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Arts-chipels.fr

Tutu. Dans la famille parodie, je voudrais « Danse classique ».

Tutu. Dans la famille parodie, je voudrais « Danse classique ».

C’est un rêve très communément convenu pour les petites filles de s’imaginer ballerines juchées sur pointes en tutu rose et vaporeux. Cela l’est moins quand il s’agit de grands gaillards au torse ostensiblement velu qui placent la drôlerie à la première place du rendez-vous.

Ils sont à plumes ou à volants, tortillant du croupion avec un bel ensemble en mesure ou poursuivant un rêve d’élévation sur pointes qui oscille entre une réussite confondante et des essais qui ne cessent de tourner court. Mais ce qui est sûr, c’est que les six garçons qui sont présents sur scène sont à leur affaire en matière de danse, et plus particulièrement de danse classique. Mais ici, point de sylphide évanescente égarée dans un paysage romantique, plutôt une série de numéros alternant solos, duos et figures de ballet, souvent contrariés, accidentés, avortés, dans un espace que sculpte la lumière, découpant un détail, jouant sur l’illusion.

Tutu. Dans la famille parodie, je voudrais « Danse classique ».

Des Chippendale de la danse

Ils se donnent à fond, ces jolis garçons qui font des mines et des clins d’œil, exhibant leur plastique parfaite et leur musculature sans défaut, qui roulent des mécaniques et font malicieusement saillir leurs abdos et jouer leurs biceps. Mais ce n’est pas au profit d’un strip-tease. Ils conjuguent figures parfaites et ratages magnifiques, détournant les codes de la danse classique dans une manière qui rappelle le traitement qu’Andy De Groat infligeait avec humour aux figures classiques, dans une oscillation entre fascination et détournement. Ainsi les sauts le plus haut possible, qui sont l’un des apanages masculins de la danse classique, apparaissent-ils immobilisés en hauteur dans l’espace par quelqu’un qui, dans l’ombre, maintient celui qui saute en suspension dans l’air. Travail sur pointes, grands écarts, entrechats et portés sont de la partie et les figures de ballet sont réalisées avec un bel ensemble même s’il s’agit d’agiter au nez des spectateurs des fessiers à poils longs et duveteux ou des queues de volatiles lancés dans un dandinement cocasse.

Tutu. Dans la famille parodie, je voudrais « Danse classique ».

Quand lumière et musique jouent un rôle actif

Au début du spectacle, un danseur apparaît, sur la pointe de ses pieds nus, vêtu d’un tutu minuscule. Mais voici que le tutu qu’il devrait porter émerge de l’obscurité et, doué de vie propre, le suit. Le danseur veut s’en saisir, l’autre s’échappe et entame avec lui un ballet du genre attrape-moi-si-tu-peux. Et quand l’interprète se résout à danser sans, le tutu se lance à sa suite pour créer avec lui des figures comme suspendues dans l’air que la lumière éclaire, masquant les manipulations. La musique n’est pas en reste. Alors qu’un déplacement se déroule tout en harmonie et en ronds-de-jambe sur la scène, sur la musique majestueuse d’une Partita de Bach, le bel équilibre est rompu quand la mélodie s’effondre, cassant le rythme et laissant place à plus trépidant, entraînant le délitement de la chorégraphie. Ailleurs, c'est le Beau Danube bleu qui se transforme en mambo ou autre rythme latino, laissant place au hiatus, avec son potentiel cocasse.

Tutu. Dans la famille parodie, je voudrais « Danse classique ».

Tous les garçons et les filles…

Le jeu permanent entre masculin et féminin, qui est constitutif du spectacle, a sa part dans le comique de situations que privilégie la chorégraphie. La mise en scène jongle ainsi avec une réversibilité des rôles. Si les danseurs sur la scène jouent à jouer hommes et ballerines, se poussant du postérieur pour prendre la vedette, c’est dans la confusion des genres – et leur perméabilité – qu’ils se lancent dans un tango où le rôle de l’homme et de la femme est joué tantôt par un danseur et tantôt par son partenaire sous le regard d’un fantôme qui les observe et les filme, armé d’une caméra. Ce loup, qui se glisse subrepticement, c’est un cygne noir qui évolue autour d’eux comme la figure maléfique du Lac des cygnes, le visage dissimulé sous le collant qui le recouvre. Un être androgyne, comme si la seule femme apparaissant dans le spectacle se devait d’être le pendant féminin des transformations auxquelles se livrent les hommes.

Tutu. Dans la famille parodie, je voudrais « Danse classique ».

Du divertissement avant toute chose

Tutu esquisse une traversée parcellaire de l’histoire du ballet. On croit voir passer, à un moment la rupture qu’opère le Sacre du printemps dans l’histoire de la danse, quand ce qu’on imagine renvoyer au cercle des paysannes qui tournent les pieds en dedans casse l’élévation classique dans des figures ancrées dans le sol et on peut imaginer, dans les silhouettes filiformes, aux longs cheveux et aux robes fluides qui se livrent à une chorégraphie chevelue qui vient remplacer les touffes fessières, une référence à Pina Bausch. Mais si elle est, l’esquisse reste parcellaire et le spectacle n’évite pas certaines longueurs et une impression de répétition des procédés de détournement qui en atténue l'effet. De fait, le propos ici est autre. Car le spectacle s’inscrit d’abord dans le registre du divertissement et vise de surcroît, au-delà de ce qui est montré, à la participation du public, sollicitée de manière croissante au fil de la représentation. D’abord invité à marquer la mesure en frappant dans ses mains, il est aussi , à la fin du spectacle, appelé à danser. De ce point de vue l’objectif est atteint et la salle, debout, lui fait un triomphe.

Tutu. Dans la famille parodie, je voudrais « Danse classique ».

Tutu

S Chorégraphie Philippe Lafeuille S Assistante du chorégraphe Flavie Hennion S Tutulogue Romain Compingt S Danseurs Marc Behra, David Guasgua M., Julien Mercier, Kamil Pawel Jasinski, Vincent Simon, Vincenzo Veneruso S Zentaï Corinne Barbara S Costumes Corinne Petitpierre assistée de Anne Tesson S Lumière Dominique Mabileau assistée de Guillaume Tesson S Son Antisten S Régisseur Général Vincent Butori S Régisseur Lumière Maureen Sizun Vom Dorp / Nicolas Bulteau S Régisseur Plateau Marion Pauvarel / Caroline Costenoble S Habilleuse Charline Mayet S Perruques Gwendoline Quiniou S Diffusion Quartier Libre S Administration La Feuille d’Automne Matthieu Salas S Production Xavier Morelle S Coproduction Quartier Libre / La Feuille d’Automne S Avec le soutien de Klap, Maison de la Danse à Marseille / Résidence de finalisation 2014 S Résidence de création L’Orange Bleue à Eaubonne, L’Apostrophe à Cergy Pontoise S Accueil Studio TPE scène conventionnée à Bezons, CND à Pantin S Durée 1h20

Du 27 avril au 9 juillet 2023

Le Théâtre libre - 4, boulevard de Strasbourg - 75010 Paris

Location 01 42 38 97 1billetterie@le-theatrelibre.fr et www.le-theatrelibre.fr

TOURNÉE

Du 17 novembre au 10 décembre 2023, du mercredi au dimanche à 19h. Théâtre Libre, 4 bd de Strasbourg, Paris

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