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Arts-chipels.fr

Chère Chambre. Une araignée dans la tête.

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

Pauline Haudepin évoque, entre réalisme et onirisme, un monde feutré qui se fissure et laisse apparaître les béances qu’il masque.

Une chambre comme on pourrait en imaginer des milliers. Papier peint à fleurs, convenu, petit bureau, poste de radio dans un coin. Une chambre de jeune fille industrieuse et sans histoire. Une araignée géante y fait une apparition fugace avant de disparaître. Elle, elle porte le nom d’une mygale géante, Theraphosa Blondi. Sa présence, on en mesurera la signification plus tard. Pour le moment, elle n’est qu’une apparition insolite.

© Jean-Louis Fernandez

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Un accroc dans la vie d’une jeune fille rangée

Chimène est une jeune fille d’aujourd’hui dans un milieu bourgeois. Une vie simple et protégée par une mère vampirisante, Rose, qui étend son empire sur sa famille, mais avec sollicitude. Chimène a vingt ans et une relation homosexuelle avec Domino, une professeure de philosophie. Ses parents ont accepté ce fait, même si… Mais voilà qu'un soir, sur une impulsion soudaine et sans justification, Chimène a, sous le périphérique, une relation sexuelle avec un inconnu, un abandonné de la vie atteint d’un mal incurable qu’il a transmis à Chimène. Ni sida ni covid, un mal étrange qui gèle peu à peu le corps et le conduit à la mort. Chimène n’ignorait pas qu’il la contaminerait et qu’elle en mourrait. Elle a accompli son geste comme on aime son prochain, pour lui faire un peu de bien. Comme le baiser au lépreux que Violaine, dans l’Annonce faite à Marie de Claudel, offre à Pierre de Craon et qui lui vaudra la mort. Un acte gratuit, un moment de douceur dans une vie dominée par la violence.

© Jean-Louis Fernandez

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Une micro-société qui se défait

Pour ceux qui aiment Chimène, c’est l’incompréhension, et des réactions à la mesure de leur personnalité. L’enfant s’est échappée du cocon où l’enfermait sa mère, qui exerçait aussi sur son époux le même pouvoir enveloppant et tyrannique. L’annonce de cette mort programmée déclenche une forme de séisme dans l’équilibre fait de déséquilibre de cette famille sans histoire et modifiera les relations du couple et leur manière de considérer la vie. Quant à Domino, la femme qui l’aime, elle porte comme une trahison ce sacrifice pour rien. Il fait exploser toute la colère qu’elle porte en elle, une colère qui vient du plus profond, d’une révolte presque ontologique, longuement intériorisée et mûrie. Une conception de la vie qui s’écrit en noir et blanc, comme son nom.

© Jean-Louis Fernandez

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Entre réalité et imaginaire

À mesure que se défont les frontières qui cadenassent les comportements, l’espace de la chambre se modifie. Réduit au début de la pièce à une bande à l’avant-scène, il s’agrandit et s’ouvre plus largement, au fil du délitement de la situation initiale, pour atteindre progressivement une dimension plurielle et moins identifiée. En même temps, il se sépare du réel pour aller vers l’onirisme. C’est alors que réapparaît Theraphosa Blondi, l’araignée qui s’est dépouillée de ses attributs velus et de sa reptation initiale. Cette araignée, on l’a vue apparaître sur les peintures que Chimène a créées. Portée par un danseur de butō, elle tisse une toile faite de déplacements fluides et doux autour des personnages. Cette « danse du corps obscur », introspective, qui fonctionne ici comme le prolongement de l’obstination douce et tendre de Chimène-Chimère, les cerne, les enveloppe, les envahit en même temps qu’elle les révèle à eux-mêmes. Dans ce spectacle où mythe, art et peinture sociale se côtoient, l’araignée, emblématique, est la figure d’un espace mental et d’un mystère dans lequel s’inscrit, peut-être, la réalité du théâtre.

© Jean-Louis Fernandez

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Chère chambre. Spectacle écrit et mis en scène par Pauline Haudepin

Avec Jean-Louis Coulloc’h, Sabine Haudepin, Dea Liane, Jean-Gabriel Manolis, Claire Toubin Scénographie Salma Bordes Lumière Mathilde Chamoux Costumes Solène Fourt Composition musicale et son Rémi Alexandre Plateau et régie générale Marion Koechlin Production et administration Agathe Perrault – La Kabane • Chère Chambre a été créé le 25 novembre 2021 au Théâtre National de Strasbourg • Production Compagnie Theraphosa Blondi, Théâtre National de Strasbourg • Coproduction Théâtre de la Cité internationale • Avec l’aide à la création de la DRAC Grand Est • Avec la participation artistique du Jeune théâtre national • Avec le soutien du Fonds de dotation création Porosus, de La Chartreuse − Centre national des écritures du spectacle, des Tréteaux de France et du Théâtre Gerard Philipe - CDN de Saint-Denis • Pour Chère Chambre, Pauline Haudepin est lauréate de l’aide à la création de textes dramatiques ARTCENA et de l’aide à l’écriture de la mise en scène de théâtre de l’Association Beaumarchais-SACD. • Pauline Haudepin est artiste en résidence au Théâtre de la Cité Internationale et artiste associée au Théâtre National de Strasbourg • Elle a été l’une des artistes présélectionnés par le Dispositif Cluster 2017 initié par Pémisses. • Remerciements particuliers à toute l’équipe du TNS pour leur précieux travail autour de la création du spectacle.

Théâtre de la Cité internationale - 17, bd Jourdan 75014 Paris

Rés. 01 85 53 53 85 ou www.theatredelacite.com

Du 17 au 29 janvier 2022, sf mer. & dim., lun. & ven. 20h30, mar., jeu., sam. 19h

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