12 Mars 2022
Le rideau s’ouvre sur un espace scénique étrange. Un univers en noir et blanc, avec un immense panorama en fond de scène, deux groupes de personnages immobiles et une créature improbable au milieu de la scène qui lentement s’élève. Le spectacle se compose comme un livre d’images fantasmagoriques que l’on feuillèterait au hasard, comme des tranches de vie d’un monde futuriste où rien ne nous serait familier où tout est étrange, comme dans un rêve ou dans un monde parallèle. C’est une série de scènes qui chacune raconte une histoire improbable et chaque histoire pourrait être issue de mondes différents, peuplés par des créatures hybrides, mi humaines, mi arbres, mi animal.
On est complètement fasciné par l’apparition de ces créatures qui pour certaines relèvent d’un véritable défi. Ainsi ces créatures fantasques semblent sorties d’un futur postapocalyptique et peuplent ces visions d’un monde d’après qui oscillent entre poésie métaphysique et quête ontologique.
On nous raconte des rites chamaniques dans des décors merveilleux. On assiste à des rituels de passage, des rites initiatiques très mystérieux avec des apparitions de monstres incroyables. On vit une recherche magique, comme un conte moderne. C’est beau, c’est mystérieux, c’est souvent incompréhensible mais toujours très poétiques et merveilleux. La magnificence des décors alliant vidéo, photo et effets divers participent grandement à la visualisation de ces visions.
Cependant on s’interroge sur le fond. Mais que veulent -ils bien vouloir dire ? Quel questionnement sur notre monde, sur notre avenir justement ? Est-ce notre avenir apocalyptique qu’ils nous décrivent ? Ces êtres hybrides seront -ils notre futur ? Ainsi, cet aspect divertissant ne cache pas toutes ces questions qui nous poussent à interroger notre monde de manière plus lucide, sans pour autant ne vouloir voir que la version noire surtout en ce moment de l’actualité mondiale.
Il y a actuellement un courant artistique autour de l’hybridation, le mélange, le débordement. De nombreuses œuvres d'art hybrident aujourd'hui les formes, les genres, les espèces. Et ce mouvement d’exploration de notre monde toujours plus complexe que nous habitons nous interroge par ces projections à la frontière parfois de plusieurs mondes. L'hybride c'est le mélange de deux espèces différentes par exemple. Les artistes s’en servent pour jouer de la force des contrastes, pour tester l'association des contraires. Et là ces personnages fictionnels participent pleinement de cette exploration et de ces interrogations en bousculant nos représentations.
Les voix a-cappella des chanteuses et chanteurs qui accompagnent le spectacle nous plongent dans cette ambiance mystérieuse et magique et créent une aura mystique. Il faut souligner la qualité de la prestation musicale en live. IL faut également souligner l’originalité des costumes et des accessoires où tout est travaillé dans les moindres détails à coup d’imaginaire débordant. C’est incroyablement extravagant et parfaitement logique dans un monde illogique.
Et tout cela grâce aux talents conjugués de Système Castafiore, dirigés par Marcia Barcellos et Karl Biscuit qui sont les élèves ou les adeptes ou les deux de Alwin Nikolais, danseur et chorégraphe américain particulièrement actif en France de 1970 à sa mort. il fut pionnier dans la réalisation d'œuvres multimédia et créa le « spectacle total », au sein duquel était donné la même importance aux danseurs, à la lumière, à la scénographie, et à la musique. Comme Merce Cunningham, il fut précurseur de la danse contemporaine, mais son apport fut plutôt esthétique, alors que Cunningham apporta une technique.
Et effectivement on est bien dans ce contexte, une forme esthétique et esthétisante magnifique mais au détriment cependant, et en cela les amateurs de ballet pourront être un peu déçus, de la danse pure, de la partie « ballet » proprement dite.
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Distirbution :
Chorégraphie Marcia Barcellos
Mise en scène, musique et vidéo Karl Biscuit
Costumes Christian Burle
vidéo Vincent de Chavanes
Décors et accessoires Jean-Luc Tourné
lumières Christophe Chaupin
Régie son et vidéo Matthieu Maurice
Assistante à la chorégraphie Daphné Mauger
chargé de production Thierry Tordjman
administration Ellena Bigois
Avec
• danse
Caroline Chaumont, Sara Pasquier, Nikita Goile / Lucille Mansas, Tuomas Lahti, Dimitri Mager
• Chants
Lise Viricel / Lina Lopez (sopranos), Théophile Alexandre (contre-ténor), Martin Mey (ténor), Simón Millán (basse)