16 Novembre 2022
Lorsque deux acrobates se mettent en tête de nous faire réfléchir sur les risques qu’on prend et ceux qu’on vous fait prendre, cela donne un spectacle aussi drôle qu’époustouflant. Comme quoi le risque n’est pas seulement là où l’on pense et que sa prise peut aussi se faire dans la confiance et le plaisir si chacun y met du sien…
Matthieu Gay et Sydney Pin ont l’art d'instiller des pensées complexes de la manière la plus immédiate possible à travers leur pratique éminemment physique de l’acrobatie. Autant de bonnes raisons de se cultiver et de réfléchir que de se divertir. Et il faut dire qu’ici on s’amuse beaucoup avec peu – un tube, des tréteaux et des planches – et qu’on se cultive un peu avec beaucoup – d’acrobaties. Pas de tenues excentriques et colorées, pas de lumières à vous donner la chair de poule, pas de musique à faire monter la tension mais deux types qu’on pourrait croire comme vous et moi pour peu que vous portiez un jogging et que vous ayez l’allure « décontracte » d’un dimanche à la maison, quand on a remisé le costume trois-pièces – avec cravate – ou le tailleur bien-sous-tous rapports de la semaine. Dans un espace circulaire qui reconstitue l’atmosphère du cirque, avec la piste au milieu et les spectateurs autour, place à une leçon circasso-philosophique !
C’est qui qui prend des risques ?
Au menu de nos deux cuisiniers un peu spéciaux, un discours on ne peut plus sérieux sur le risque, celui qu’on prend et celui qu’on vous fait prendre et sur les raisons qui motivent la prise de risque. Façon clowns sans maquillage, ils débattent doctement mais avec humour de qui fait quoi. Il y a un tube, ou une perche, ou un mât, on l’appelle comme on veut, doté d’un support à angle droit qui permet de le coincer sur l’épaule. Et avec ça, on peut faire des « trucs ». Un qui porte, l’autre qui grimpe. Mais quand il est là-haut, il fait quoi, le grimpé ? Des « trucs », bien sûr, comme lâcher les mains, prendre la position du Penseur de Rodin, ou se servir de ses bras pour envoyer ses jambes dans l’espace. Et pourquoi on ne fait pas l’inverse, c’est toi qui grimpes et moi qui portes ? Et qui prend le plus de risque, celui qui porte, attentif en permanence à rectifier la position pour maintenir le tube, ou celui qui est porté, qui se met en danger de chuter ?
Le risque de prendre des risques
Entre commentaires et acrobaties, ils nous jouent les différentes facettes de la prise de risque. Il y a le lien qui associe ceux qui risquent et ceux qui l’ont provoqué et, dans une série de roulades complexes à corps entremêlés, la question de la confiance. Amortir, rectifier l’équilibre, sauter dans les bras, ça semble simple, mais quand on est là-haut, à plusieurs mètres de hauteur, est-ce la même chose ? Et si je tombe, plus de fric, plus de chauffage, la bronchite, les huissiers… donc, j’ai pris des risques parce que je te faisais confiance et je paie les pots cassés. La transposition est aisée à imaginer dans le rapport patron/salarié, dans le management politique, dans la spéculation capitaliste ou, a contrario, dans la prudence de la gestion bourgeoise. Et les risques ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Boire de l’eau dans une bouteille en plastique ou prendre l’autoroute, c’est pas aussi risqué, d’une certaine manière, que de grimper à sept mètres de haut ?
Ça passe ou ça casse ?
Mais il y a aussi la performance individuelle, le besoin qu’on ressent de faire reculer ses limites, de se prouver à soi-même qu’on peut, de retrouver cet élan romantique qui fait le sel de la vie. Se mettre en danger au risque de renoncer à une sécurité tranquille mais sans relief. Aller toujours plus loin, monter toujours plus haut, fût-ce sur des tréteaux qui s’empilent, étage après étage, sur des planches à la solidité incertaine, à la limite d’une rupture toujours possible. Une image de notre société et des challenges qu’elle nous propose avec ses sécurités illusoires. Et quand ça casse, ça peut faire mal si celui qui vous a fait prendre des risques ne partage pas la responsabilité avec vous.
