La Truite. Variations pour eau vive et poissons sautillants sur tous les tons et dans tous les rythmes.

Ce réjouissant spectacle en 60 variations autour du thème de la Truite de Schubert vaut autant par la qualité musicale de ses interprètes et adaptateurs que par l’inventivité débridée à laquelle il ouvre les vannes…

La Truite de Schubert, c’est comme les Quatre Saisons de Vivaldi. Tout le monde connaît. Et, si l’on peut dire, elle a été par le passé accommodée à de nombreuses sauces. Qu’il s’agisse de la chanson populaire qui met en garde la Truite contre la mouche scintillante et séductrice du Pêcheur, ou de sa réinterprétation coquine – histoire d’accent du pécheur et d’obsession de la Belle pour ce morceau de musique – par Francis Blanche et les Frères Jacques, la guillerette mélodie sautillante, composée par un jeune homme de vingt-deux ans, a franchi allègrement la rivière du temps. Le collectif Accorzéam s’en empare à son tour, musicalement cette fois, pour y ourler sur la crête rocailleuse des remous en riches variations de style et de tempo, bien dans l’esprit de l’œuvre à défaut d’en respecter la lettre. Dans le droit fil de l’inspiration schubertienne, qui créa cinq variations de son lied éponyme.

Cinq voix, cinq têtes, quintette

Ici point de formation « classique » du quintette, encore que La Truite de Schubert soit l’un des rares quintettes où le quatuor à cordes, au lieu d’inclure deux violons, intègre une contrebasse pour donner à la basse une partie d’ordinaire dévolue au violoncelle, mais une constante des cordes – violon et contrebasse – que viendront compléter, selon les variations, d’autres cordes – la guitare – mais aussi des vents – l’accordéon, le hautbois ou des flûtes diverses – et des percussions de tous ordres – batterie, tambour, tambourin, derbouka, castagnettes, triangles, cymbales… Un orchestre complet pour enrichir et ornementer la fluette et aérienne mélodie.

Dans le courant des musiques du monde

Ils sont cinq excellents musiciens, qui ne se contenteront pas de jouer de la musique – quoiqu’ils le fassent très bien –, mais de la réinventer en faisant l’école buissonnière et en allant s’ébattre au creux de rochers qui ont pour noms jazz, country, tzigane, tango, rock, rap ou chanson de charme, pour n’en citer que quelques-uns. D’Hawaï en Chine, de l’Argentine au Tyrol, des rythmes militaires à Paul Anka en passant par Astor Piazzolla, un clin d’œil à Bach et à la musique baroque, une bourrée auvergnate, un faux air de cornemuse – écossaise ? –, sans oublier les Incorruptibles ou Oci Ciornie, ils prennent des tours et des détours qui toujours ramènent comme une antienne à la fameuse mélodie.

Des conteurs et des comédiens

Histoire de ne pas faire dans le filet d’eau, ils se métamorphosent, le temps d’une chanson, en danseurs déhanchés, tout en mines et en contremines, ou en hard-rockers déchaînés arcboutés sur leurs instruments. Ils noient le poisson en l’enterrant en grande pompe dans la contrebasse qu’ils portent comme un cercueil ou entonnent en chœur en formation serrée des chants corses a capella. La flûte devient canne à pêche tandis que la Truite peine à sortir de son amphore vaseuse et implore son Pêcheur façon Jacques Brel. Les à-la-manière-de se succèdent et s’enchaînent, reliés, pour faire bonne mesure, par un texte en vers – de mirlitons naturellement, quoique les instruments de musique ne soient pas de carton – dont les rimes ajoutent à la musicalité de l’ensemble.

Truites non domestiquées, musiques en liberté

On pourrait poursuivre sur la lancée de ce plaisir partagé. Tout ça pour quoi, comme il se doit ? Parce que musiciens engagés, ils aiment les truites en liberté. Pour passer du boulevard Poissonnière, le bien nommé, à la large rivière, à la mer destinée, il suffit de se laisser glisser dans ces musiques déjantées. Point d’effort inutile. Pour aller à contrecourant, il suffit d’explorer les îles et se laisser aller dans le courant. La Symphonie du Nouveau Monde, « fortruite » et naviguant sur l’onde, emmène la Truite d’humeur vagabonde… Composition ou interprétation, pastiche ou fétiche, la musique ne connaît de frontière quand il s’agit de plaire et de réconcilier classiques compassés, folkloriques détours, humoristiques cours, friands de variété… En cette mixité, toute en dextérité, Akorzéam est notre came…

La Truite

S Mise en scène Eric Bouvron S Concept Raphaël Maillet, Jonathan Malnoury, Nathanaël Malnoury S Avec Franck Chenal (Batterie / Percussion), Julien Gonzales (Accordéon), Raphaël Maillet (Violon), Jonathan Malnoury (Hautbois / Guitare), Nathanaël Malnoury ou Sylvain Courteix (Contrebasse) S Arrangements musicaux Accordzéâm S Textes Raphaël Maillet S Création lumière Edwin Garnier S Création costumes Sarah Colas S Création affiche Pierre Barrière (Pierre et le Loup) S Durée du spectacle 1h S Tout public à partir de 7 ans S Coproduction Les Passionnés du Rêve et Accordzéâm S Diffusion Les Passionnés du Rêve S Soutiens MJC Théâtre de Colombes, Ville de Toussus-le-Noble et Ville de Bailly.

Au Théâtre du Gymnase Marie Bell – 38, boulevard Bonne-Nouvelle, 7501 Paris

Du 24 mars au 14 mai 2022, les jeu., ven. & sam. à 19h (relâche le 26 mars).

Rés. 01 42 46 79 79 www.theatredugymnase.paris

TOURNÉE

Vendredi 24 juin à 21h : Sainte-Foy-lès-Lyon (69) – Domaine Lyon Saint Joseph.

Du 7 au 31 juillet à 19h20 : Festival OFF d’Avignon au Théâtre du Petit Louvre. Chapelle des Templiers.