16 Janvier 2022
Quand un groupe d’acrobates quitte la route toute tracée des tours convenus pour s’aventurer sur les chemins de traverse, cela ouvre la voie à un délire salutaire, surtout quand les objets, comme doués de vie propre, se mettent de la partie pour dresser toutes sortes d’embûches.
Tout pourrait commencer presque normalement, dans un décor d’appartement modeste situé au centre de la scène. L’un des personnages porte sur la tête des bois de cerf – ou de renne –, comme s’il s’était déguisé pour la période de Noël. Tout pourrait sembler « normal », une simple réunion de famille festive, n’étaient des incidents qui virent rapidement à la catastrophe. Des distorsions commencent à apparaître. Les parois se mettent à trembler, les quatre occupants de la pièce, comme saisis d’une irrépressible incapacité à se mouvoir normalement, aussi. Bientôt les murs ont la danse de saint-guy, les objets valsent, la table et les chaises se disloquent et se replient comme dans un pop-up qu’on referme, réduisant le décor à une crêpe qui valse. Planter un clou pour accrocher un tableau devient une épreuve démentielle, d’autant que les personnages ont la fâcheuse tendance de s’encastrer dans les murs. Bientôt c’est dans un champ de ruines que nos quatre acrobates tentent désespérément de contenir la folie qui semble s’être emparée du décor et des objets.
Un parcours plein d’accidents et de surprises
La démarche du Galactik Ensemble vise en effet à expérimenter de manière dynamique l’impact sur le mouvement des corps des terrains accidentés en les confrontant aux déséquilibres engendrés par les mutations du décor. Les gestes acrobatiques, les mouvements de danse ou une prise de parole qui en résultent, sous la pression des modifications de l’environnement, y deviennent une réponse à cette mouvance permanente. À l’image de notre monde éclaté, fractionné, atomisé, les récits créés se déroulent simultanément, s’interrompent mutuellement, se télescopent ou se répondent au rythme de césures, de juxtapositions, de fractures, de rebonds, dans un espace qui ne cesse de se modifier. La temporalité disparaît dans cette pratique d’« acrobatie en situation » qui déroule en accéléré sa série de séquences loufoques qui engloutissent toute velléité d’en appréhender le sens.
Une logique du chaos
Rien ne va dans ce monde où les objets semblent doués de vie propre, où les verres sautent en l’air, où la fumée s’échappe des crânes, où les murs ne parviennent pas à rester en place. Accompagnés à la console son par un sixième larron, voilà bientôt nos cinq lascars aux prises avec bien des tracas, tentant vainement de rattraper des objets qui se débinent, d’utiliser une chaise molle ou d’empêcher une table de se faire la valise. D’ailleurs, est-ce vraiment une table quand la nappe qui le recouvre vit sa vie propre, détachée de ses pieds devenus pliage jeté au sol, à l’horizontale. Arcboutés de toutes leurs forces, accrochés les uns aux autres pour retenir le décor qui leur échappe ou au contraire pour repousser son agression, ou bien naufragés sur le morceau de parquet d’un improbable radeau de la Méduse, ils essaient de lutter contre un monde devenu fou.
Jeu d’échecs contre coup de dés
Point ici de hasard aboli par un coup de dés, mais l’intranquillité permanente et l’accident qui, comme aux échecs, contraignent chaque fois les joueurs à un nouveau coup permettant de continuer la partie. Tout se passe comme si une sorte de fatalité ontologique détournait le cours des choses. Une logique de l’absurde poussée à son extrême limite, qui met les corps en danger, remplace la marche par la glissade, la verticalité du corps par une gesticulation anarchique et dénie toute valeur à la réalité. L’humour joyeusement potache qui imprègne le spectacle accompagne cette négation de la « rationalité ». Il ne s’agit pas seulement de détacher de nos habitudes quotidiennes tout ce qui pourrait renvoyer à un comportement attendu, mais de dynamiter toute possibilité de sens dans un jeu dadaïste qui s’attaque, façon Cabaret Voltaire, à tout ce qui compose notre réalité. Dans ce contexte, Dalí est, bien sûr, de la partie… et énergie le maître-mot de ce chaos délirant et jouissif qui entraîne le public, conquis, dans cette logique de l’illogique qui fait table rase de nos certitudes et de notre rapport à la normalité. Quand le monde a une fois pour toutes dit adieu à la statique et au plan fixe pour se dédier au mouvement et à la transformation permanente, on ne peut que souscrire à sa philosophie.
