13 Avril 2022
Quand la comédie détourne les codes du « Amour toujours » pour livrer en même temps un portrait humoristique de nos petits travers sociaux, il y a de quoi se distraire, autant que s’émouvoir.
Julie ne donne pas les signes d’un bonheur sans nuage. Elle a quelques problèmes d’argent et cela se sent. Quand on lui réclame une petite somme en liquide, elle propose un paiement par chèque – qu’on imagine sans provision. Aussi, lorsqu’elle entre dans un bistrot pour prendre un café, il n’est guère étonnant qu’elle finisse avec une coupe de champagne… Mais voici qu’à sa place se trouve un paquet de copies de mathématiques – l’établissement scolaire est voisin. Naturellement curieuse, Julie feuillette les copies et y trouve une copie blanche dans laquelle ne figure qu’une déclaration d’amour au professeur assortie d’une mise en garde : l’élève se suicidera la nuit même si celui-ci ne répond pas à ses avances. Julie, toute empathie et compassion, se lance à la poursuite du professeur… La voici propulsée, dans le « bahut », sur les traces de Mathieu, pour lui rendre ses copies et le convaincre de trouver l’élève, Océane, et l’empêcher de faire une bêtise.
Entre comédie de mœurs et intrigue policière
La voici propulsée, dans le « bahut », sur les traces de Mathieu, pour lui rendre ses copies et le convaincre de trouver l’élève, Océane, et l’empêcher de faire une bêtise. Sympathique fouine obstinée, elle erre dans les couloirs, questionne, surprend quelques moments de la vie de l’établissement et finit par trouver le professeur. Mathieu est un prof excédé. Dans sa classe, c’est le chahut permanent. Quant à sa vie privée, c'est un naufrage. Il est au fond du trou, sa femme a divorcé. Il essaie tant bien que mal de rester un bon père mais il est noyé, dépassé par les événements. Aussi, quand cette jeune femme un peu « strange » lui tombe dessus pour lui parler d’une élève qu’il ne connaît pas, l’accueil est plus que frais. Mais elle insiste, elle s’incruste, elle ne le lâche pas. Alors, de guerre lasse, il l’embarque dans sa petite auto pour tenter de trouver Océane. Une épopée dérisoire pour des personnages de peu…
Une odyssée du quotidien
Entre le chien que Julie garde pour des bourgeois absents dont elle squatte l’appartement, qu’elle perd dans l’affaire et ne retrouve pas, et la recherche de la jeune Océane, nos deux oiseaux, aussi dissemblables qu’on peut l’être, se lancent à corps perdu dans une traversée nocturne qui, partie des beaux quartiers parisiens, les mène dans les rues désertées de la banlieue le soir – Ivry, Evry ou Vitry ? il y a une différence ? – sur les traces de la jeune fille. Rien ne leur est, évidemment, épargné au long de cette errance qui les mène chez une vieille dame avec qui ils partagent un petit coup, qui les plonge dans une teuf d'ados costumés et masqués, les enferme, pour le fun, dans une cave ou les conduit à la panne d’essence… Sans compter les efforts désespérés de Julie, qui se croit enceinte, d'un inconnu, bien sûr, et cherche désespérément tests et temps de se tester. Une errance au bout de la nuit, un roman d’aventure sans éclat, une épopée dérisoire où la tendresse affleure pour ceux qui ne sont personne mais cependant quelqu’un.
Amour toujours…
Mais cette quête éperdue d’un objectif sans cesse fuyant est en fait un voyage initiatique. Julie avait déjà fait la moitié du chemin. Mannequin pour des marques de dessous féminin réduite à un buste, elle avait décidé de renoncer à cette vie, au sexe d’un soir, furtif, dans un coin, aux voies où l'on s'épuise à aller nulle part. Quant à Mathieu, engoncé dans son petit imper style flic pour film noir, coincé dans un quotidien dont il voudrait bien maîtriser chaque micro-évolution, chaque péripétie, il est l’exemple même du stressé de la vie. Entre la fantasque Julie, ouverte à tout vent à l’improbable, et le ratiocinant Mathieu balloté par la vie, le clash inévitable du début se transforme peu à peu en découverte mutuelle. Il se dévoilent à petits pas, à petites touches, comme en un effeuillage où ils se dépouilleraient de ce qui les recouvre pour laisser apparaître la peau, nue, qui ne ment ni ne raconte des histoires.
Comédie oblige, on pense à ces déclarations d’amour improbables, celles de Lino Ventura à Brigitte Bardot dans Boulevard du Rhum ou de Louis Jouvet à Arletty dans Hôtel du Nord, à ceux qui ne savent pas dire mais qui disent quand même. À ceci près qu’ici, romance et côté midinette font pencher la balance vers la comédie américaine et sa dose d’eau de rose – souvent une overdose. C’est dommage parce qu’on y perd un peu de la drôlerie décalée qui fait toute la saveur de cette errance-rencontre et de ses silhouettes croisées avant de disparaître. Néanmoins ces petits tableautins de la vie comme elle vient ont le charme mutin et l’élégance fragile de la beauté du quotidien.
Petite leçon d’amour. Un film d’Eve Deboise
2021 - France - Comédie - 87 min -Sortie nationale le 4 mai 2022
S Réalisation et scénario Eve Deboise S Image Lazare Pedron S Avec Laetitia Dosch, Pierre Deladonchamps, Paul Kircher, Lorette Nyssen, Kim Truong, Aaron Kadouche, Anouar Kardellas, Alizée Caugnies, Evelyne Istria, Stéphanie Bataille, Maurice Cheng S Son Marianne Roussy S Assistanat mise en scène Lucas Loubaresse S Casting Youna de Peretti S Scripte Muriel du Boisberranger S Décors Aurette Leroy S Costumes Oriol Nogues S Maquillage & coiffure Marine Tesson S Direction de production Christine Moarbes S Direction de post-production Delphine Passant S Régie générale Noémie Lance et Guénola Chaussard S Montage Chantal Hymans S Montage son Béatrice Wick S Mixage Nathalie Vidal S Production Blue Londay Productions S Productrice Nathalie Mesuret S Producteurs associés Bertrand Gore, Sandra da Fonseca S Coproducteur Xavier Grin S Distribution KMBO