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Arts-chipels.fr

Poings. Échapper à la violence conjugale dans le piège des reflets de soi.

Photo © Simon Gosselin

Photo © Simon Gosselin

Ce texte très fort dit l'insoutenable douleur du viol, le mal-être vécu au quotidien et la manière d’en sortir dans une mise en scène originale et insolite dont les jeux de miroirs enferment le spectateur.

À l’entrée dans la salle, la scène est visible. Deux miroirs disposés à angle ouvert couvrent la dimension du plateau. Ils reflètent les spectateurs qui s’installent. Ils font partie de ce qui va se jouer un peu plus tard, devant leurs yeux. « Je suis partie de très loin pour arriver jusqu’à moi », énonce la comédienne qui s’avance tout au bord du plateau, à presque toucher les spectateurs. Le ton est donné. C’est autour de la perte de soi et de sa reconquête que va tourner le spectacle.

© Simon Gosselin

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La vérité crue d’un rapport toxique

En petites touches mêlant réel et fantasme, la femme évoque son histoire. Une rave party, une rencontre, son impression de s’être dédoublée pour contempler cette autre elle-même qui rencontre un garçon. De plus en plus près, la drague, le corps contre corps jusqu’à la conséquence inéluctable. Elle est deux dans le miroir où elle se reflète, celle qui agit, ou plutôt se laisse agir, et celle qui la regarde. Mais bientôt les deux personnages se fondent dans ce qu’elle décrit : un viol, exposé dans ses moindres détails, et son impuissance face à cette violence qu’elle subit sans pouvoir y mettre fin. Un peu plus tard, on retrouvera cette même femme dans un appartement où elle vit avec l’homme qui l’a forcée, ce fameux soir. Paralysée, chosifiée, apeurée, muette. Lorsque timidement elle bredouille quelque chose de l’ordre du désir qu’elle voudrait exprimer, c’est pour le voir rabroué, ignoré, néantisé.

© Simon Gosselin

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Piéger les reflets et laisser transparaître

Le dispositif scénique crée un jeu très remarquable entre la présence scénique, la transparence, le reflet, le double, voire même la démultiplication. Car ces miroirs sont comme des glaces sans tain. Modifiés par l’éclairage ils permettent de voir au travers ce qui se passe derrière le miroir, de déceler la réalité masquée sous l’apparence. Ils racontent parfois une double histoire, celle que joue la femme devant l’homme qui la maltraite et ce que son cerveau livre, dans le même temps, cette révolte qu’elle ne parvient pas à exprimer mais qui est là, obsédante, le refus qu’elle ne fait pas paraître, son désir de sortir de la boîte-chambre-à-coucher où l’enferme son compagnon. Il suffit que l’angle des miroirs change pour que la femme se démultiplie et qu’elle devienne alors toutes les femmes. Elle n’atteindra sa libération que lorsqu’elle se sera débarrassée de ses multiples figures du Moi pour devenir femme de chair, réelle et en fuite.

© Simon Gosselin

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Un texte puissant qui atteint sa cible

Si le texte décrit dans une langue crue, à la limite du soutenable, les rapports sexuels non consentis, s’il expose sans tendresse les différents niveaux de personnages qui luttent sans relâche à l’intérieur de la femme, s’il détaille sans complaisance les mécanismes de la manipulation, il porte aussi un souffle lyrique saisissant et une douleur qui vient du plus profond. Dans cet oratorio pour voix seule ou presque, on partage la longue descente aux enfers de cette femme qui se bat contre elle-même, qui hésite, qui voudrait croire que son bonheur est dans la maltraitance avant de comprendre le leurre sordide que représente sa relation « amoureuse ». Agitée, inquiète, tourmentée, lucide, elle vient nous dire que jamais personne ne devrait accepter des rapports basés sur la domination de l’un sur l’autre et que la vérité de l’amour réside dans l’égalité des plaisirs donnés et reçus.

© Simon Gosselin

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Poings - Texte Pauline Peyrade (éd ; Les Solitaires Intempestifs)

S Mise en scène Das Plateau - Céleste Germe S Composition musicale et direction du travail sonore Jacob Stambach S Scénographie James Brandily S Création lumière Sébastien Lefèvre S Dispositif son et vidéo Jérôme Tuncer S Création vidéo Flavie Trichet-Lespagnol S Conception et réalisation technique Benjamin Bertrand S Assistanat à la mise en scène Léa Tuil S Assistanat à la scénographie Laure Catalan S Collaboration artistique Jacques Albert S Avec Maëlys Ricordeau, Antoine Oppenheim S Production Das Plateau S Coproduction Le Parvis, Scène Nationale de Tarbes ; Théâtre Jean Vilar, Vitry-sur-Seine S Coproduction et résidences Espace Culturel Boris Vian avec le soutien la Ville des Ulis, le département de L’Essonne, la Région Île-de-France et la DRAC Ile-de-France ; TNB Théâtre National de Bretagne, Rennes ; Théâtre du Nord, Centre Dramatique National Lille Tourcoing Hauts-de-France ; Centre Dramatique National d’Orléans Loiret ; Centre Workshop d’expérimentation scénographique Les Subs et l’ENSATT avec le soutien de l’aide à la recherche en théâtre de la Direction Générale de la Création Artistique S  Avec le soutien du T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National S Avec l’aide à la production de la DRAC Île-de-France et la participation du DICRéAM Action financée par la Région Île-de-France S Das Plateau, membre du collectif de compagnies 360, est conventionné par la DRAC Île-de-France et soutenu par la Région Île-de-France au titre de l’aide à la permanence artistique culturelle S Remerciements Clémence Boudot, Camille Baraud, Eric Schecter, Julien Goetz et Clémence Bucher, ainsi que la section scénographie de l’ENSATT et particulièrement Alexandre de Dardel, Mathis Brunetbahut, Adèle Colle, Coline Gaufillet, Ariane Germain, Manon Terranova et Ariane Testar S Spectacle créé le 10 mars 2021 au Théâtre National de Bretagne, Rennes S Durée 1h15

Du 26 avril au 4 mai 2024 Le Monfort Théâtre, Paris

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