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Arts-chipels.fr

Nostalgie 2175. Existe-t-il un bonheur possible dans la dystopie du monde futur?

Nostalgie 2175. Existe-t-il un bonheur possible dans la dystopie du monde futur?

Le bonheur existe-t-il encore, et sous quelle forme, quand la catastrophe a eu lieu et que l’être humain, pour se survivre, accumule protection sur protection face à son environnement extérieur ? Un spectacle poétique qui conserve sa part énigmatique et son mystère.

Sur la scène seules des branches d’arbres morts retombent des cintres, accentuant la désolation d’une scène jonchée de feuilles mortes qui flottent sur une surface aquatique étale et complètement dépourvue d’accidents ou de mouvement. Les « vivants piliers » de Baudelaire sont devenus poteaux nus à peine déplacés par le mouvement des acteurs. Côté jardin, un rideau sur lequel jouent différents états de lumière diffuse une lumière diaprée. Nous sommes en 2175. Au début du XXIIe siècle, la température s’est élevée à 81° C avant de se stabiliser à 60 °C. Le soleil a disparu, le monde tel que nous le connaissons n’est plus. Courant électrique rayé de la carte, écrans d’ordinateurs explosés, liaisons téléphoniques coupées, chaos et guerres ont détruit l’ordre ancien… Saignement des voies respiratoires, infection des muqueuses nasales, réduction de la vue ou paralysie de la langue, entre autres maux, ont atteint les humains.

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Un meilleur des mondes de la survie

En 2175, l’homme s’est adapté. Il vit dans le silence. Il ne digère plus la viande. Sa peau est devenue d’une telle finesse que le moindre contact physique, le moindre attouchement s’accompagne de douleur. Dans ce monde du Noli me tangere (ne me touche pas), l’homme ne fabrique plus de semence reproductrice, les femmes n’enfantent plus sinon très rarement et au péril de leur vie et il n’est plus possible de sortir dehors sinon sous la protection d’une combinaison de protection. Un monde aseptisé où la solitude est devenue règle de survie. Une activité économique ne s’en poursuit pas moins. Posch est un entrepreneur d’un nouveau genre.

Nostalgie 2175. Existe-t-il un bonheur possible dans la dystopie du monde futur?

Une étrange forme de triangle amoureux

Dans ce décor crépusculaire une femme apparaît. Elle mène, face au public, un long dialogue avec une interlocutrice imaginaire. Elle la nomme « Bébé », la créature qu’elle porte dans son ventre et à qui elle s’adresse. Elle lui donnera son propre nom – Pagona – comme pour en faire un prolongement d’elle-même, qui va disparaître. Car cet enfant qu’elle porte en son sein a été engendré naturellement, par un rapport sexuel qu’elle a eu avec Posch. Un enfantement plus que rare qui entraîne, presque toujours, la mort de la mère. Elle a décidé de prendre le risque car perdre la vie pour la donner vaut la peine. Mais l’homme qu’elle aime et que protège Posch, c’est un peintre employé par Posch qui fait commerce de parois protectrices décorées, un artiste qu’elle ne peut toucher. C’est entre elle et les deux hommes présents sur scène que se jouera ce qui ressemble à une Annonciation. Elle porte la semence de Posch mais l’enfant à naître est celui de Taschko.

Nostalgie 2175. Existe-t-il un bonheur possible dans la dystopie du monde futur?

Histoires de peaux

La peau occupe au sein de cette vision apocalyptique, une place centrale. Elle est la membrane fragile qu’il convient de protéger à tout prix. Ce qui reste d’une apparence humaine « normale ». Celle aussi qui a été brûlée sur Taschko, exposé trop longtemps à l’atmosphère extérieure par un viol, quelques années auparavant, qui l’a laissé, abandonné au sol et sans protection. Miraculé, il a survécu mais sa peau qui s’est progressivement réparée, lui interdit tout contact. C’est aussi à partir de peaux d’origine humaine, mortes mais protectrices que Posch fabrique les cloisons que Taschko décore. Elles fourniront aussi à l’histoire sa conclusion de l’aventure commune des trois personnages. Métaphore d’un monde de la sensation perdue et du lien « nostalgique » qui relie les personnages à l’éden imaginaire que constitue notre époque, elle est surface et profondeur, comme le lac bleu sur lequel joue la lumière et qui a la couleur des yeux de Taschko.

Nostalgie 2175. Existe-t-il un bonheur possible dans la dystopie du monde futur?

Nostalgie

Ce que Taschko représente sur ces peaux mortes, ce sont les scènes extraites de livres, de photographies et surtout d’une collection de 420 films conservés sur un support VHS par Posch, le souvenir d’un temps enfui que le jeune peintre a eu le temps d’explorer au cours de la longue convalescence qu’il a menée loin des hommes, ce « soleil noir de la mélancolie » cher au déshérité de Nerval. De Dirty Dancing à Mary Poppins, de Madagascar à la Dame du lac, de Dogville au Festin nu ou à la Grande bouffe, de Plein soleil à Dans la chaleur de la nuit, il s’est approprié un univers, représenté une route déserte sous un soleil éclatant, traduit toute la beauté du monde et la tristesse de l’avoir perdu. Plus, bien avant qu’elle ne soit devenue une réalité, il a dessiné un chemin vers l’enfant à naître, un hymne à la vie et à l’amour tissé avec Pagona au fil d’un compagnonnage amoureux dépourvu de contact physique.