Zugzwang
S Création collective du Galactik Ensemble S De et avec Mathieu Bleton, Mosi Espinoza, Jonas Julliand, Karim Messaoudi, Cyril Pernot S Régie générale Victor Fernandes S Régie plateau Charles Rousseau S Construction, création machinerie Atelier de construction de Besançon, Franck Breuil, Victor Chesneau, Antoine Messonnier S Création et régie lumière Romain Caramalli S Créateur sonore et musique Thomas Laigle S Régie son Eric Sterenfeld S Création costumes Elisabeth Cerqueira S Graphisme Maëva Longvert S Regard scénographique / Pop-Up Mathilde Bourgon S Regards extérieurs Justine Berthillot – Marie Fonte S Durée estimée 1h S À partir de 7 ans S Production et diffusion Léa Couqueberg S Production et administration Emilie Leloup S Attachée de production Nóra Fernezelyi S Remerciements Lorca Renoux, Dimitri Jourde, Dimitri Szypura, Léna Emeriau-Bonjour, Rémi Dubot, Sylvain Marquet, Gaëtan Chataigner, Thierry Goron, Nicolas Barrot, Olivier Zenenski, Diana Lemarchand, Jérôme Couroyer. Coproduction : La Brèche à Cherbourg et le Cirque Théâtre d’Elbeuf - Pôle national des Arts du Cirque de Normandie / La Maison de la Danse – Lyon / Théâtre 71 - Scène Nationale de Malakoff / La Passerelle - Scène Nationale de Saint-Brieuc / Les 2 Scènes - Scène Nationale de Besançon / Equinoxe - Scène Nationale de Châteauroux / Les Bords de Scènes - Grand Orly Seine Bièvre / Les 3T - Scène conventionnée de Châtellerault / La Cascade - Pôle national de cirque - Bourg-Saint-Andéol / Mars – Mons. S Le Galactik Ensemble bénéficie de l’Aide à la production de la DRAC, Île-de-France et de l’Aide à la création artistique pour le cirque - DGCA / Ministère de la Culture S Avec le soutien de Le Monfort Théâtre – Paris, La Transverse / Metalovoice – Corbigny, L’essieu du Batut – Murols, CIRCa – Auch S Présenté à Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie - le Cirque Théâtre d’Elbeuf – Elbeuf en novembre 2021
Tournée 2022
- 12 > 15 janvier – Théâtre 71, Scène nationale - Malakoff
- 21 > 30 janvier - Le Monfort Théâtre - Paris
- 4 février - Les Bords de Scenes, Théâtres - Juvisy-sur-Orge
- 8 & 9 février - Scène conventionnée Danse/Théâtre - Espaces Pluriels - Pau
- 12 février - Théâtre Roger Barat - Herblay
- 25 février - Scène nationale - Les Quinconques & L'Espal - Le Mans
- 3 mars - 3T, Théâtres - Chatellerault
- 10 & 11 mars - Plateforme 2 pôles Cirque en Normandie // Festival Spring - Le Trident Scène nationale - Cherbourg
- 25 & 26 mars - Scène nationale // Spring - Le Volcan - Le Havre
- 29 mars > 3 avril - Scène nationale - Les 2 Scènes - Besançon
- 10 > 14 mai - Maison de la Danse – Lyon