14 Décembre 2022
Ahmed Mahdani poursuit son interrogation sur le destin de la jeunesse des quartiers populaires à travers l’aventure d’Anissa, enfant non voulue d’un père qui a refusé de la connaître. Un spectacle émouvant qui entraîne chacun à un retour sur soi.
Sur la scène, une cuisine est installée, avec son four, ses plans de travail, son évier, ses ustensiles. Dans les saladiers, farine et sucre sont disposés. Des œufs trônent sur le plan de travail. Celle qui parle se nomme Anissa. Son histoire, elle va la raconter en faisant ce qu’elle aime : de la pâtisserie. Les gâteaux au chocolat et les amandes caramélisées qu’elle réalisera seront pour le partage d’après-spectacle, pour l’être-ensemble.
Une histoire hors du commun
Son histoire est d’abord celle de bien d’autres. Une mère qui se retrouve enceinte, accusée par son amant qui la plante là de lui avoir « fait un enfant dans le dos ». Un père inexistant qu’elle cherche désespérément à se figurer au travers des questions incessantes qu’elle pose à sa mère. Et puis il y a un bout de photographie volée dont on ne sait si elle est réellement celle du père. Enfin, un reportage de TF1 sur un Français installé au fin fond du New Hampshire aux États-Unis où il a ouvert une boulangerie-pâtisserie et pour lequel les habitants se mobilisent pour lui permettre de durer. Pour Anissa, elle ne peut l’expliquer mais il y a la certitude sans garantie qu’il s’agit bien de lui, et ce qui suit, le voyage proposé par Ahmed Madani pour le retrouver. Et trouver quoi au bout ?
Quête des autres, quête de soi
Ce pourrait être du théâtre documentaire ou presque. Le récit de la rencontre d’Ahmed Madani et d’Anissa au moment de la création de F(l)ammes où elle est l’une des figures choisies pour parler de celles qui n’ont généralement pas la parole, jeunes des banlieues, issues de l’immigration et femmes à la fois, puis celui de leur quête des origines de celle qui entretemps est devenue mère de cinq enfants – six avec son mari, dit-elle avec humour – mais n’a jamais perdu l’espoir de retrouver son père, de se confronter à cette image dans laquelle elle cherche l’endroit d’où elle vient, dans laquelle elle peut se reconnaître et se trouver tout à la fois.
Un acte artistique
Cette quête devient, par les vertus du théâtre, autre chose qu’elle-même. Lorsqu’Anissa cuisine devant nous, elle dirige en même temps ce que nous voyons en montrant par le biais de caméras, placées au-dessus du plan de travail qui projettent l’image captée sur un écran, ce qui est en train de se dérouler, une image qui vient doubler l’action en train de se faire, comme une image et son commentaire. Parallèlement, l’écran permettra de visualiser les images telles que l’arrivée dans la boutique du père. Accompagnée par Ahmed Madani, Anissa nous escorte là où tous deux veulent nous amener, dans un espace où il existe non pas une issue unique mais un champ de possibles dont ils demandent aux spectateurs d’imaginer les prolongements. Entre le vrai et le faux, la réalité et le théâtre, on chemine sur la frange incertaine où se développent l'imaginaire et le rêve.
Destins de tous les jours et d’exception
Avec beaucoup de simplicité, dans un langage proche de l’oralité, mais dans une oralité qui aurait été travaillée pour devenir matière à théâtre et à diction, en adresse directe au public, les deux protagonistes, mêlant humour et complicité chaleureuse, se renvoient la balle en même temps qu’ils nous la renvoient. Car au-delà de l’aventure attachante de cette jeune femme à la recherche d’un père qui ne cesse de dire « non » à son existence, le questionnement déborde sur ce qui est en chacun de nous et n’a cessé d’agiter l’espèce humaine : qui sommes-nous ? d’où venons-nous ? où allons-nous ? Des questions auxquelles nous ne sommes pas près de répondre…
Au non du père
S Texte et mise en scène Ahmed Madani S Avec Anissa et Ahmed Images vidéo Bastien Choquet S Environnement sonore Christophe Séchet S Construction, régie Damien Klein S Texte publié aux éditions Actes Sud-Papiers S Production Madani Compagnie S Coproductions et aides à la résidence Fontenay-en-Scènes / Ville de Fontenay-sous-Bois, Le Théâtre Brétigny, Scène conventionnée d’intérêt national art et création, L’Atelier à spectacle – Scène conventionnée de l’Agglo du Pays de Dreux pour l’accompagnement artistique / (Vernouillet – 28) S Coproductions Le Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique, La Scène nationale de l’Essonne, Agora- Desnos Aides à la résidence Théâtre Am Stram Gram – Genève (Suisse), La Minoterie – scène conventionnée Art, enfance, jeunesse – Dijon (21) S Soutiens Fondation E.C.Art-POMARET, Conseil Départemental de l’Essonne S Ahmed Madani est artiste associé au Théâtre Brétigny - Scène conventionnée Arts et Humanités, artiste associé à L’Atelier à Spectacle - Scène conventionnée d’intérêt national de l’Agglo du Pays de Dreux (Vernouillet - 28) et Compagnie en résidence à Fontenay-sous-Bois (Fontenay-en-Scènes). S Madani Compagnie est conventionnée par la Région Île-de-France, par le Ministère de la Culture – DRAC Île-de-France S Durée 1h45
TOURNÉE 2023
4-6 janvier – Nantes (44), le Grand T. 4 repr. scolaires
9-12 janvier – Les Ulis (91), Espace culturel Boris Vian. 4 repr. : 2 scolaires, 2 tt public
16-20 janvier – Cusset (03), Théâtre de Cusset. 4 repr. scolaires
14-17 février – Pontault-Combault (77), Les Passerelles. 5 repr. : 2 scolaires, 3 tt public
6-11 mars – Yverdon-les-Bains (Suisse), L’Echandole. 10 repr. : 8 scolaires, 2 tt public
30 mars-2 avril – Bruxelles (Belgique), Théâtre de Poche. 4 repr. tt public