24 Septembre 2022
Le mythe d’Écho et de son impossible amour pour le beau Narcisse a traversé les siècles et inspiré de nombreux auteurs. Vanasay Khamphommala en propose une version théâtrale et musicale en forme de cérémonial pour conjurer les chagrins d’amour.
Un écran en fond de scène. Y apparaîtront toutes les paroles qui ne seront pas prononcées, parfois se chevauchant, interférant les unes avec les autres, allant à rebours les unes des autres. Elles racontent l’histoire d’Écho, la nymphe des montagnes qu’Héra a dépossédée de sa voix et qui erre, condamnée à répéter chaque fois les dernières paroles que d’autres ont prononcées. Pour protéger les amours de Zeus, elle a enveloppé Héra d’un nuage de paroles, l’empêchant de surveiller son divin époux, et a été punie pour sa « bavardise ». Une histoire qui en alimente d’autres qui donnent lieu à des multiples versions. Lorsque Vanasay Khamphommala entre en scène, nue, elle s’essaie sans succès à émettre des sons qui ne laisseront passer que les échos de paroles prononcées par d’autres…
Les histoires d’amour finissent mal…
L’histoire que conte Ovide dans les Métamophoses s’inscrit dans le cycle au long cours – de digressions-transgressions – entamé par Lapsus chevelü avec Vénus et Adonis (2015), Orphée Aphone (2019) et le Bain de Diane (2020). Elle reprend l’aventure de la nymphe au moment où celle-ci, errant dans la forêt, croise le beau Narcisse. Elle en tombe immédiatement amoureuse mais est dans l’incapacité de lui avouer son amour. De plus, comme on sait, Narcisse n’est amoureux que de la perfection de sa propre image. Il finira par en mourir en prenant racine et en devenant la plante aux fleurs blanches qui porte son nom. De chagrin, Écho se laissera dépérir. Ovide nous dit que sa beauté se fane, que sa peau se dessèche et qu’elle meurt. On dit que ses os tombent en cendres, ou qu’elle se transforme en rocher – c’est la version qu’adopte le spectacle. Vanasay Khamphommala s’engloutit sous la terre. L’histoire raconte qu’elle renaîtra chaque fois que des amoureux malheureux viendront s’épancher sur sa tombe. Mais Vanasay Khamphommala donne de sa résurrection une vision plus optimiste.
Un lyrisme puissant peuplé de visions insolites
Vanasay Khamphommala adopte, pour raconter l’histoire, la forme de la performance. En une série de tableaux d’une très grande beauté plastique, elle fait de l’histoire d’Écho un oratorio ou un opéra dans lequel se superposent une série de visions. Nathalie Dessay explore la folie qui sommeille dans les figures les plus archétypales, accompagnant ses éclats de voix d’épisodes, par endroits cocasses, où elle arrose avec application les narcisses qu’elle a plantés sur la tombe d’Écho. La performer Caritia Abell traduit l’opposition entre souffrance et extase et une exploration des sensations teintée d’érotisme et Pierre-François Doireau, avec son physique atypique, vient compléter cette approche ou chacun est autre en même temps que lui-même. La « greffe de mythe dans le cœur » se transforme en pique-nique où chacun apporte son écot – pied-de-nez au monde du théâtre où on ne meurt pas plus qu’on ne pique-nique – et le spectateur, fasciné, s’introduit dans toutes ces peaux qui se superposent et se complètent.
Le Laos au cœur
Dans cet univers factice où se croisent textes et performances, le rituel est partout. Dans la lenteur avec laquelle se déplacent les personnages. Dans la beauté des fragments de voix qui s’élèvent. Dans les références des grandes amoureuses qui apparaissent au détour du chemin – Eurydice, Didon et Phèdre. Dans le passage du temps qui croise les récits où « tout passe, sauf l’amour ». Le cérémoniel, avec le lot d’artifices et de symboles qu’il charrie, nous convie au festin de la pluralité et de la diversité. Défi lancé aux représentations monolithiques d’Écho, de l’amour et de ses revers, le spectacle les confronte aussi à l’héritage laotien de Vanasay Khamphommala. Dans ce pays où son père est né, un rituel musical, le sen, est utilisé pour exorciser les chagrins d’amour. Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici. De dire que l’aventure d’Écho n’est pas fatale, pas réglée par la Destinée. Et qu’il peut y avoir un amour heureux…
Écho
S Dramaturgie et textes Vanasay Khamphommala S Avec Caritia Abell, Natalie Dessay, Pierre-François Doireau, Vanasay Khamphommala et la participation de Théophile Dubus et Gérald Kurdian S Collaboration artistique Théophile Dubus et Paul B. Preciado S Musique et son Gérald Kurdian S Scénographie Caroline Oriot S Lumières Pauline Guyonnet S Costumes Céline Perrigon S Régie générale Brice Trinel S Administration Kelly Angevine Production / diffusion Olivier Talpaert / En votre compagnie S Durée envisagée 2h S Production Lapsus chevelü S Coproduction Théâtre Olympia - Centre dramatique national de Tours ; TnBA - Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine ; Maison de la Culture d’Amiens - Pôle européen de création et de production ; La Halle aux grains- Scène nationale de Blois ; Festival Nordwind (en cours) S Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux sauvages - équipement culturel de la Ville de Paris S Accueil en résidence CENTQUATRE-Paris dans le cadre du programme « 90m2 créatif » élaboré entre la Loge et le CENTQUATRE-Paris, Sophiensäle - Berlin S Avec le soutien du programme INSTINCT - Berlin S Lapsus chevelü est conventionnée par le Ministère de la Culture (DRAC Centre-Val de Loire)
TOURNÉE
19-24 septembre 2022 – Les Plateaux sauvages, Paris
4-7 octobre 2022 – Théâtre Olympia – CDN de Tours
18-22 octobre 2022 – TnBA, Bordeaux
6 & 7 décembre 2022 – Halle aux Grains, Scène nationale de Blois
13 & 14 décembre 2022 – MCA, Scène nationale d’Amiens