisse prendre au jeu. Comme un consommateur attablé à l’une des tables du speakeasy, il finit par battre la mesure et fredonner en rythme avec la musique.
Dance N’Speak Easy
S Chorégraphie Njagui Hagbe S Mise en scène Philippe Lafeuille S Lumières Dominique Mabileau assistée de Floriane Malinski S Scénographie Dominique Mabileau assistée de Eric Proust S Costumes Noémie Naftaway S Interprètes Ibrahim Njoya, Martin Thaï, Mamé Diarra, Arthur Grandjean, Marcel Ndjeng, Jessie Perot S Production Compagnie Wanted Posse S Coproduction Châteauvallon - Scène Nationale, Centre Chorégraphique National de La Rochelle, Cie Accrorap/ Direction Kader Attou, La Place – Centre culturel Hip Hop, Espace Michel Simon – Noisy Le Grand. S Partenaires Département de la Seine-Saint-Denis, Mairie de Paris, Conseil Régional d’Ile De France, Spedidam S Chargée de production Juliette Franz S Diffusion Quartier libre S Durée 1h
Du 14 décembre 2022 au 15 janvier 2023, mer.-sam. 19h, dim. 18h (relâches 17 & 25 déc.)
Théâtre libre - 4, boulevard de Strasbourg – 75010 Paris
Rés. 01 42 38 97 14 & billetterie@le-theatrelibre.fr
TOURNÉE
17 & 18 février 2023 - Materia Prima (Cracovie, Pologne)
17 mars 2023 - Centre culturel Saint Ayoul, Provins (77)
24 mars 2023 - Théâtre Millandy, Luçon (85)
7 avril 2023 - Théâtre municipal, Fontainebleau (77)
14 avril 2023 - L’Orangerie, Roissy en France (95)