Tautologausseries. L’esprit de Luc Ferrari.

Pour fêter ses 40 ans, la Muse en circuit rend hommage à son fondateur, Luc Ferrari, en « réinventant » plusieurs œuvres du compositeur. Une histoire de nouvelles musiques décloisonnantes dans des gamelles déjà « culottées ».

Devenue Centre national de création musicale en 2006, la Muse en circuit, fondée par Luc Ferrari en 1982, se devait de souffler ses bougies en faisant revivre l’esprit de son créateur et en proposant un « parcours » Ferrari qui fasse revivre l’esprit du créateur. Il est en effet impossible, compte tenu de l’accentuation donnée par le compositeur à son œuvre, de parler de « composition » au sens classique du terme tant la part laissée à l’individualité des « réalisateurs » qui la mettent en pratique est grande. Lire les « partitions » de Luc Ferrari est un exercice fascinant tant l’accent qui y est mis semble ailleurs que dans la musique elle-même, se centrant sur le principe plutôt que sur une ossification du contenu. Tout au plus, un énoncé de grands « concepts » régit une musique dans laquelle la part de chacun trouve à s’exprimer et où l’environnement, le lieu, le temps, la société ont une large part.

Société, monologues et tautologues

L’inscription dans la société joue un rôle fondamental dans la démarche de Luc Ferrari, qui vise à sortir la musique du ghetto pour l’inscrire dans la vie. Pour le 40^e anniversaire, l'ouverture s’effectuera au rythme de l’affichage, sur les murs de la Muse, de thèmes marquants de notre époque tels que « Les réseaux sociaux sont-ils sociables ? », « Le monde peut-il être bio ? » ou « En quoi consiste la liberté sexuelle ? », tandis qu’un panneau donne la règle du jeu : répondre et poser des questions, même indiscrètes, et dire la vérité. Nous voici au cœur de Société VI, liberté, liberté chérie. Un espace volontairement dés-organisé de mots, de gestes, de faits de la vie. Suivront, dans la même veine d’une libération de tous les carcans, des pièces incluant tantôt la participation du public, tantôt une proposition musicale imaginée par l’équipe de la Muse. Des motifs répétitifs montés en boucle ou quasi, diffusés par un magnétophone, y sont traversés par une composition live laissée à la discrétion des participants : dialogue entre des percussions et un piano qui devient frénétique, voix alternant chuchotements, borborygmes et petits cris, évoquant la nature dans une suite d’onomatopées parfois animalières. Entre gag et création, il n’y a pas de filtre. Quant à la musique, elle est tautologique « répétition inutile d’une même idée en des termes différents » pour en reprendre la définition que Ferrari cite et enrichit en l’appliquant à la composition musicale : « Qu’est-ce donc, dans sa croissance organique, qu’un développement musical, sinon une Tautologie fondée par les lois mystérieuses, obscures parfois, de la Nature et de la Vie ? » Un message qui résonne encore aujourd’hui même si sa conception et sa forme performative proposée par la Muse 2022 rappellent – étrangement ? – les happenings des années 1960-1970.

La Muse en Circuit, dans sa démarche, a fait de cette philosophie un credo qui se manifestera à travers une exposition, jusqu’au 5 octobre 2022, à l’Espace culturel 148 d’Alfortville, par une « Nuit blanche » au ! POC ! de la même ville, par la création d’Hétérozygote, la première pièce de Luc Ferrari à utiliser des matériaux recueillis avec un magnétophone portable qui célèbre son « entrée dans le social » le 2 novembre et par la projection à la Muse en Circuit d’un documentaire de Jérôme Florenville (dont la date reste à déterminer).

La Muse en Circuit - 40 ans

Direction Wilfried Wendling.

Vendredi 9 septembre- Soirée anniversaire La Muse en Circuit, Alfortville. Avec Shao-Wei Chou (flûte et performance), Étienne Graindorge (ingénieur du son et performance), Winnie Huang (violon et performance), Joshua Hyde (saxophone et performance), Szymon Kaça (clarinette et performance), Louis Leverd (violoncelle et performance), Benjamin Soistier (percussions et performance), Franco Venturini (claviers et performance). Curation artistique Gwen Rouger & Winnie Huang

Dimanche 11 septembre à 17h- Fake, sur les barques du lac Daumesnil (voir notre article http://www.arts-chipels.fr/2022/06/fake.quand-nature-et-artifice-spectacle-vivant-et-musique-electronique-verite-et-illusion-se-melent-pour-un-vrai-voyage-au-pays-des-sons-et-des-songes.html) 

20 septembre > 05 octobre - Exposition au 148, Espace culturel Le 148, Alfortville

Samedi 1^er octobre à 19h - Nuit blanche, Le ! POC !, Alfortville

28 octobre à 19h30 - Avant-première de Une autre écoute est possible, de Jérôme Florenville à La Muse en Circuit, Alfortville

Mercredi 2 novembre - Hétérozygote (Création) au ! POC !, Alfortville