30 Janvier 2023
C’est l’histoire d’Alice, acrobate-voltigeuse qui est touchée gravement au bras lors des attentats de novembre 2015. La scène se divise côté jardin par tout un bric à brac d’instruments, batterie, synthé, percussions de Raphaël de Pressigny et de l’autre, côté cour, un lit d’hôpital et une chaise, avec entre les deux, Alice que l’on voit se débattre et se battre pour sa survie.
C’en est donc fini de la voltige. Ces mots ne sont pas prononcés par Alice mais par un soignant, interprété par Alice. Elle est la patiente et ses soignants, vu par elle bien sûr. Elle est la souffrance et ses remèdes. Elle est la colère et le rire. Elle est la victime qui ne veut pas y croire. C’est grâce à ses carnets qu’elle a rempli au fil des jours et des mois et même des années de souffrances et de soins qu’elle a reconstitué avec deux complices Sky de Sela et Raphaël de Pressigny ce long périple vers la résilience. Et ainsi tout au long du spectacle on voit Alice qui petit à petit, mot après mot, pas après pas, avance et progresse vers cette douloureuse ascension, cette deuxième naissance qu’elle doit obligatoirement accepter et appréhender.
Cette reconstruction pas à pas, accompagnée de souffrances multiples que l’on devine mais qui ne sont jamais vraiment exprimées que par un humour acerbe et burlesque a été son quotidien pendant toutes ces années. C’est donc à un acte de résilience incroyable que l’on assiste, un challenge réussi de comment raconter sa souffrance avec humour et poésie sans tomber dans le pathétique et le pathos. Le ton est juste, le jeu d’Alice est léger et la musique de Raphaël de Pressigny accompagne avec délicatesse et précision les différents moments du spectacle. La musique est parfois juste là pour souligner mais parfois aussi elle est présente comme une émotion brute. Raphael de Pressigny sert également d’accessoiriste et de partenaire sur scène en permettant aux différentes scènes de s’enchaîner en toute fluidité.
Le lit d’hôpital reste l’accessoire central autour duquel la dramatique infernale s’enroule mais il est aussi pris en dérision dans un ballet burlesque où Alice se débat avec ce lit fou et incontrôlable qui lui joue des tours et on rit franchement. Ainsi cet objet de souffrance est transcendé avec talent.
C’est aussi un hommage aux soignants. Ils sont présents tout au long du spectacle, interprétés par Alice, ils sont évoqués par elle dans chaque action et chaque rebondissement car à chaque pas Alice est confrontée à sa blessure et à son traumatisme et elle se cogne, à la réalité de son état qu’ils lui renvoie à chaque étape. Elle est sans complaisance parce qu’elle les retransmet comme elle les a ressentis parfois avec beaucoup de cynisme et d’incompréhension mais aussi avec beaucoup de reconnaissance. Elle les décrit toujours avec humour et beaucoup de générosité.
C’est aussi un hommage à son frère qui l’a protégé pendant la fusillade et qui transparaît tout au long de son récit comme une lanterne, comme une boussole. Elle l’évoque avec beaucoup de gratitude et de reconnaissance sans jamais en faire trop.
C’est un hymne à la vie, au rire et à l’humour pour ne pas sombrer dans la folie, pour ne pas mourir. Le burlesque trouvé dans une chambre d’hôpital, le ton juste pour retrouver « la justesse de quand tout se passe bien ».
C’est une magnifique histoire humaine sans tabou avec beaucoup d’honnêteté et de dérision. C’est une belle histoire de courage et de pugnacité, l’histoire difficile de l’ intégration d’un handicap dans un parcours de vie bien tracé, le hic qui vient perturbé, c’est l’histoire d’une renaissance tout en poésie et humour, le chemin nécessaire pour retrouver son envol.
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