Plaidoyer pour une responsabilité partagée
Ce que disent les acrobaties qui nous sont proposées, c’est que les risques que nous prenons engagent autant les autres que nous-mêmes et que la conscience de cette responsabilité mutuelle doit passer par un partage et un échange de compétences. Le principe de la bascule de la balance coréenne fournit un exemple éclairant. À côté de celui qui saute, il y a ceux qui portent le tapis pour amortir le choc, lui éviter les blessures, veiller à sa sécurité, et les rôles sont réversibles. Celui qui saute n’est pas toujours le même et celui qui reçoit non plus. Des réflexions s’élancent dans les airs et se reçoivent sur le tapis. Il y est question de solidarité et d’amour du prochain.
Dans cette mise à nu qui s’effectue au sens propre comme au figuré, on navigue entre performances authentiques et considérations affûtées sur ce qui fait la nature première des disciplines circassiennes et la fascination qu’elles exercent sur le public. Mais au-delà, le spectacle nous interroge sur ce que nous sommes et nous invite à ne pas renoncer à la part d’aventure qui sommeille en chacun. Dans un éclat de rire et tout en pirouettes…
De bonnes raisons
S Écriture et jeu Matthieu Gary et Sidney Pin (Compagnie La Volte-Cirque) S Création lumière, plateau et régie plateau Etienne Charles S Régie générale Julien Lefeuvre S Administration Valéria Vukadin S Regard extérieur Marc Vitteco S Production L’Avant Courrier - Elsa Lemoine S Diffusion L’Avant Courrier - Clémence Mugard S Coproductions ONYX, Scène conventionnée, Saint-Herblain (44), Grand R, Scène Nationale, La Roche-sur-Yon (85), Cité du cirque Marcel Marceau, Pôle Régional Cirque, Le Mans (72), Carré magique, Pôle National Cirque de Bretagne, Lannion (22), Plateforme cirque en Normandie, La Brèche à Cherbourg (50) & le Cirque-Théâtre d’Elbeuf (76), Plus Petit Cirque du Monde, Bagneux (92), DRAC Pays de la Loire, Région Pays de la Loire, Conseil Général de Loire Atlantique, Ville de Saint-Herblain, Ville de Nantes S Soutiens Services Territoriaux Éducatifs et d’Insertion, Rezé (44) - Maison de quartier Madeleine Champs de Mars, Nantes (44), Quai des Chaps, Nantes (44), Ville d’Indre (44), Ville de Couëron (44), Artémisia, La Gacilly (56), La Martofacture, Sixt-sur-Aff (35), MC2 Scène Nationale, Grenoble (38), Le Monfort Théatre, Paris (75), l’Essieu du Batut, Murols (12), Festival Les Débroussailleuses / Cirque du Docteur Paradi en partenariat avec l’espace Senghor au May-sur-Evre (49), Festival SITU, Veules-les-Roses (76) S À partir de 8 ans S Scolaire possible à partir de 12 ans S Durée 1h10
8 > 19 nov. 2022 à 19h30
Au Monfort – 106, rue Brancion, 75015 Paris (www.lemonfort.fr)
TOURNÉE 2022 / 2023
Plusieurs spectacles de la Volte-Cirque sont programmés dans les mois à venir.
♠ De bonnes raisons – Du 8 au 19 novembre 2022 à Paris XVe, Le Monfort.
♣ Faire un tour sur soi-même – 25 novembre 2022, festival littéraire Confluences, Montauban.
♠ De bonnes raisons – 1er et 2 décembre 2022 à Cusset (03).
♠ De bonnes raisons – Du 10 au 13 janvier 2023 au Grand R, La Roche-sur-Yon (85).
♠ De bonnes raisons – Du 22 au 24 février 2023 au Domaine d’O, Montpellier (34).
♠ De bonnes raisons – Du 18 au 24 mars 2023 au festival SPRING avec Rouen Métropole.
♣ Faire un tour sur soi-même – 25 mars 2023 à la maison de l’université, Rouen, festival SPRING
♣ Faire un tour sur soi-même – 28 mars 2023 à Val St-Père, festival SPRING
♣ Faire un tour sur soi-même –3-12 avril 2023 (à préciser) au, Grand R, La Roche-sur-Yon (85)
♣ Faire un tour sur soi-même – 14 avril 2023 à Conches-en-Ouche (27)
En mai 2023, avec FESTIVOLTE !, la compagnie sera installée à La maison des Métallos (75011) pour y jouer plusieurs de ses spectacles et inventer tout un programme !
♦ Visite guidée #3 – 10 juin 2023 à Fougères (35)