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Embarquement pour Cythère ou Radeau de la Méduse ?

Lorsque se noue la relation entre les trois personnages, une barque fait son apparition sur la scène. Est-elle celle qui conduit les amateurs de doux transports vers l’île de Cythère où Aphrodite-Vénus fut portée par les vents juste après sa naissance et où les pèlerins de Watteau abordent, escortés d’amours ailés ? Ou un Radeau de la Méduse pour les trois naufragés que sont Posch, Pagona et Taschko, Posch pour son amour non payé de retour et sa paternité niée, Pagona parce qu’elle ne peut toucher celui qu’elle aime et Taschko, frustré de la paternité qu’il aurait aimée et dont un autre est l’auteur ? Peut-être est-ce aussi le bateau qu’emprunte Charon, le passeur des âmes des morts, pour traverser le Styx dans le magnifique tableau aux bleus spectaculaires de Patinir exposé au Prado ?

Les images, comme le sens, conservent dans le spectacle leur part de mystère qui laisse place à l’imagination. Sans doute est-ce là que se développe la poésie, dans les ellipses et les intervalles qu’elle introduit entre ses segments et que remplit le rêve de celui qui la reçoit… Pour cela, il faut accepter de ne pas tout comprendre, se laisser couler le long des phrases, des images et des sons et cela, c’est parfois difficile…

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Nostalgie 2175

S Texte Anja Hilling (éditions Théâtrales, éditeur et agent de l’autrice) S Traduction Silvia Berutti-Ronelt et Jean-Claude Berutti S Mise en scène Anne Monfort S Collaboration artistique Laure Bachelier-Mazon S Avec Mohand Azzoug, Judith Henry et Jean-Baptiste Verquin Scénographie et costumes Clémence Kazémi assistée de Vérane Kauffmann S Composition musicale originale Núria Giménez-Comas, commande de l’Ircam-centre Pompidou S Création, régie lumières et régie générale Cécile Robin assistée d’Alexandre Schreiber S Régie son Guillaume Blanc S Assistanat à la mise en scène Julia Dreyfus dans le cadre du compagnonnage plateau S Durée 1h30. S Production day-for-night S Coproductions (montage en cours) Centre Dramatique National de Besançon-Franche-Comté, Théâtre National de Strasbourg, Théâtre de la Cité – Centre Dramatique National de Toulouse Occitanie, Espace des Arts - Scène nationale de Chalon-sur-Saône, les Scènes du Jura - Scène nationale, L’ARC, Scène nationale Le Creusot, ARTCENA aide à la création, IRCAMCentre Pompidou S Avec la participation artistique de l’ENSATT S Avec le soutien de Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher, Quint’Est, réseau spectacle vivant Bourgogne FrancheComté Grand Est. l’ENSATT S La compagnie day-for-night est conventionnée par la DRAC Bourgogne - Franche-Comté et par la Région Bourgogne Franche-Comté et soutenue dans ses projets par le Conseil départemental du Doubs et la Ville de Besançon. Elle est en compagnonnage plateau DGCA avec Julia Dreyfus.

Calendrier de création S Le 7 octobre 2020 Présentation du projet dans le cadre Quintessence S Du 15 au 18 janvier 2021 Résidence technique au Théâtre du Peuple de Bussang – Maurice Pottecher (88) S Du 15 au 17 mars 2021 Résidence scénographique au CDN de Besançon Franche-Comté (25) S Du 2 au 14 août 2021 Résidence au Théâtre National de Strasbourg (67) S Du 25 au 30 octobre 2021 Résidence à l’Espace des Arts - Scène nationale de Chalon-sur-Saône (71) S Du 1er au 6 novembre 2021 Résidence à la Fabrique à Dole, Les Scènes du Jura - scène nationale (39) S Du 6 au 23 décembre 2021 Résidence au Théâtre de la Cité - CDN de Toulouse (31) Du 3 au 17 janvier 2022 Résidence au Centre Dramatique National de Besançon Franche-Comté (25)

Tournée

S 7-15 décembre 2022 Théâtre National de Strasbourg

Anne Montfort est aussi présente

S Automne 2022 dans les lycées avec La Femme juive d’après Grand-peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht et Margarete Steffin, spectacle théâtral

S 10 novembre 2022 à La Cité Musicale de Metz avec Le Cri d’Antigone de Loïc Guénin / Le Phare à Lucioles, spectacle musical

S 26 novembre 2022 au festival littéraire Les Petites Fugues de Besançon - Mise en scène de la clôture des Petites Fugues au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon

S 1er et 2 mars 2023 au ZEF - Scène nationale de Marseille avec Odile et Jacques, ou Jacques et Odile de Loïc Guénin / Le Phare à Lucioles, spectacle musical

S 19 > 30 juin 2023 au Théâtre de Gennevilliers avec Fantasticalité / In vivo, projet de recherche avec l’Ircam, le CNSAD, le festival Univers des mots à Conakry autour de la mise en musique de deux autrices francophones : Gaëlle Bien-Aimé et Dodji do Rego. Projet piloté par Anne Monfort, Nuria Gimenez Comas et Laure Bachelier-Mazon.

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