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Arts-chipels.fr

Gradiva, celle qui marche - Une méthodique et magistrale décomposition, recomposition des mouvements du flamenco.

Gradiva, celle qui marche - Une méthodique et magistrale décomposition, recomposition des mouvements du flamenco.

Le spectacle commence avec l’artiste debout seule devant le parquet de danse, un micro à la main qui nous raconte sa rencontre avec Gradiva. Elle nous parle d’elle mais aussi de l’histoire « officielle » de cet archéologue qui tombe amoureux de cette sculpture, figure d’un bas-relief antique. L’artiste nous emmène petit à petit dans son propre cheminement et sa rencontre avec le flamenco et nous démontre rien que ça que la Gradiva est une danseuse de flamenco… Et elle se met à danser…

Cette deuxième partie du spectacle est magnifique. On assiste à une décomposition des postures et des mouvements en ombre chinoise, un peu comme les marionnettes indiennes, un peu comme les figures de bas-relief ou les personnages peints des poteries grecques. Elle danse lentement, prenant pose après pose avec des arrêts à chaque fois comme un film qui ne tournerait pas à la bonne vitesse, comme une marionnette désarticulée dont on aurait coupé les fils et qui peu à peu reprendrait sa liberté de mouvement.

Gradiva, celle qui marche - Une méthodique et magistrale décomposition, recomposition des mouvements du flamenco.

Et la lumière se rallume et Stéphanie Fuster laisse aller son instinct farouche et flamenco dans une prestation virtuose où seule ces pieds et ces mains font la musique et le rythme. S’ensuit également un dialogue guitare, chant et ses rythmes de pieds se répondant l’un, l’autre, pour nous offrir un récital incroyable de passes et de postures s’enchainant à un rythme hallucinant.

Par sa danse elle nous raconte sa vision du flamenco bien sûr, flamenco qui est toute sa vie, qui est le centre et la périphérie de son existence car non seulement elle le danse mais elle l’enseigne et elle soutient des projets autour et avec. Et en même temps, bien évidemment, elle se raconte, elle, et ses rapports au monde. Elle EST flamenco, elle vit flamenco.

La figure de Gradiva selon Roland Barthes est une figure de salut, d’issue heureuse, une Euménide donc une bienveillante mais c’est aussi et c’est là tout le paradoxe la figure d’une ancienne Erinye, déesse du harcèlement, puisque les Erinyes sont devenues Euménides, en devenant citoyennes d’Athènes. Ainsi, on peut imaginer cette ambivalence, aimer, désaimer, ce rapport passionné et contradictoire qu’elle entretient avec sa danse.

Gradiva, celle qui marche - Une méthodique et magistrale décomposition, recomposition des mouvements du flamenco.

Son leïmotiv est : je ne savais pas marcher donc j’ai dansé… Et j’ajouterai oui et pas n’importe quelle danse… Elle a dansé le flamenco.

Dans ce spectacle elle interroge, elle questionne, elle déconstruit et elle reconstruit savamment, méthodiquement ses rapports à cette danse et à elle-même. Comment exister, comment affirmer sa féminité, sa singularité dans une danse aussi chargée de stéréotype aussi assujettie à la projection des désirs masculins que le flamenco ? Comment créer et assumer sa modernité dans des figures si codifiées et statufiées ? C’est effectivement le challenge qu’elle relève avec toute son inventivité et sa créativité.

Petit regret, je ne parle pas espagnol et ainsi toute une partie de son discours m’a échappée et c’est dommage. Peut être envisager une traduction pour les non hispaniques ? Même écrite et distribuée avant le spectacle ce serait super.

Pour les amateurs de flamenco et les autres…

 

Distribution :

conception, chorégraphie et interprétation Stéphanie Fuster
mise en scène Fanny de Chaillé
assistant à la mise en scène Christophe Ives
collaboration artistique Clémence Coconnier
conseil danse Juan Carlos Lerida
musique José Sanchez (musiques additionnelles :S. Scodanibbio, da « Quattro pezzi spagnoli »: F. Sor : Studio op. 35 n°22, Quartetto Prometeo, ECM Records / Manolo Caracol : La Niña de Fuego / Niño de Elche et Jose Sanchez : Pas à pas - Strates)
direction technique et création lumière Arno Veyrat
régie générale et lumières David Løchen
régie son Stéphane Ley
construction décor Cyril Turpin

 

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