8 Septembre 2023
Entre douceur et violence, entre rockabilly, punk, new wave et heavy metal mâtinés de hip hop, Philippe Decouflé et l’équipe de musiciens et de danseurs rassemblés pour Stéréo offrent une composition bigarrée dont l’hybridation forme la définition même.
Ils viennent d’univers différents, les interprètes de cette Stéréo qui fait une large place à la musique et au chant, en plus de la danse. Ils apportent leurs expériences spécifiques, de l’acrobatie et du travail du clown, de la gymnastique acrobatique et du tae kwon do, de la danse classique et contemporaine et du hip hop. Leurs corps sont façonnés par leurs apprentissages, et Philippe Decouflé tire de la personnalité de chacun une matière à explorer en poussant, comme toujours, les corps à la limite extrême de leurs déséquilibres. Il fait de même avec les musiciens qui n’accompagnent pas seulement le spectacle mais en deviennent acteurs, intégrés dans le projet de la chorégraphie.
Le rock au cœur
Au centre de la chorégraphie, la musique rock, qui balance entre grands classiques et rock d’aujourd’hui, reprend Oh Darling des Beatles, qui figurait dans l’album Abbey Road en 1969 ou Mad World des Tears for Fears, paru en 1982 et repris en 2001 par Gary Jules et Michael Andrews. Elle mêle au choix des morceaux plus hard, plus syncopés, où Decouflé joue avec la déstructuration des corps à la manière d’un Valentin le Désossé oscillant entre désarticulation et retour à des formes qui rappellent le musical. Paul Williams, les Talking Heads, ou les Clash inspirent au chorégraphe cette envie de vitesse, de brillance et de virtuosité toute en dynamique et en énergie. Le cuir noir évoque immanquablement l'univers du rock et l'un des danseurs rappelle, dans sa gestuelle, la relation inimitable du King, Elvis Presley, avec son micro. Avec malice, Decouflé joue des codes et sollicite, comme dans un concert rock, la participation du public, prié de taper dans ses mains.
Un engagement physique décloisonné
Sur une base de trio musical, guitare, basse et batterie, Philippe Decouflé crée une danse mouvante, aux définitions fluctuantes, qui agrège des formes organiques, parfois heurtées, les élévations aériennes de la danse classique et la gestuelle vertigineuse de l’acrobatie. On chemine entre une panthère noire dont chaque déplacement fait saillir un muscle du corps, un mouvement du dos, du cou, des bras et des jambes, de lents enroulements des danseurs les uns avec les autres qui forment comme une vague qui se défait et se reforme sans cesse et des étirements, des portés et des sauts qui se cassent d’un coup pour laisser la place à un parcours volontairement déstructuré, tout en mouvements brusques, en élans arrêtés, en gestes qui semblent se défaire, et à des citations de hip hop. La frontière entre musique, danse et cirque disparaît. Les retournés acrobatiques s’associent au mouvement de la chorégraphie, les danseurs intègrent les musiciens dans leurs déplacements, ils chantent et parlent aussi, faisant disparaître les barrières entre les arts.
Un spectacle non exempt de facétie
Mêlant à loisir les références, le spectacle ne cesse de les tourner en dérision tout en les valorisant. La planche à roulettes est de sortie sur scène, les danseurs se tordent le pied, la remontée du temps fait défiler une bande sonore à l’envers, une danseuse montée sur pointes est stoppée dans son élan ascensionnel et ramenée prosaïquement au ras du sol, les ratés se répètent et créent un effet gag, les voix jouent en direct au ralentissement ou à l’accélération d’une bande magnétique devenue folle. Il y a quelque chose de la farce de potache dans la manière dont la performance – de haut niveau – se rit d’elle-même, dont les stéréotypes et les archétypes sont scrutés, cités et dénoncés dans le pied-de-nez que constitue le spectacle. Philippe Decouflé fait référence, parmi ses figures emblématiques, au personnage de Groucho Marx et aux dessins animés de Tex Avery. Ce n’est pas un hasard s’il fait feu de tout bois avec l’insolence mêlée de brio et d’excellence qu’on lui connaît. Et, même si ces fragments qui sont autant de propositions peuvent parfois sembler manquer d’une armature, d’un squelette, le décousu est assumé, revendiqué, partie intégrante de l’ADN d’une hybridation qui ne joue pas seulement le mélange des genres mais aussi leur coexistence, leurs heurts et leurs conflits.
Stéréo
S Mise en scène / Chorégraphie Philippe Decouflé S Assistante chorégraphique Alexandra Naudet S Interprètes Violette Wanty, Aurélien Oudot, Eléa Ha Minh Tay, Vladimir Duparc, Baptiste Allaert S Musicien·ne·s Arthur Satàn (guitare), Louise Decouflé (basse), Romain Boutin (batterie) S Lumière et régie générale Begoña Garcia Navas S Décor Jean Rabasse assisté d' Aurélia Michelin S Création costumes Philippe Guillotel assistéde François Blaizot, Charlotte Coffinet, Catherine Coustère, Jean Malo S Stylisme Sabine Siegwalt Régie lumière Grégory Vanheulle S Régie plateau Anatole Badiali, Léon Bony S Régie fils Pascal Mondaz S Construction décor Atelier Devineau S Accessoires Guillaume Troublé S Directeur délégué Frank Piquard S Directeur technique Lahlou Benamirouche S Chargée de production Julie Viala S Assistante de production Salomé Farge SRemerciements Flavien Bernezet, Aurélia Petit, Alice Roland, Olivier Simola S Production déléguée Compagnie DCA / Philippe Decouflé S Coproduction Festival Montpellier Danse 2022 ; Chaillot - Théâtre national de la Danse ; La Villette, Paris ; Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg ; Châteauvallon-Liberté, scène nationale ; Théâtre Sénart, Scène nationale ; Théâtre Gymnase des Bernardines, Marseille ; Maison de la Culture d'Amiens - Pôle européen de création et de production ; MA scène nationale - Pays de Montbéliard ; Créteil - Maison des Arts ; La Comète, Scène nationale de Châlons-en-Champagne S Stéréo a retenu de l'aide à la création de la Région Île-de-France SLa Compagnie DCA est une compagnie indépendante, subventionnée par le Ministère de la Culture (DRAC Île-de-France), la Région Île-de-France, le Département de la Seine-Saint-Denis ainsi que la Ville de Saint-Denis, où elle est projetée. Elle bénéficie également du soutien de la Caisse des Dépôts S Spectacle créé du 17 au 20 juin 2021 à Montpellier Danse S Durée 1h20
TOURNÉE saison 2023-2024
4 au 22 octobre 2023 La Villette, Paris. www.lavillette.com