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Arts-chipels.fr

Les Voyageurs du crime. Au temps où l’Orient-Express s’appelait l’Express d’Orient.

Les Voyageurs du crime. Au temps où l’Orient-Express s’appelait l’Express d’Orient.

Dans ce jeu de piste savoureux et rondement mené, un trio disparate mène une enquête pleine de rebondissements et de coups de théâtre.

Une femme a disparu dans le train de luxe qui ramène quelques happy few à Londres, après une immobilisation forcée dans les Balkans en plein séisme politique. Nous sommes dans la première décennie du XXe siècle. Dans le salon du train, trois amis attendent qu’on ait préparé leurs places. Il y a là l’acerbe et anticonformiste George Bernard Shaw, qui applique son ironie désabusée à toutes les situations et l’excentrique et haut en couleurs Bram Stoker, un féru d’ésotérisme – l’écrivain sera membre de la Golden Dawn in the Outer, une société secrète dont les membres cultivent les sciences occultes et la magie – et le romancier que Dracula immortalisera. Le bon docteur Conan Doyle, le créateur de Sherlock Holmes, qui complète le tableau, ne peut que se lancer dans une investigation pour rechercher la disparue.

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

Huis clos pour jeu de piste

Le huis clos est l’une des situations favorites du roman policier, avec ses personnages enfermés dans un lieu qui fournit une multitude de coupables potentiels. Mais si dans une maison, tous se connaissent et que le jeu consistera à trouver lequel – ou lesquels – parmi eux est le coupable dans une assemblée limitée, la situation se corse dans la variante fournie par le train qui fait se côtoyer relations et inconnus en grand nombre. Un wagon-restaurant opportunément placé et surveillé constitue une barrière « naturelle » restreignant le nombre de personnages. Pour rendre encore plus hermétique l'enfermement des personnages, l'intrigue veillera à ce que le train ne marque pas d'arrêt, interdisant ainsi tout velléité de fuite.

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

Une galerie de personnages hauts en couleur

L’espace du salon où campent les trois amis se peuple bientôt d’une faune bigarrée qui constitue autant de suspects . Il y a, bien sûr la jeune fille dont la mère a disparu. Celle-ci recherchait pour sa progéniture le « bon » époux – « mais elle ne l’aurait pas choisi sans mon accord », affirme la jeune donzelle, mais dit-elle la vérité ? Et toutes celles et ceux qu’elle a côtoyés au fil du voyage : une préceptrice anglaise, confite en bénitier et très collet monté, une tragédienne américaine, « la Sarah Bernhardt de Buffalo » qui prend la défense de la jeune fille et un vieillard irascible, maître d’échecs, en route pour disputer une compétition. Un chef de train, heureux de n’être rien et uniquement préoccupé du bien-être de ses passagers, complète le tableau. Dans cette situation où chacun pourrait être coupable, suspicion, apparences trompeuses et faux-semblants compliquent un jeu non exempt de coups de théâtre et de rebondissements.

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

Un rythme et des acteurs épatants dans un décor au petit poil

Tout est fait pour qu’on se retrouve dans ce wagon luxueux, doucement bercé par le ronronnement doux des roues sur les rails, tandis que défilent derrière les vitres à un rythme changeant un paysage mouvant aux contours fluctuants et un peu flous. Dans leur cocon de velours rouge où passent le jour et la nuit, les acteurs sont comme des poissons dans l’eau, toujours un poil « trop » dans leur rôle, un peu plus loin que la réalisme le voudrait, avec ce soupçon d’exagération, plus ou moins appuyé, qui fait percevoir le jeu derrière la situation. Bram Stoker est un primesautier et incorrigible gourmand, la vieille bique médisante grince et grommelle, le joueur d’échecs force sa note désagréable et le chef de train s’étale avec délectation dans son rôle de carpette. On ne s’y trompe pas : ils sont bien des personnages, le théâtre est partout présent et l’intrigue viendra dire, à la fin, quel rôle ils ont exactement tenu. Au public de prendre des paris sur le coupable, d’assumer à son tour le rôle de détective…

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

Un bel hommage aux histoires policières

Julien Lefebvre s’était déjà confronté, avec ses trois compères enquêteurs, aux histoires policières dans le Cercle de Whitechapel. Il montre ici sa connaissance de cette littérature en proposant un spectacle bourré de références. Car au-delà du choix des personnages, comment ne pas voir derrière l’Express d’Orient un certain Orient-Express immobilisé sur une voie par une nuit d’hiver au milieu de nulle part ? Comment ne pas distinguer, sous la défroque de Conan Doyle, non seulement sa créature Sherlock mais un certain Hercule Poirot ? Comment ne pas poursuivre le jeu du « qui est qui ou se refère à quoi » avec les autres personnages ? De là à imaginer qu’on pourrait prolonger plus avant l’histoire, il n’y a qu’un pas que l’auteur nous invite à franchir…

© Stéphane Audran

© Stéphane Audran

Les Voyageurs du Crime de Julien Lefebvre

S Mise en scène Jean-Laurent Silvi S Avec Stéphanie Bassibey, Marjorie Dubus, Céline Duhamel, Ludovic Laroche, Étienne Launey, Pierre-Arnaud Juin, Jérôme Paquatte, Nicolas Saint-Georges S Musique Hervé Devolder S Lumière Dan Imbert S Costumes Axel Boursier S Décor Les Ateliers Marigny S Scénographie Margaux Van den Plas S Création vidéo Sébastien Mizermont S Production Le Renard Argenté, Lucernaire et Pascal Legros Organisation S Partenariats Centre Culturel Jean Vilar De Marly-le-Roi, Théâtre Municipal de la Celle-Saint-Cloud, Le Sel à Sèvres, Théâtre du Chesnay S Durée 1h40

Au Splendid - 48 rue du Faubourg Saint-Martin 75010 Paris

01 42 08 21 93 www.lesplendid.com

À partir du 16 septembre 2022, du mer. au sam. à 21h / matinées sam. à 16h30 & dim. à 15h

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