18 Février 2022
Cela commence en silence, le mouvement des dix danseuses et danseurs, seulement rythmé par les bruits de leur pas et le claquement des mains sur les cuisses. Et puis une voix grave retentit accompagnée de quelques accords simples à la guitare… Une inspiration Velvet immanquablement. Et le rythme de la guitare enchaine avec un rythme rock, résolument rock de Rodolphe Burger. Ce parti pris rock avec un son simple et brut, construit autour d’un rythme effréné, martelé par une batterie ultra présente, une guitare et une mélodie à la Velvet accompagne les danseuses et les danseurs toute la chorégraphie. C’est de l’énergie pure, brute. ET ce son et ce rythme structure le spectacle avec une rigueur carrée et rigoureuse.
Jean Claude Gallota nous entraine avec délectation dans cette frénésie rock, hommage à Merce Cunningham qui aurait eu 100 ans cette année et avec qui il a travaillé dans les années 70 à New-York. Rendre hommage est toujours délicat car il ne faut pas tomber dans le respect ultime et la sacralisation figée et donc il ne faut surtout pas se contenter d’une copie réinterprétée. Et là bravo. On est dans une création originale qui parle de notre temps tout en prenant racine dans le siècle précédent.
La définition littérale de rendre un hommage c’est saluer l'action de quelqu'un par un acte de reconnaissance afin d'en souligner la valeur. Ainsi, Gallota rend un magnifique hommage à Cunningham car il le fait dans l’esprit libre et créatif de l’enseignement de ce chorégraphe. On retrouve l’abstraction, on retrouve la danse pour la danse, la sacralisation presque du mouvement et du bouger ensemble. On retrouve grâce au travail de Dominique Gonzalez-Forester l’ambiance colorée de Cunningham. Ce spectacle est profondément contemporain mais il fait aussi un pont entre les deux siècles avec les sonorités rauques et graves de la guitare dans ce rock effréné et lancinant. La musique est un atout majeur. Cunningham collaborait avec John Cage. Ici, les compositions de Rodolphe Burger sont particulièrement présentes à dominante rock et « velvetienne » si je puis dire.
Gallota peut se permettre toutes les libertés créatives et c’est en cela que l’hommage à Cunningham est particulièrement réussi. Créer pleinement dans son temps avec la sensibilité actuelle mais dans l’esprit de Cunningham. C’est magnifique.
Claude Henri Buffard parle du travail de Jean Claude Gallota sur ce spectacle comme d’une abstraction ludique et au-delà de la pirouette rhétorique je partage. On est dans la danse pure mais qui n’est en aucune manière sacralisante. On retrouve les mouvements d’ensemble, les mouvements et les gestes techniques, bras levés qui sont un peu la marque du style Gallota. On est dans de la danse sans narratif. On ne raconte rien. On est dans l’acte pur de la danse. Dans le mouvement pour le mouvement. On ne retrouve le narratif que dans certains pas de deux où notre imaginaire croit reconnaitre des sentiments ou des intentions plus ou moins sexuelles et sexuées. Le côté ludique est partout dans la conception même des mouvements et des enchainements. Dans ce parti pris un peu décalé des deux soli interprétés par Jean Claude Gallota, dans cette façon de bouger parfois un peu décalé.
Les pas de deux de la dernière partie sont à souligner. Inventifs, techniques avec des portés impressionnant.
Et d’ailleurs, il faut souligner la performance des danseuses et danseurs qui implacablement porte ce spectacle avec une rigueur mécanique, avec une précision et une dextérité incroyable. Ils enchaînent les mouvements et les figures avec toujours un ensemble parfait à un rythme effréné. Gallotta utilise très souvent des interprètes de différents âges et différentes corpulences soulignant encore plus la singularité des corps de chaque interprète et jouant ainsi des particularités individuelles de chaque danseuse ou danseur.
Pour finir je dirai juste, merci Monsieur Gallota ! Magistral !
Distribution
Chorégraphie : Jean-Claude Gallotta
Musique : Rodolphe Burger
Avec : Axelle André, Naïs Arlaud, Ximena Figueroa, Ibrahim Guétissi, Georgia Ives, Fuxi Li, Bernardita Moya Alcalde, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger, Jean-Claude Gallotta
Assistanat à la chorégraphie : Mathilde Altaraz
Dramaturgie : Claude-Henri Buffard
Textiles et couleurs : Dominique Gonzalez-Foerster
Assisté de : Chiraz Sedouga, Anne Jonathan
Lumière : Manuel Bernard