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Arts-chipels.fr

Le Montespan. Cocu royal, mais cocu récalcitrant…

Le Montespan. Cocu royal, mais cocu récalcitrant…

Cette sympathique et réjouissante pièce, tirée du roman historique de Jean Teulé, joue avec délectation des travers du Grand Siècle et de celui qui illumine ses cieux, le Roi Soleil.

Une tête, apparition cocasse, surgit entre les deux pans du rideau de scène, rouge comme il se doit au théâtre. Rien qu’une tête qui monte et qui descend le long du rideau, la fraise autour du cou, bientôt suivie par des mains. Nous sommes le 20 janvier 1663. Ce visage, c’est celui du Procureur du Roi, qui instruit contre la fâcheuse manie qu’ont les nobles de se battre en duel à tout propos. Sur la sellette, le marquis de Montespan dont l’honneur est fort mis à mal par l’infidélité de son épouse. Tout Paris bruit de son infortune car le responsable n'est autre que Louis le Quatorzième, monarque absolu et despotique. Flash-back. Retour sur le passé. Le rideau s’ouvre, dévoilant un décor peint qui représente un cadre de scène, version Grand Siècle.

© Fabienne Rappeneau

© Fabienne Rappeneau

Petite et Grande Histoire

Au départ, il y a un homme et une femme. Elle vient d’une famille de la noblesse de robe, les Rochechouart de Mortemar, lui appartient à la noblesse d’épée, les Pardaillan de Gondrin. Ils se rencontrent, coup de foudre, ils se marient. Mais en dépit de sa vieille noblesse, le marquis n’a pas ses entrées à la Cour. Il faut dire que, durant la minorité du Roi, les Montespan ont été quelque peu frondeurs et que Louis XIV a la rancune tenace. Notre gentil couple tire donc le diable par la queue jusqu’à ce que Madame de Montespan obtienne le rang de dame d’honneur de la Reine. Elle détrône Mademoiselle de Lavallière dans les faveurs du Roi dont elle deviendra la maîtresse en titre durant plus de dix ans et dont elle aura sept enfants. Mais son attrait s’émousse aux yeux du Roi et, pour conserver son emprise, elle introduit une jeune oie blanche auprès du souverain qui en tombe éperdument amoureux. Mais Melle de Fontanges – c’est le nom de la donzelle – décède peu après et les rumeurs d’empoisonnement vont bon train. Mme de Maintenon est compromise dans l’affaire dite « des Poisons » qui s’achève en 1682. On la soupçonne d’empoisonnements, mais aussi de messes noires avec sacrifices d’enfants et d’attentat à la vie de Louis XIV. Elle finira sa vie dans la dévotion, sans revoir son mari dont elle a été officiellement séparée dès 1674.

© Fabienne Rappeneau

© Fabienne Rappeneau

Le cocu récalcitrant

Monsieur de Montespan, dont toutes les tentatives de revenir en cour se sont soldées par un échec, n’accueille pas la nouvelle de l’infidélité de sa femme avec le sentiment du « privilège » que lui accorde le souverain en honorant sa femme. Bien au contraire, ce Gascon turbulent de vieille souche rue dans les brancards. Le Roi s’irrite, le fait emprisonner puis bannir dans ses terres, en Guyenne. Monsieur de Montespan, de son côté, provoque. Il fréquente les prostituées, espérant infecter sa femme. Il va plus loin. Puisqu’il est cocu aux yeux de tous, il va étaler aux yeux du monde cette infortune qu’il ne peut combattre. Il célèbre avec éclat des funérailles de son amour autour d’un cercueil vide en invitant les seigneurs des alentours, se déplace ostensiblement dans un carrosse tendu de noir couronné de bois de cerfs pour afficher publiquement le statut de cocu où l’a placé le Roi.

© Philippe Escalier – Photo Lot

© Philippe Escalier – Photo Lot

Un théâtre de tréteaux dans un théâtre

La pièce ne cesse de varier les espaces. Le rideau de scène qui se révèle au début rappelle les toiles peintes des décors de théâtre du Grand Siècle. Sur ce décor de tulle apparaîtront, en projection, selon les besoins, une croix pour célébrer les épousailles des tourtereaux, une tête de mort quand il sera question de messes noires ou de gigantesques bois de cerf quand les personnages, conteurs à tour de rôle de l’histoire, évoqueront telle ou telle péripétie de l’aventure des époux Maintenon. Non content de manifester sa présence par ce cadre de scène posé sur la scène, des rideaux, tirés au fil du récit, viendront ajouter des niveaux à un espace, censé représenter 21 lieux, où le théâtre est roi. On retrouve l’esprit du théâtre de tréteaux, avec ses artifices rendus visibles aux yeux d’un public dont l’imagination est sollicitée pour suppléer à l’économie de moyens.

© Philippe Escalier – Photo Lot

© Philippe Escalier – Photo Lot

Le plaisir du jeu

La pièce entière est placée sous le signe du jeu. Dans cette histoire qui s'étale sur 44 années, 26 personnages interviennent et seuls trois comédiens les présages. Un accessoire de plus ou de moins, un tablier, un chapeau, un accent campagnard pris pour les besoins du rôle, un langage plus ou moins châtié et voilà la comédienne devenue cuisinière ou prostituée royale, l'un des deux autres comédiens, glissé dans la défroque de tous les intervenants masculins de l'histoire, valet, militaire, noble, procureur ou autre, quand il ne pousse pas la malice à singer les dames nobles. Le seul qui n'assume qu'un rôle est le comédien qui incarne Monsieur de Montespan. Le plaisir du jeu transparaît sans cesse dans cette mise en scène conduit tambour battant où les acteurs se métamorphosent à vue, sortent de scène pour rentrer par le théâtre, s'interpellent de salle à scène ou prennent le public à témoin sur le bord de la scène. Le représentant du Roi porte, pour la plus grande joie des spectateurs le doux nom de « Macqueron ». Les doubles sens lestes fleurissent, le langage se mâtine d'expressions modernes. Pour le cocu magnifique, « ça fait chier de payer avec des pièces à l'effigie de l'amant de sa femme ». Quant à l'affaire des Poisons, elle s'accompagne d'un « mois de bordel » place de Grève…

On l'aura comprise, si l'histoire en elle-même est assez dramatique, sordide dans la manière dont le Roi s'attaque à Montespan mais aussi lorsque les questions de filiation et d'héritage entre enfants légitimes et bâtards du Roi entrent en jeu, on s'amuse beaucoup de l'aventure rocambolesque mais néanmoins exacte de cet époux « séparé mais inséparable » tel qu'il se désigne lui-même, qui devient l'homme par qui le scandale arrive. Sa grandiloquence et son excès sont au cœur même de ce qui compose l'artifice du théâtre. Le petit théâtre de l'histoire raconte en même temps le théâtre. 

Le Montespan d'après le roman de Jean Teulé

Adaptation Salomé Villiers Mise en scène Etienne Launay assisté de Laura Christol Avec Salomé Villiers ou Marina Pangos ou Céline Espérin Costumes Virginie H Décor Emmanuel Charles Lumières Denis Koransky Création sonore Xavier Ferri Durée 1h35

À partir du 25 novembre 2023, du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 16h30
Théâtre Actuel La Bruyère - 5 rue La Bruyère (Paris 9e)
www.theatrelabruyere.com

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