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Arts-chipels.fr

Juste une femme. Mémoire d’exil et d’espérance.

Juste une femme. Mémoire d’exil et d’espérance.

Raconter le parcours d’une « migrante » en mêlant disciplines circassiennes et témoignage et en transmettre une vision sensible dégagée des statistiques en tout genre est le propos de ce spectacle profondément humaniste et touchant.

Une échelle posée horizontalement à près de deux mètres de hauteur occupe la scène. Tout autour, les bruits de la ville. Une silhouette se dessine en anorak. Une ombre, un fantôme. Anonyme. Une capuche lui recouvre la tête. Nous sommes à Nice, en 2019. Une voix off raconte. Elle a son langage à elle. En ce septième jour du neuvième mois de 1987, elle a, conte-t-elle d’une belle voix profonde mais hésitante, quitté Abidjan en Côte d’Ivoire pour prendre le chemin de l’exil. « On a duré en route », répète-t-elle en leitmotiv entêtant comme pour marquer la durée du voyage. La femme à l’anorak se déplace à lentes poussées d’un barreau à l’autre, suspendue par les bras. Le voyage est long, difficile. Trois années pour parvenir, à travers la Libye puis l’Italie, jusqu’en France où Asseitou – c’est le nom de la femme dont on n’entend que la voix – s’est installée avec l’homme qu’elle aimait. La voltigeuse est l’intervieweuse. Elle relayera la narration de celle qu’on entend en voix off.

© Max Leneyle

© Max Leneyle

Une aventure hors du commun mais si « ordinaire »

L’histoire d’Asseitou, on la découvre dans le désordre, par bribes. C’est celle d’une petite fille qu’on excise de force à quatorze ans, par surprise – incision, excision, c’est pareil, elle passe de l’un à l’autre mot. Une jeune fille qu’on décide de marier sans lui avoir demandé son avis – « C’est la sœur de mon papa qui commande toute la famille ». Mais elle en aime un autre et elle défiera la famille. Avec son mari, ils prennent le chemin de l’exil. Une traversée de plus de 5 000 kilomètres et le tribut du passeur qu’on leur dérobe. Mais tout n’est pas noir dans ce paysage de la faim et de la misère. Il existe des mains tendues pour les aider. À leur arrivée à Naples, le mari et la femme, séparés, se retrouveront et finiront par obtenir leur permis de séjour en France. « C’est bien que bon », encore meilleur, comme son histoire d’amour réussie. « On m’a réparée », dira-t-elle dans son langage attachant et inimitable, et c'est là l'essentiel.

© Max Leneyle

© Max Leneyle

La narratrice : une physicalité expressive

Cécile Yvinec relie les fragments entre eux. Elle les intègre comme la matière qui alimente son discours, qui lui fournit son inspiration. Plongée dans l’atmosphère urbaine que diffuse la bande sonore, elle raconte l’impression que produit sur elle le récit d’Asseitou. Et quand l’émotion est trop forte, qu’elle la submerge, elle écrit qu’elle n’a plus de voix, et que seul le silence peut accompagner les révélations que la jeune Ivoirienne énonce sans pathos, comme un fait presque usuel. Mais, au-delà de ce qu'elle transmet oralement, de l’immense respect qu’on sent envers Asseitou et de l’attention qu’elle porte à ne pas travestir cette vision d’horreur métamorphosée en message d’espoir, c’est son corps qui parle, tantôt suspendu, tantôt emmêlé, alternant rétablissements et chutes, avec son long cheminement discontinu, non linéaire, aussi long que l’exode et sa quête d’un havre sans cesse différé. Entre documentaire, théâtre, cirque et chorégraphie, on reste bouleversé par ce témoignage dont Cécile Yvinec restitue la force et l’énergie positive.

© Max Leneyle

© Max Leneyle

Le Centre culturel Houdremont, lieu d’accueil et de résidence

Le lieu où est créé le spectacle a des répercussions sur son impact. Implanté en plein cœur d’une barre d’immeubles de La Courneuve, le Centre culturel Houdremont s’est en effet fixé une double mission : accompagner des équipes artistiques dans leur création en leur proposant un hébergement, des espaces et des moyens techniques pour monter leurs spectacles, tout en favorisant les actions culturelles en faveur des populations implantées dans le quartier à travers des rencontres, des ateliers, etc. Ces partenariats d’un an avec des artistes offrent l’occasion de construire des projets au long cours avec les habitants. Ils permettent aux artistes d’enrichir leur travail de création et aux participants de vivre de l’intérieur un processus de création et de développer un rapport de proximité avec la création. Le centre culturel Houdremont a choisi le cirque comme vecteur de son action. Galapiat Cirque et la Soupe Compagnie forment avec Cabas le trio circassien de la saison accueilli en résidence. Quant à Juste une femme, créé par la compagnie Cabas, il acquiert dans ce quartier une résonnance particulière…

Juste une femme. Pièce de cirque documentaire retraçant la migration d'une femme

S Texte de Cécile Yvinec, à partir de l’interview d’Asseitou. S Avec Cécile Yvinec et la voix d’Aisseitou S Mise en scène Sophia Perez S Chorégraphie Karine Noël S espirations clownesques Véronique Tuaillon S Production Compagnie Cabas S Coproduction Les Transversales Scène conventionnée Cirque (Verdun/55), Cirk'Eole (Montigny les Metz/57), Coopérative De Rue De Cirque (Paris/75) S Résidences Cheptel Aleïkoum (Saint Agil/41), Le Temple (Saint Sébastien d’Aigrefeuille/30), Les Transversales Scène conventionnée Cirque (Verdun/55), MJC de Chamonix (Chamonix/74), Les Lendemains (La Grand Combe/30), Cirk’Eole (Montigny les Metz/57), Centre Culturel Houdremont (La Courneuve/93)

Calendrier de tournée

11 mars 2022 : Centre Culturel Houdremont (La Courneuve/93)

mai 2022 : Cirk’Eole (Montigny lesMetz/57)

Printemps/Eté 2022 : tournée en Ile de France avec La Coopérative de Rue de Cirque

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