16 Novembre 2022
Tout est dit dans ce titre à rallonge, comme un slogan, une revendication de fierté et de liberté malgré les conditions inhumaines de ces travailleurs Zoulous.
Ce spectacle, présenté, déjà en 2021 à Chaillot est inspiré par un souvenir d’enfance de Robyn Orlin. Elle se remémore les conducteurs de « pousse-pousse », de Durban qui rivalisaient d’originalité pour attirer l’attention et la clientèle. On les appelait rickshaws. Ces hommes, transformés en bêtes de somme, étaient toujours fiers et magnifiques. La chorégraphe leur rend un hommage festif et exubérant, aidée en cela par la compagnie Moving into Dance Mophatong l’une des premières compagnies de danse historiquement « mixte » d’Afrique du Sud, le tout entrainé par l’incroyable duo musical uKhoiKhoi dont il faut souligner la performance. Ils sont l’âme chantante de ce spectacle, avec une prestation musicale et vocale du début à la fin, percussion, guitare et chant. Ils accompagnent les danseurs avec toute la fougue et le talent de Anelisa Stuurman qui dès le début du spectacle interpelle le public et joue avec lui, le titille et le provoque. Elle est incroyable, à elle seule elle pourrait soulever des montagnes et faire bouger Chaillot le jour de la première c’était un beau challenge qu’elle a gagné !
Robyn Orlin utilise bien souvent la provocation et l’outrance pour témoigner de la violence sociale dans laquelle elle a grandi en Afrique du Sud. Cette création est plutôt virevoltante et exubérante, pleine de gaité et d’émotions à l’image de ce pays africain. Elle ne nie pas les violences de la colonisation, bien au contraire mais elle les aborde dans ce spectacle avec une posture plus apaisée, plus émotionnellement lyrique. On est dans un rituel, une cérémonie hommage, d’ailleurs on commence avec une cérémonie / culte aux ancêtres. On est dans une fête dynamique, un show coloré et enthousiaste.
Robyn Orlin dans cette pièce a peut-être cessé « d’être en colère » et joue beaucoup de son sens de l’humour pour aborder cette thématique dramatique de l’exploitation de ces hommes qui ont bien souvent perdu la vie trop tôt harassés et épuisés par leur fardeau.
Il faut également souligner la prestation des danseurs qui ne relâchent jamais leur rythme et dansent tour à tour au milieu du plateau en improvisant chacun un solo effréné. Chaque danseur crée un enchaînement particulier accompagné par le groupe des autres danseurs. C’est tonique, à l’image de la danse zoulou qui virevolte et saute sans cesse. C’est une chorégraphie qui allie et fusionne des éléments de la danse africaine et particulièrement zoulou et contemporaine. Danseurs, musicien et chanteuse revendiquent pleinement leur « africanité » et mettent en scène cette énergie viscérale qui les animent, associés et mélangés aux concepts de la danse contemporaines on assiste à une prestation incroyable.
A noter également, la vidéo de Eric Perroys qui est comme la musique et le chant une part importante du spectacle en créant des images en live. C’est un peu la colonne vertébrale visuelle du spectacle. La chorégraphie a intégré les contraintes VJ, avec une prise de vue, un détourage et l’assemblage en live. C’est décapant et inventif. Les danseurs intègrent leurs prestations autour de ces contraintes et cela crée une dynamique incroyable et complètement loufoque.
Robyn Orlin nous offre un spectacle bigarré, « colorfull », incroyablement « péchu » comme toujours.
Distribution :
Conception et chorégraphie : Robyn Orlin
Vidéo Eric Perroys
Costumes Birgit Neppl
Lumières Romain de Lagarde
Musique ukhoiKhoi, avec Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman
Avec Sunnyboy Motau, Oscar Buthelezi, Eugene Mashiane,
Lesego Dihemo, Sbusiso Gumede, Teboho Letele